LE MACEDONIEN

L’exploitation à des fins politiques de la variation linguistique a eu des effets particulièrement dramatiques dans la région des Balkans où les langues sont devenues des « langues emblèmes » (Victor Friedman). Ceci nous fait penser à la langue corse comme enjeu politique majeur. Dans le cas du couple bulgare-macédonien, le terme de « glossotomie » a été utilisé (Otto Kronsteiner) pour parler de la standardisation du macédonien effectuée à la fin de la Seconde guerre mondiale.

Le conférencier a évoqué un parallèle possible avec l’évolution du couple italien-corse à travers le temps, entre les politiques linguistiques des États auxquels la Macédoine et la Corse ont été intégrées (la Yougoslavie et la France) et entre les approches dans la standardisation des deux langues.

 

LE MACEDONIEN

 

Le macédonien appartient à la sous-branche orientale du groupe slave méridional, elle-même branche du groupe des langues slaves, qui fait partie des langues indo-européennes. L'autre langue la plus proche du macédonien est le bulgare, qui possède le plus haut niveau d'intelligibilité1. Avant leur codification en 1945, les dialectes macédoniens étaient d'ailleurs considérés pour la plupart comme faisant partie du bulgare2,3,4. Certains linguistes le pensent encore, mais un tel point de vue est connoté et politiquement sujet à controverse5. L'autre langue la plus proche est le serbo-croate. Toutes les langues slaves méridionales forment une continuité de dialectes qui s'étend de la Bulgarie à la Slovénie.

Le macédonien fait également partie de l'union linguistique balkanique, groupe de langues qui partagent des ressemblances de grammaire, de type et de lexique, cela en dehors des différences ethniques. En dehors des langues slaves mentionnées plus haut, cette union comprend le roumain, l'albanais et le grec (le roumain est une langue latine, l'albanais et le grec sont des langues isolées au sein des langues indo-européennes). Le macédonien et le bulgare sont les seules langues slaves à ne plus utiliser de déclinaisons en dehors du vocatif et de quelques rares traces. Ce sont également les seules langues slaves à avoir des articles définis, classés en trois groupes: non-spécifié, proximité et distance6. Cette particularité existe en roumain, en albanais et engrec.

REPARTITION GEOGRAPHIQUE

Il y avait 2022547 habitants en république de Macédoine en 2002, et parmi ceux-ci 1644815 personnes dont le macédonien était la langue maternelle. Il existe aussi des minorités macédoniennes en dehors de la république, en Albanie, en Bulgarie, en Grèce et en Serbie. Selon le recensement ethnique albanais de 1989, il y avait alors 4 697 Macédoniens résidant dans le pays.

Beaucoup de Macédoniens vivent en dehors de la Macédoine, notamment en Australie, au Canada et aux États-Unis. Selon des estimations de 1964, environ 580000 Macédoniens vivaient alors en dehors de la république, soit presque 30 % de la population totale. La langue macédonienne n'est langue officielle qu'en république de Macédoine mais elle est reconnue en tant que langue minoritaire dans des régions d'Albanie, de Roumanie et de Serbie. La langue est enseignée dans quelques universités en France (à l'INALCO), en Australie, au Canada, en Croatie, en Italie, en Russie, en Serbie, aux États-Unis, au Royaume-Uni

  1.  Encyclopedia of World Cultures, David Levinson et Timothy O'Leary, G.K. Hall, 1992, p. 239
  2.  Contes slaves de la Macédoine sud-occidentale : Étude linguistique; textes et traductionAndré Mazon, Notes de Folklore, Paris, 1923, p. 4
  3.  Избранные труды, Афанасий Селищев, Moscou, 1968
  4.  Balkanfilologien, K. Sandfeld, København, 1926
  5.  Who are the Macedonians ?, Hugh Poulton, C. Hurst & Co. Publishers, 2000, p. 116
  6.  Language profile Macedonian, UCLA International Institute