Gramatica
Documenti : La polynomie orthographique

(G.M. COMITI, « A pratica è a grammatica », Squadra di u Finusellu – CCU, 1996).

La polynomie orthographique.

Si le caractère polynomique du corse apparaît à travers une variation linguistique reconnue et jugée naturelle, il est tout à fait logique que l’orthographe enregistre et restitue la polynomie corse. On pourra ainsi avoir diverses orthographes pour un seul mot, orthographes qui renvoient à des prononciations différentes ou à des choix différents.

Nous avons vu comment cela est possible dans le domaine vocalique (siccu/seccu, pilu/pelu, cruci/croci/croce etc...), dans le domaine consonantique (famidda / familla / famiglia / famighja; pulenta / pulenda; squassà / sguassà; cusì / cussì etc...), dans le domaine morphologique (cantemu/cantemi/cantimu, parlanu/parlini/parlenu, lavà si/lavassi etc...).

Mais il existe d’autres phénomènes qui donnent lieu à variation et que l’orthographe enregistre:

- assimilation: carne - carri
cisterna - cistarra

fornu - furru/forru ...
   
- dissimilation: nudda - nunda
allora - andora
micca - minca ...
   
- métathèse: burla - brulla
canaletta - calanetta
strampalatu - stralampatu
dorme/a - dromma
frittella - firtella ...
   
- prothèse: cucinà - scucinà
cunvince - scunvince
bastà - abbastà
scioglie - discioglie
scopre - discopre...
   
- épenthèse: straurdinariu - strasurdinariu
solamente - soladimente
francamente - francadimente
camara - cambara...
   
- épithèse: rota - rotula
cunigliu - cunigliulu
prasca - prascula
ciuffu - ciuffulu...
   
- aphérèse: dea - dea
amministrà - ministrà...
   
- syncope: spiritu - spirtu/spirdu
periculosu - priculosu...

Cette diversité orthographique ne représente pas une difficulté en soi si on considère que nous avons affaire à un contexte tout à fait particulier: la polynomie. L’individu habitué à la diversité linguistique n’a en effet aucun mal à gérer la diversité orthographique car celle-ci est appréhendée comme une réponse naturelle à la variation.

Il n’en va pas de même dans des contextes normalisés autour de la notion de «norme unique» qui vise l’uniformisation linguistique et orthographique: un seul mot reconnu correct, une seule forme orthographique reconnue légitime.

Il est clair que le système «à la française» que l’école nous a inculqué ne nous prédispose pas au système polynomique «à la corse» (c’est ce qui explique certaines réactions parfois virulentes), mais il faut bien comprendre que le corse a fait l’objet d’un choix de normalisation qui a ses propres règles, logiques et cohérentes, que nous pouvons assimiler et maîtriser sans problèmes dans le cadre d’un apprentissage organisé.