La dernière consonne
Puesia
DUMAS Catherine
Comme si j’étais revenue dans mon enfance où tout coïncide
pour échapper à la vérité. Plus étroite la vérité
que cette route de ravine. Ta voix caresse mes voyelles
là haut, sur Bastia, la montagne et la mer
sont une seule et même chose. Les maisons salées, les algues à la porte
et un chien folâtrant sur le sable. Le parfum de l’herbe,
des arômes que tu ouvres avec ta clé. Peut-être portais-tu
des culottes courtes et avais-tu les poches pleines de rien quand ta voix
ne savait que dire oui. Comme ce jour-là, tu crois encore : « Pacà, pacará ella! »
et tu retires de ta poche le geste superbe de la petite fille
de dix ans. Ici mon corps s’est débarrassé de sa dernière consonne.
Plus tard, dans l’oratoire de Santa Croce le christ m’a regardé
serein et sans souffrance et j’ai compris
qu’il n’a pas eu besoin de mourir pour nous sauver.