ACHAC-QUELQUES ORIENTATIONS

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Mémoires combattantes

Le travail historique destiné à rappeler la présence des combattants, issus des colonies ou non, a été initié dès 1996. Il rappelle que les « étrangers » et « coloniaux » ont participé activement à la libération de la France dans les guerres successives (et cela depuis 1870)5. Le programme, initié avec l’exposition L’Appel à l’Afrique diffusée en Afrique de l’ouest en 1996 et 1997, s’attache, par des films et des expositions, à mieux connaitre l’histoire de ces combattants venus des quatre coins du monde. La série de films Frères d’Armes. Ils se sont battus pour la France depuis plus d’un siècle  retrace cinquante récits de certains de ces combattants, avec cinquante voix-commentaires de personnalités d'aujourd'hui. Trois expositions Ensemble. Présences maghrébines et orientales dans l’Armée françaisePrésences des Afriques, des Caraïbes et de l’Océan Indien dans l’Armée française et Présences de l’Asie et du Pacifique dans l’Armée française viennent compléter l’histoire de ces combattants venus des quatre coins du monde. Ces récits ont été débutés durant l’année du 100eanniversaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale (1914-1918) et du 70e anniversaire de la Libération du territoire national (1944-1945)6. En 2017, une nouvelle exposition Soldats noirs a proposé un travail comparatiste sur les troupes afro-antillaises dans l'Armée française et les troupes afro-américaines dans l'Armée des États-Unis sur 150 ans d'histoire7.

Diasporas en France

Depuis 2000, le Groupe de recherche Achac s’attache à étudier les prolongements, les différents liens, et rapports entre histoire coloniale et histoire de l’immigration. Ce travail – initié en 2000-2003 avec les ouvrages Le Paris ArabeLe Paris Asie et Le Paris Noir – a permis de mettre en exergue les présences diasporiques en France des populations d’Afrique, du Maghreb, de la zone Caraïbes, du Moyen-Orient ou de l’Océan Indien. Ce programme se prolonge avec la longue histoire des présences de populations maghrébines, proche-orientales et ottomanes dans l’Hexagone traversant treize siècles d’histoire de France, et celle des présences afro-antillaises depuis trois siècles d’histoire. C’est dans ce cadre qu’ont été développées les deux "beaux-livres" La France arabo-orientale8 et La France noire9, et les deux expositions L’histoire des présences arabo-orientales en France et L’histoire des Afro-Antillais en France... au cœur de nos diversités ainsi que la série de trois documentaires Noirs de France de Juan Gélas et Pascal Blanchard. Il s’agit à travers ce programme sur les diasporas de redonner du sens à plusieurs siècles d’histoires, de représentations et de présences qui ont contribué à bâtir l’histoire politique, culturelle, militaire, artistique et économique de la France.

Immigration des Suds

Ce programme s’attache à décrire les flux migratoires extra-européens qui ont traversé la France depuis plus d’un siècle. Celui-ci a débuté en 1998 à l’issue de la publication de l’ouvrage De l’indigène à l’immigré10(1998), de plusieurs numéros spéciaux de revues11 et s’est matérialisé par l’édition de huit beaux livres entre 2001 et 2008 : Le Paris noir12Le Paris arabe13Le Paris Asie14Marseille, porte sud, Sud-Ouest, porte des outre-mers15, Lyon, capitale des outre-mers16, Frontière d’empire, du Nord à l’Est17, et Grand-Ouest, mémoire des outre-mers.

L’axe majeur de ce programme est de comprendre les prolongements, les liens, mais aussi les contradictions entre histoire/mémoire coloniale et histoire/mémoire de l’immigration, autant de travaux qui ont rencontré de nombreux obstacles en France et notamment dans le monde scientifique18. Ce travail a permis de mettre en exergue les ressorts d’une histoire qui a du mal à se fixer dans la mémoire collective en travaillant justement sur les images qui constituent les traces de cette mémoire. Pour singulariser les vingt ans du Groupe de recherche Achac, le coffret Un siècle d’immigration des Suds en France19, rassemblant les huit ouvrages, a été publié en décembre 200920. Ce programme s’accompagne d’expositions régionales qui ont été, de 2008 à 2012 mises en œuvre dans toutes les régions de l’hexagone. Ce programme a fait l’objet de plusieurs publications spécifiques21.

« En s’intéressant aux immigrations des Suds, nous sommes amenés à articuler histoire coloniale et postcoloniale et histoire de l’immigration, puisque les flux migratoires des Suds proviennent en grande partie de l’Empire ou de l’ex-Empire22. »

Zoos humains

Depuis 1994, le Groupe de recherche Achac travaille sur la question coloniale et ses représentations à travers le programme Zoos humains, en analysant les prolongements contemporains de la représentation coloniale en partenariat (de 2000 à 2008) avec le GDR 2322 Anthropologie des Représentations du corps du CNRS (Marseille). Le collectif s’est intéressé aux mécanismes complexes qui structurent la relation entre colonisé et colonisateur. Le programme a débuté avec le séminaire du Groupe de recherche Achac à Paris en 1991 et le colloque international « Scènes et types » organisé à Marseille en 1995 au Pharo, à l’origine de l’ouvrage L’Autre et nous. « Scènes et types » (Éditions Syros) qui se propose de « rendre intelligible la mémoire collective inscrite dans l’image fixe ou animée pour décrypter un aspect du logos occidental »23. Amorçant un travail sur l’image coloniale, avec le cycle d’expositions L’Appel à l’Afrique de 1995 à 1997, le programme s’est concentré au fil des années sur le concept de « zoos humains », développé en 2001 lors d’un colloque international à Marseille24. Ces « exhibitions » peuvent être définis comme « des exhibitions d’autrui, reposant sur des différences anatomiques, morphologiques ou chromatiques considérées comme relevant du domaine de l’étrange, voire de l’extraordinaire »25. Un documentaire, réalisé en partenariat avec Arte, a par ailleurs été diffusé pour la première fois en 2002 sur la thématique des « zoos humains » dans plusieurs pays.

Cet objet d’étude a également été abordé dans de nombreux articles, ouvrages et colloques internationaux, avec notamment la parution en 2002-2004 de l’ouvrage Zoos humains. Au temps des exhibitions humaines26qui a fait l’objet, en 2004 d’une traduction italienne Zoo umani. Dalla Venere ottentta ai reality show puis, en 2008, d’une traduction anglaise dans une version remaniée : Human Zoos. Science and spectacle in the age of colonial empires27.

En 2012, l’exposition, et son catalogue, Exhibitions. L’invention du sauvage, a été présentée au musée du quai Branly, en partenariat avec la fondation Lilian Thuram, éducation contre le racisme. Elle a donné lieu à une exposition itinérante, Zoos humains. L’invention du sauvage, ainsi qu’à une série de conférences.

Sport et diversité

Le sport, source d’enjeux symboliques autour de la construction des identités collectives. Ces thèmes sont au cœur du programme Immigration, football et récit dans le siècle, conduit par le Groupe de recherche Achac autour de trois expositions sur le thème des joueurs « issus de l’immigration et des outremers » en Équipe de France depuis un siècle : Des Noirs dans les Bleus28Les joueurs maghrébins en équipe de France29Ces Bleus venus d’Europe. Parallèlement, un film documentaire accompagne ce programme : Des Noirs en couleur. Il reprend l’épopée des footballeurs afro-antillais sous le maillot bleu (diffusé sur Canal +, France Ô, et édité par Universal en DVD). Cette série d’expositions ainsi que ce documentaire offrent le récit d’un siècle d’histoire du football français et sur ces joueurs « issus de l’immigration ». À travers ce programme, nous souhaitons proposer une mise en perspective des flux migratoires qui, en France, ont participé au destin de la société française. Ce programme s’attache aux différentes disciplines sportives autour des présences issues des immigrations. À l'aube de l'Euro 2016 et des Jeux Olympiques de Rio, le Groupe de recherche Achac a souhaité étoffer son programme Sports & Diversités. La série télévisée Champions de France. Ils ont gagné la France permet de mettre en lumière des sportifs et sportives issus de la diversité. En 45 portraits de 2 minutes avec 50 voix-commentaires de personnalités d'aujourd'hui, la série, diffusée depuis juin 2015 et ce pendant un an sur France Télévisions, propose de retracer les parcours sportifs de grands champions qui ont marqué le sport français. En parallèle, le Groupe de recherche Achat propose une exposition sur l'histoire du sport en France depuis plus d'un siècle à travers le prisme de la diversité.

Colonisation & post colonialisme, a publié Images d’empires32, qui tend à montrer « qu’en définitive, la fiction coloniale a pénétré beaucoup plus profondément l’inconscient collectif des Français que tous les événements, les réalisations ou faits liés à l’entreprise Outre-mer de la France »33. Ce livre analyse le regard de la France sur « son » empire colonial en montrant, pour la première fois au public, le fonds photographique officiel destiné à promouvoir l’action de la France dans ses colonies. De façon visible, ces différents travaux ont été rassemblés dans Le Monde diplomatique et dans un dossier spécial de Manière de voir sous le titre Polémiques sur l’histoire coloniale34.

Depuis 2003, le Groupe de recherche Achac a cherché à définir ce qui constituait « la culture coloniale » en France et par extension, la culture post-coloniale35 à travers trois ouvrages successifs édités chez Autrement36. L'ensemble de ce travail sur les cultures coloniales a été regroupé dans l’ouvrage Culture coloniale en France. De la révolution française à nos jours37, qui se donne pour objectif, à travers les contributions d’une cinquantaine de chercheurs, d’ « apprécier les effets rétroactifs de la colonisation sur la culture même des sociétés ayant une histoire ultramarine »38. En 2011, cet ouvrage a été traduit en anglais et mis à jour : Colonial culture in France since the Revolution.

« En traitant du fait national tel qu’il a été modelé par l’idéologie coloniale, ce livre renverse les perspectives et montre comment, voulant légitimer leurs lointaines conquêtes, la monarchie, l’Empire et ont conçu, organisé et relayé auprès des Français le véritable dispositif d’une culture coloniale . De la première abolition de l’esclavage aux débats sur la repentance, voici l’une des premières anthologies sur la construction, pendant près de deux siècles en France, d’une singulière culture39. »

D’autre part le collectif de chercheurs a souhaité mettre en place à partir de 1997 différentes études et projets de recherche sur la « mémoire coloniale », et sur les héritages post-coloniaux, afin de mesurer l’impact de ces questions sur les enjeux de la citoyenneté contemporaine, dont l’ouvrage France colonialeLa société française au prisme des héritages coloniaux40 propose une première synthèse en 2005.

L’ouvrage La Fracture coloniale41 avait déjà souligné les relations complexes et paradoxales entre société française et entreprise coloniale en montrant « comment et combien la France et la colonie se sont soutenues ; se sont confrontées l’une à l’autre ; et surtout comment et combien la France est encore et toujours marquée, modelée par le colonial dans sa politique nationale et internationale »42. Enfin, dans le prolongement de ces problématiques, deux ouvrages collectifs ont mis en perspective ces questionnements, Les Guerres de mémoires. La France et son histoire et, dans le cadre de la revue Hermès (no 52, 2008), Les Guerres de mémoires dans le Monde43. De ces livres, plusieurs débats et conférences ont émergé dans le débat public comme le colloque du même nom, à l’Assemblée nationale, en septembre 2005, ou encore l’article de Sandrine Lemaire dans Le Monde diplomatique en janvier 2006 intitulé « Une loi qui vient de loin »44, sur la loi du 23 février 2005 et son article 4. Toujours dans le cadre de ce programme, l’ouvrage Colonie française apporte des éléments de compréhension à ces quatre siècles d’histoire et donne une vision d’ensemble à ce processus majeur qui a touché tous les continents, au moment où le passé colonial fait son retour en France.

L’année a été marquée par la parution de Ruptures post-coloniales : les nouveaux visages de la société française45, seconde étape du travail de réflexion collective mené depuis Coloniale en 2005. Ce travail se présente comme un aboutissement de la réflexion post-coloniale des équipes du Groupe de recherche Achac qui ont, par ailleurs, participé à l’Appel pour une République multiculturelle et postraciale suivi de 100 propositions pluricitoyenne46 ainsi qu’au collectif « pour un autre débat » qui a proposé une alternative au débat officiel sur l’identité nationale en lançant un appel diffusé le 24 décembre 2009 sur le site Rue8947. Pour ces différents ouvrages et programmes de conférences, plus d’une centaine de spécialistes et chercheurs ont été mis à contribution et ont apporté une lecture croisée et diverses de ces questions.

« La France est aujourd'hui traversée par une fracture coloniale » : telle est la thèse forte de cet ouvrage collectif qui examine les enjeux de mémoire posés par la colonisation et ses conséquences sur la société française actuelle48.