Nature morte avec cheminée
Puesia
DUMAS Catherine
Je vois la fumée qui sort par la cheminée et un peu au-dessus
les feuilles de l'arbre tremblent. Elles résistent encore,
les arbres ont un souffle extraordinaire. C'est mon ami
qui monte peu à peu et moi ici en bas j'échange des souvenirs épars
avec deux garçons de notre temps. A l'intérieur il y a une salle d'attente
mais là, moi aussi je fume ma vie.
A Auschwitz il n'y avait pas de salle d'attente, il n'y avait pas de chaises
pour la famille, ni assez d'arbres pour épeler la douleur
sur leurs feuilles. Mon ami sort peu à peu par la cheminée
et je ne sais pas si nos querelles restent dans les cendres, ni où sont
gardés nos affects. Ce bruit de pelle qui blesse les oreilles rassemble
tout ce que nous pourrons visiter dans un coffret à bijoux.
La vérité qui nous reste est déjà loin là-haut. Seul l'arbre sait dans ses feuilles
la matière du corps qui s’envole. Ici en bas je fume.
Droit au ciel va le corps de mon ami montant par la cheminée.