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Le manifeste du poète

traduction en français de Martine VANHOVE

La blessure profonde inaudible
parmi les cris de la place, et qui en silence poursuit sa croissance,
la plainte de l'oiseau frappé dans le ciel
sans savoir pourquoi ni par qui, le sang qui s'écoule,
les larmes de la femme blessée dans son amour,
les larmes de son époux, mariage dans la prison de leur vie,
la faim des affâmés, la maladie des invalides,
la longue marche des réfugiés terrifiés
s'approchant de la frontière de leur mort,
la perte de celui qui chute pour la dernière fois
transpercé par les tirs chauds de la baïonnette,

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Maintenant tu es la saison nouvelle

traduction en français de Martine VANHOVE

Maintenant tu es la saison nouvelle, colombe
qui hier a mangé dans ma main, solitaire,
comme le soleil glisse sur moi et sur toi gémit,
parle-moi tout doucement dans ce silence
d'un esprit surmené ouvert catacombe
devant toi pour que tu y marches pieds-nus - entre !
Maintenant tu es le piano silencieux, tu as
en toi la mélodie pourpre que j'écrirai
avec les notes que tu m'avais promises. Poème,
maintenant tu es mon grand poème,
les mots introuvables dans le dictionnaire
et les rythmes sanglotent, les syllabes bredouillent,

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A la banque de la chance

traduction en français de Martine VANHOVE

Un voleur et un vagabond même amoureux
sont tous les hommes, négociants à la banque de la chance,
aventuriers dans le casino de leur coeur.
Ils souhaitent des lires et se réjouissent des centimes,
ils se trâment au sol et touchent des doigts les étoiles
- ainsi s'imaginent-ils, certains de cette folie.
Au marché du temps ils vendent et rachètent,
échangent, empruntent et mettent aux enchères.
La joie se paie toujours à un prix élevé
rien n'est gratuit à ce jeu de perdants.
Même dans la mort le coeur, pour mourir, s'appauvrirait

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La poésie est une femme

traduction en français de Martine VANHOVE

La poésie est une femme que nous portons en nous
pendant neuf longs mois, longs comme neuf siècles,
c'est une grossesse sans enfantement et c'est bien ainsi,
sinon la matrice serait stérile, et l'enfant mort-né.
Ses neuf siècles ne passent jamais.

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La nuit dans cette gare

traduction en français de Martine VANHOVE

Cette nuit dans la gare il est arrivé un peu avant moi,
je n'attends rien de plus. Il s'éloigne de moi
à l'instant, tout doucement, le train.
Moi je halète et lui bouge sans se presser,
tous deux fatigués dans ce coin de ville endormie.
Cette nuit dans cette gare, il est arrivé un peu en avance,
et c'était le dernier voyage. Des wagons sombres
se cachent dans l'obscurité, et le dernier bruit s'estompe
et s'estompe avec lui l'espoir d'une autre ville.

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Je répandrai la nuit sur toi

traduction en français de Martine VANHOVE

Je ne sais ce que tu veux ce soir
ce mot tourne et tourne
lourd comme du plomb dans ma poitrine.
D'où viens-tu et où iras-tu ?
Tu sors de mon flanc,
tu t'enroules sur mes lèvres,
tu glisses sur ma langue,
et tu te presses de mourir, en vain.
Il est sorti de moi, ô épine de la douleur,
et je n'ai dit à personne ce soir
la teneur de notre secret.
Tu es trop lourd pour que je te soulève,
si Je te cueille, le sang coulera,
tu te troubles si Je te touche,
si je te dénude, tut t'étioles.

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Je vole une minute

traduction en français de Martine VANHOVE

Je vole au moins une minute d'une journée,
au moins une semaine d'une année - et je les enferme
très vite à l'abri dans des tirelires.
Petit à petit l'argent que j'amasse augmente,
avec avidité je le compte pour mesurer
les bons moments bien dépensés de ma vie
et ceux qui m'ont échappé à terre et se sont dissipés.
Je plonge ma main dans la tirelire et je remonte
des bouquets de souvenirs, et rien d'autre, comme lorsque
j'avais descendu un seau dans le puits en espérant le remonter
débordant d'eau. Les tirelires sont comme ce seau :

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Hagards, nous égrainons le temps

traduction en français de Martine VANHOVE

Chaque flux et reflux de la vague désire une chose
que j'ai voulue moi aussi. Vague insensée,
ici sont ensevelis profond tous les efforts,
l'océan appelle tel un cimetière
attendant celui qui doit y entrer.
Chaque galet est un témoin du commencement de tout,
silencieux, chaque galet est un secret bien gardé,
les galets aussi m'ont diverti au début.
L'océan appelle tel un cimetière,
hier il n'était qu'un unique et chaud clapotement,
jamais assoupi, garde toujours en éveil,

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Dis, c'est un hasard ?

traduction en français de Martine VANHOVE

 

Quelque part tu dois être, Seigneur. J'ai cherché
dans mon ancienne rue, mais on a dit
que tu avais tourné le coin il y a peu.
Avec l'aube tÔt levé, j'ai couru dehors
au jour, pour me perdre dans une impasse sombre.
J'ai attendu à tous tes rendez-vous
dans l'intimité de ma chambre, et on m'a dit
qu'on t'avait vu sonner chez mes voisins envieux.

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C'est une comédie

traduction en français de Martine VANHOVE

L'heure descend droit sur ma tête,
la blessure me touche au coeur et le transperce,
ainsi doivent toujours se clore les sombres drames,
on tire les cordes du rideau de scène,
puis on rallume les lumières du théâtre.
Une vieille copie entre les mains, l'acteur habituel
connaît chaque mot et chaque mouvement.
La représentation est sans couleur et sans surprise.
Le directeur bâille et s'étire,
l'auteur hausse les épaules et tète un cigare,
le public applaudit toujours au bon moment,
le portier attend le moment de partir.

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