Versione :

DELIQUESCENCE


À José Saborit

 

Œillet éclaté, blanc et distant,
lèpre inverse du ciel vous êtes,
hauts nuages de juin.

Quelle joie sonore lui fait cadeau
de cristal accordé
votre écume innocente à notre matin,
et d’où nous arrive cette émotion,
si mystérieuse et pure,
qui naît de vous observer au jour de l’homme?

Formes brèves d’un rêve vous êtes,
confirmation légère de ces yeux
qui vous regardent flotter
secrètement
sur le faîte creux de la vie.

GALLEGO Vicente

Hè natu in Valenzia in u 1963. Hà publicatu trè racolte di puesia ragruppate dopu in un solu libru El sueño verdadero (2003). Hà vintu parechji premii di puesia in Spagna.

Versione :

LE PAIN DU RÊVE

 

 

D’un jour à l’autre comme du levain oublié
la nostalgie fermente
fait du pain
et éloigne le rêve
qui ici ailleurs
et dans un autre pays
croîtra
et pourra cacher
l’humidité du pays où je naquis
le rêve se brisa le pain se rassit
des guerres et encore des guerres
il ne reste que la mémoire
comme l’éléphant qui retourne au tombeau de ses ancêtres
en criant
et avance encore
en tâtonnant
mais c’est un éléphant différent.

Versione :

MA VILLE NATALE

 

Il y a des jours où je ne pense qu’à elle.
Comme si rien n’existait au monde sauf
l’espoir.
Il y a des jours où la quotidienneté couvre
tout
et j’ai alors l’impression que jamais
personne ne comprendra
mon langage.
Il y a des jours où moi, moi-même je ne comprends pas
mon langage.
Comme si je marchais sans jambes
et la distance entre la terre et moi
s’agrandissait
mais je ne m’envole pas
c’est une promenade à pied
imaginaire
un monde imaginaire
qui remplace la terre
ferme.

MOSHE Benarroch

 

Natu in Maroccu in u 1959 è impastatu cun parechje culture è lingue : castiglianu lingua materna, scola in francese, arabu in carrughju, ebreiu in a sinagoga. Da l’età di tredeci anni, stà in Israele . Scrive puesia da l’età di quindeci anni: i so primi puemi l’hà publicati in u 1979, l’ultimi esciuti sò quelli di Esquina en Tetuan (2000). Hè publicatu in inglese, ebreu, castiglianu, purtughese, alemanu, gallegu è chinese.

Versione :

DU BROUILLARD

 

I

Le brouillard met sous les arbres
des îles de pluie,
et, par la condensation,
la physique pénètre dans le poème,
comme par le bleu d’un matin
qui s’élève sur le monde immobile,
brossé d’une nuit
d’arbres bacchantes
avec des animaux de vent roulant sur les terrasses.

Le brouillard met sous les arbres
des ombres de pluie.

II

Versione :

III

 

 

La mémoire déchire la solitude.
Ella la démolit comme un œuf pourri.
Son voyage ne répond pas à la crevasse.
Elle ne révèle pas le vol interdit
ni les yeux qui, seuls, attendent.

La voix nocturne des muezzins
se précipite dans le vide sans un dieu
pour cette bouche creuse.
Elle augure le froid du crépuscule.

Nous marchons ensemble vers la nuit.
Une détresse muette nous accompagne.

Versione :

IL PLEUT

 

Tu parcours mon corps
dans les gouttes chaudes
de cet automne,
mûr comme la lassitude.
Tu voyages dans mes illusions
comme une lumière tiède
et l’étincellement de l’eau
qui me purifie,
lorsque tu murmures
le désir de marcher avec moi.

La maison est vide.
L’obscurité noie la conscience.
Cela sent la terre mouillée.
Nous allons à l’ombre de l’ombre.
Je veux toucher tes cheveux.

EL HARTI Larbi

 

Ihè natu in Asilah à u Maroccu in u 1960. U castiglianu hè a so lingua di spressione literaria è sentimentale. Hà publicatu in issa lingua parechje racolte. Dirige una cullezzione bislingua di puesia spagnola cuntempuranea. Si face propiu mezanu culturale trà spressione di e duie sponde mediterranee.

 

Versione :

CHARON

Notre amour est un lac souterrain.

Des vers y naviguent dans de noires barques
avec des yeux dessinés à la proue
et une torche qui dévore les ombres.

À la poupe, le timonier, un autre vers,
sort de la besace et regarde, avare,
les monnaies que nous avions cachées,
pour le passage, sous nos langues.

Résolument, une fois le voyage payé,
avec la rame il sépare le bateau noir
de la rive et navigue en s’éloignant
de la fin du poème; le cap sur l’Hadès.

Pages