Versione :

Ducumentu
Le cimetière (Maurice Ricord)

Découverte littéraire de la Corse
Maurice Ricord
Nouvelles Editions Latines, 1 rue palatine – Paris-6, 1963
page 177

D’un mot, Jeanne Catulle-Mendès fixe le trait, l'attitude de chaque ville :
« Ajaccio, la séductrice, cage orgueilleuse et nonchalante d'un souvenir qui la déborde pour emplir l'univers ; Bastia, vivace merveille terrienne et marine, au rude passé de pierre armoriée ; Bonifacio, fauve et fantastique sur son rocher tout blanc, et dont les frustes habitants, rentrant à âne, au crépuscule d'une journée de labeur dans leurs champs pierreux, paraissent monter, en théorie, vers la céleste récompense des humbles... »

page 191

Comme Jean Lorrain et Emile Ripert, ce voyageur a été aussi frappé par la situation et la disposition du cimetière d'Ajaccio.

«  Plus qu'aucun autre, écrit-il, il mérite son nom de nécropole : c'est une ville, vraie ville des morts, presque aussi étendue que celle des vivants et que, du large, le voyageur inexpert prend parfois pour elle. Ce n'est pas, comme ailleurs, une forêt de croix, mais une multitude de chapelles de toutes dimensions, maisonnettes rangées en rues ou groupées autour de petites places : ville du silence et de la paix, avec ses faubourgs où des tombeaux délaissés achèvent de se ruiner au milieu des cactus, des aloès, des herbes sauvages qui en prennent insensiblement possession. Premier symptôme que nous observons du culte du Corse pour ses morts et pour la mort. Elle ne lui est ni hostile ni étrangère, mais familière, en plein accord avec le sens tragique qu'il a de l'existence. Pour un Corse, la construction d'un tombeau est chose pri­mordiale. Si ses premières économies passent à bâtir la maison, centre de la famille, le surplus sera consacré au tombeau qui en est le sanctuaire.»

page 206

(Lorenzi de Bradi)
Son Jour des Morts à Ajaccio, par exemple, dans ses Contes et Nouvelles, est délicieusement macabre :
« Le rêve, écrit-il, c'est d'être enterré en Corse, à Ajaccio, près de la mer, sur cette merveilleuse promenade des Sangui­naires, calme et douce, éternellement parfumée, où Ies vivants eux-mêmes sont tranquilles, et les morts à plus forte raison. Nous y avons tous un petit caveau de famille qui nous attend. J'ai le mien, tout à fait charmant, à deux pas de la chapelle des Grecs, absolument au bord de l'eau. Ma place y est mar­quée à côté des aïeux, des vieux parents, et dans ce pays hospitalier, il y a toujours dans les caveaux de famille quel­ques cases vides pour Ies amis. J'en ai, chez moi, à la disposition de usted. Ne vous récriez pas, car c'est bien ten­tant. II faut voir ce petit coin par quelque belle matinée ensoleillée. »