Versione :

Ducumentu
Le baroque sicilien

 LE BAROQUE SICILIEN

La passion des Siciliens pour l'art baroque, importé par les Espagnols, a commencé avec la nécessité de reconstruire des villes dévastées par un séisme en 1693. Ce violent tremblement de terre a anéanti  Noto, Raguse et Modica que le vice-roi espagnol Uzeda a entrepris de reconstruire avec les autres villes sinistrées. Sous l'impulsion de l'architecte Rosario Gagliardi (1680-1762), la ville de Noto fut entièrement rebâtie, à dix-huit kilomètres de ses ruines; dans le style baroque, alors très en vogue.

Noto a été conçue par son créateur comme un véritable décor d'opéra. L'unité de style de cette ville magnifique, sculptée dans la pierre blonde d'un seul tenant et sous la direction d'un seul homme, ne trouve pas d'équivalent en Sicile, en dehors de Catane. Cette dernière, cepen­dant, est construite sans logique, et ses pierres de lave grise sont assez tristes, tandis que la pierre dorée et les perspectives spectaculaires de Noto sont un ravissement. La ville est un trésor de l'architecture sicilienne du XVIIIe siècle.

La transformation de Catane est lié à l’œuvre de Vaccarini (1702-1768), qui dessina ses églises, mais aussi la place de la cathédrale et la cour carrée de l'université. Influencé par Borremans, Vaccarini préfé­ra le classicisme roman à l'exubérance espagnole, la simplicité à la créativité débridée.

Rosario Gagliardi a également dessiné la façade de l'église San Giorgio de Raguse. Il aimait tout particu­lièrement les constructions à flanc de coteau qui permettent de construire de larges escaliers. Les villes de Raguse et de Modica transgressent ainsi les sévères contraintes romanes.

Le baroque sicilien mêle des perspectives spectaculaires et des vues célestes. Quel spectacle que toutes ces corniches sculptées, ces rambardes dentelées et ces balcons très décorés. Les façades baroques ont de la majes­té, de la hauteur, des courbes élégantes, avec légèreté et stabilité. Mais le baroque se perd parfois en cortèges de nymphes, en statues pompeuses et en lourdes façades.

A Palerme, le baroque est à l’image de l'aristocratie espagnole qui l’a conçu. Inspiré par le spagnolismo, qui cède volontiers à l'ostentation, l'art baroque sici­lien a marqué ses immenses places et le tracé fantaisiste de ses rues. Le carrefour des Quattro Canti, au coeur de la capitale, en est une démonstration éclatante. Les Jésuites ont poussé les gens à construire ici des églises, des couvents et des oratoires, et les familles nobles se faisaient bâtir des chapelles particulières. La cathédrale Santa Caterina renferme plusieurs grandes fresques orgiaques et des mosaïques de marbre précieux aux teintes crémeuses.

Le baroque se perd souvent dans ses excès, mais l’art de la sculpture y atteint son apogée avec Serpotta (né en 1656) maître dans le travail du stuc. Les chapelles dues à son talent offrent aux regards toute une foule de nymphes, de chevaliers, d'anges et de putti. L'oratoire del Rosario est orné de statues représentant les vertus car­dinales (la pureté, la sagesse et la justice) et de sombres peintures religieuses.