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DIGLOSSIE - Définition

Diglossie
nom commun - féminin (diglossies)
Linguistique utilisation hiérarchisée de deux langues ou de deux formes d'une même langue dont l'une est socialement dévalorisée par rapport à l'autre
• la diglossie de certaines régions françaises

 

En sociolinguistique, la diglossie désigne l'état dans lequel se trouvent deux variétés linguistiques coexistant sur un territoire donné et ayant, pour des motifs historiques et politiques, des statuts et des fonctions sociales distinctes, l'une étant représentée comme supérieure et l’autre inférieure au sein de la population. Les deux variétés peuvent être des dialectes d'une même langue ou bien appartenir à deux langues différentes.
L'utilisation de ce concept mène à une modélisation de la situation linguistique centrée autour de l'opposition entre variétés « haute » et « basse » de langage. Dans une situation diglossique habituelle, on observe ainsi une distribution complémentaire des variétés en fonction des contextes sociolinguistiques : en contexte formel, à l'écrit ou pour certains usages culturels et littéraires, la variété « haute » est seule acceptable tandis que la variété « basse » se cantonne au cadre privé, à l'oral, à la poésie, au folklore etc.
La notion a été utilisée et développée par des auteurs critiquant le terme de « bilinguisme », jugé trop imprécis, source de confusion et dont l'utilisation masque en fin de compte des réalités sociales complexes et dynamiques. Ils envisagent ainsi le bilinguisme uniquement du point de vue de l'individu : le bilinguisme est l'état de l'acteur individuel capable de mobiliser plusieurs variétés de langage. Au contraire, la diglossie est un phénomène sociétal, caractérisé par la coexistence et la répartition socialement codifiée de plusieurs variétés.
Il existe ainsi, du moins théoriquement, des situations de diglossie avec ou sans bilinguisme, et réciproquement (voir le paragraphe Rapport entre diglossie et bilinguisme).
La variété « haute » est utilisée lors du culte, dans les lettres, dans les discours, à l’université,… et jouit d’un prestige social accompagné d’une littérature reconnue et admirée dans une forme très standardisée (grammaire, dictionnaire,…) fréquemment apprise à l’école. Ensuite la variété « basse » fonctionne dans les conversations familières, dans la littérature populaire, dans le folklore, souvent uniquement orale, elle est acquise naturellement comme première langue du locuteur.
Il s'agit tantôt de la variété prestigieuse standardisée, comme en France entre le français standard et les langues et dialectes régionaux, tantôt de la variété basse, comme ce fut le cas en Grèce encore assez récemment, où la variété « haute » est devenue une langue morte. (Arabe littéraire, arabe dialectal/populaire).
Une diglossie peut persister plusieurs siècles comme c'est fréquemment le cas. Elle peut disparaître suite à l'apparition de sous-variétés mixtes entre les deux variétés en conflit ou en cas de profonds bouleversements sociaux. À terme, on tend toutefois à observer une assimilation.
L'idée de diglossie a été présente dans des luttes de réhabilitation des langues dites minoritaires, (qui sont plutôt « minorisées ») parlées pour certaines d’entre elles dans la vie de tous les jours par une proportion importante de la population d’un territoire. Dans ces situations-là, bien que historiquement majoritaires, certaines langues sont devenues minoritaires ou presque non existantes comme l’hawaïen dans les années 70 ou la langue galloise dans le sud – la partie la plus peuplée du pays. Parfois ces langues sont majoritaires, par exemple le francoprovençal dans la Vallée d’Aoste, le basque et le catalan. L'école sociolinguistique catalane s'est en particulier appuyée sur ces résultats pour défendre des politiques de normalisation et de valorisation du catalan afin d'éviter son assimilation.
La diglossie peut concerner des variétés d'une même langue, des langues différentes, ou même parfois deux variantes développées de la langue écrite dans un même pays (par exemple le nynorsk et le bokmål en Norvège).
Au Maroc on peut même parler de trois diglossies distinctes : la diglossie arabe standard – arabe dialectal, la diglossie arabe dialectal – amazighe (berbère) et la diglossie arabe standard – français.
En outre, à l’intérieur des grands centres urbains, partout en expansion en Afrique, peut se marquer une situation qui n’est pas typologiquement diglossique mais qui peut relever d’une dynamique diglossique.
Cas de l'arabe
Les pays d'Afrique du Nord sont caractérisés par une situation diglossique entre l'arabe classique, langue prestigieuse et de culture, et l'arabe dialectal, populaire.
Outre ce fait, la juxtaposition de deux variantes d'une même langue (l'arabe) en Afrique du Nord, caractérise parfaitement la diglossie. La présence de l'arabe dialectal, langue d'usage quotidien, dans le milieu familial aussi bien que dans le milieu public, et l'arabe classique dont l'usage est limité aux médias étatiques et à l'école (car il est la langue d'enseignement), illustre cette situation diglossique.
Ainsi le dialectal, utilisé dans la vie quotidienne par la majorité de la population, n'a aucun statut officiel, au contraire de l’arabe classique, utilisé dans l'enseignement et les médias. Réservé aux situations formelles, il se trouve de ce fait privilégié par rapport aux autres langues présentes en Afrique du Nord (les dialectes régionaux et le berbère). L'arabe classique tient également son prestige du fait qu'il est la langue du Coran.
Aujourd'hui des voix s'élèvent dans les pays du Maghreb (à l'exemple de l'écrivain Kateb Yacine en Algérie) pour revendiquer un statut officiel pour l'arabe dialectal. On peut dire que c'est le cas aussi du tamazight (langue berbère) enseigné à l'école, comparé aux variétés parlées au Rif, en Atlas et au sud du Maroc .

La diglossie en France
La France a connu et connaît encore de telles situations diglossiques, marquées par l'opposition entre une langue régionale, plus ou moins vivace, et le français comme ce fut le cas entre le français et le latin vivant qui se disputaient la prééminence.
On la rencontre ainsi en Alsace, au Pays basque, en Corse et dans une bien moindre mesure en Bretagne, dans les aires catalane, dans les aires franco-provençal, occitane et flamande.
En Martinique, en Guadeloupe, en Guyane et à La Réunion cette situation existe aussi.
Dans les universités de chacune de ces régions, la sociolinguistique a pris pour objet d'analyse le conflit diglossique et ses conséquences. L'apport de ces travaux est capital pour la compréhension d'un phénomène jusqu'à récemment assez peu étudié.

En Grèce
Deux modalités de grec moderne se trouvent en conflit diglossique: d'une part la Katharévousa, langue artificielle et prestigieuse, adoptée par une minorité de la population et restée seule langue officielle jusqu'en 1976, et d'autre part le grec démotique, langue populaire et autochtone.
La Katharévousa, très marginalisée actuellement, reste utilisée dans certains milieux conservateurs.

Cas de la Suisse alémanique
Les dialectes suisse-allemands sont communément parlés dans 21 cantons en Suisse, mais en ce qui concerne l'enseignement et les activités administratives c'est l'allemand "standard" qui est utilisé.

Cas du Luxembourg
Le français et l'allemand sont historiquement langues officielles au Luxembourg. S'y est ajoutée, en 1984, la langue spécifique, le luxembourgeois, langue encore peu écrite, qui cherche à se normaliser et que le Luxembourg n'a pas cherché à imposer au niveau européen. Le multilinguisme au Luxembourg est un fait avec une population du Grand-Duché qui a une pratique quotidienne des trois langues.
Ce particularisme est dû à la petite taille et à l'histoire du Grand-Duché situé au croisement des aires francophone et germanophone. Les nombreux échanges entre le Luxembourg et ses voisins, l'émigration vers ces pays pour trouver du travail au XIXe siècle puis après les années 1970, le phénomène inverse ont fait que les deux puissantes langues voisines sont devenues couramment parlées dans le pays. Mais, à l'inverse de ses dérivés en France et en Belgique, la pratique du luxembourgeois s'est maintenue dans la population en partie comme ciment de l'identité nationale («eis Sprooch», « notre langue »)

Dans la pratique
À la Chambre des députés : la langue courante est le luxembourgeois mais avec quelquefois l'usage du français, par exemple quand les lois sont citées.
Dans la presse et les médias: la presse est majoritairement en allemand, il y a quelques journaux et magazines en français. Il existe un quotidien exclusivement en français (Le Quotidien), un hebdomadaire exclusivement francophone (Le Jeudi), et aussi un hebdomadaire lusophone (Contacto). Les chaînes luxembourgeoises de télévision et de radio sont presque uniquement en luxembourgeois mais les chaînes hertziennes de radio et télévision françaises, allemandes et belges sont captées au Luxembourg et sont regardées et écoutées.
À l'école : à l'école primaire, les cours sont en allemand et les explications sont souvent données en luxembourgeois. Dans le secondaire, cela dépend à quel niveau se trouve l'élève. L'enseignement classique est dispensé (aux classes inférieures) en allemand, alors que les niveaux supérieurs utilisent le français. Au niveau technique, c'est-à-dire la 9e, toutes les matières sont en allemand sauf les mathématiques. De la 10e à la 13e, les cours sont principalement en français mais les explications restent souvent en luxembourgeois. Dans le niveau le plus bas toutes les matières sont en allemand, sauf les mathématiques.
Dans la vie quotidienne : la pratique varie selon les familles et les situations, même si le luxembourgeois domine dans les conversations entre natifs du pays. Compte tenu de l'importance de la population immigrée, le pays est un creuset linguistique. Les habitants du Luxembourg parlent généralement plusieurs langues chaque jour, en fonction du contexte. Pour parler avec un collègue étranger, la langue de celui-ci, le français ou l'allemand sera utilisée, puisque rares sont les étrangers vivant ou travaillant dans le Grand-Duché qui maîtrisent le luxembourgeois. Mais si leur interlocuteur comprend le luxembourgeois, cette langue sera utilisée.
Signalisation routière : les panneaux de circulation sont en français et en luxembourgeois.
En novembre 1984, par décret, le luxembourgeois est devenu, avec le français et l'allemand, la troisième langue nationale du Grand-Duché. Le 24 février 1984, a été promulguée (en français) la loi suivante :
1. La langue nationale du Luxembourg est le luxembourgeois.
2. Les textes légaux sont rédigés en français.
3. Les langues administratives sont, au choix, le luxembourgeois, l'allemand ou le français.
4. Dans l'administration, il doit être, dans la mesure du possible, répondu par le fonctionnaire au demandeur dans la langue que ce dernier a utilisée : français, allemand ou luxembourgeois.
Le luxembourgeois est de ce fait une langue nationale et reconnue. Des efforts sont par ailleurs faits, partout dans le pays, pour la codifier et l'unifier. La presse nationale, par exemple les quotidiens Luxemburger Wort, Tageblatt, Lëtzebuerger Journal, sont rédigés majoritairement en allemand et partiellement en français, sans que l'article soit traduit dans l'autre langue. On y trouve aussi quelques lignes rédigées en luxembourgeois : le courrier des lecteurs, les annonces personnelles ayant trait à la vie privée (nécrologies, faire parts divers...). Pour les romanophones (non autochtones), il existe aussi des quotidiens et hebdomadaires monolingues en français.

Disparition progressive du luxembourgeois ?
Début 2012, une enquête révèle pour la première fois qu'une majorité des enfants (56 %) ne parlent pas luxembourgeois chez eux ; ils n'étaient que 42 % en 20052.