Une Ile de Mots
Puesia
DURAZZO Francescu Micheli
La première fois j’ai rencontré un homme qui remaillait son filet.
Il m’a accueilli avec des mots que je connaissais,
mais les poissons étaient aussi étranges que cette mer.
L’homme a échangé avec moi quelques mots
dans une langue de vérité
et j’ai senti que tout avait trouvé son refuge,
que l’âme des sons se tissait aux les fils luisants
du filet et la mer accueillait l’écume des vagues
avec le regard heureux des mots.
Nous avons gravi la montagne ce jour-là.
C’était l’heure où les chèvres
Rentraient et l’homme nous invita à entrer.
Il avait la cafetière sur le feu et il accompagnait ses paroles
de gestes pris dans la langue des poissons et des chèvres.
Ce n’est qu’avec le langage des gestes que les bêtes revenaient
Et donnaient leur lait sans avoir été traites.
C’était une langue fraîche,
comme le café fraîchement passé. Il flottait
parmi les tasses fumantes et les rides de l’homme
se dissipaient dans la gaîté de ses paroles
en boutons de fleurs depuis si longtemps épanouies.
Bien des années sont aujourd’hui passées.
Aujourd’hui ils me saluent et me parlent dans la langue qui leur donne le gîte et le couvert. Les enfants apprennent à polir les gestes
des mots que la mer roule comme ses cailloux.
La langue est une plage de sable fin
toujours arrosée par la mer.
Le filet est à recoudre et les chèvres ne donnent pas tout le lait
que l’on attend d’elles. L’homme de la montagne et celui de la mer ont bloqué la porte de l’air froid et salé.
Ils rient pmoins qu’ils ne pourraient rire. Trop d’incendies
et de naufrages. Mais ils retroussent leurs manches et se mettent
au travail: une langue n’est pas une île engloutie
à la merci du continent qui aspire toute l’eau.