Ducumentu
Les particularités linguistiques du bastiais
Le bastiais a les caractéristiques des variétés urbaines côtières qui présentent souvent des évolutions particulières. Si de telles variétés sont réceptives aux influences extérieures, elles n'en présentent pas moins des caractères originaux qui font partie intégrante de la langue corse.
Au plan lexical on note carrughju "rue" (cf. latin QUADRUVIUM "carrefour") que le passé génois de la ville a contribué à répandre dans l'ensemble des variétés corses.
Dans le même ordre d'idées on peut citer gneri ou gnere "grimaces, bruits inconvenants" qui a une évidente origine onomatopéique (comme dans gnifignà "avoir en dégoût" ou le nom de la "betterave" gnifrignera). Des formes plus ou moins proches existent dans des diverses variétés notamment italiennes; on peut d'ailleurs aussi évoquer le français renifler dont la base est également phonosymbolique.
Il existe aussi d'autres particularités bastiaises souvent citées comme scende et muntà, qui sont cependant en passe d'être supplantés par les formes majoritaires (falà "descendre", cullà "monter").
La tendance à abréger les noms, coupés après la voyelle tonique n'est pas inconnue dans les autres variétés corses (la forme tronquée des appellatifs est pancorse : Petru "Pierre"/O Pé, veni "Pierre, viens !").
Elle est particulièrement forte en bastiais dans tous les contextes. Dans le poème on relève par exemple : Mercà, Ghjisè, Montepià, Paratò, Ghjuvà, Guadè, Funtana Nò, purtò (pour Mercatu, Ghjiseppu, Montepianu, Paratoghju, Ghjuvanni, Guadellu, Funtana Nova, purtoni).
Au plan du vocalisme, on note le passage de la séquence a + u à o, qui produit une forme d'article contracté (préposition à + article u amalgamée en o, un peu comme en français à le donne au) pratiquement ignorée à l'écrit et dans les grammaires bien qu'elle soit connue du Nord au Sud de la Corse :
A zozzò o libecciu (A zozzò à u libecciu).
A Bastia le phénomène est fréquent et concerne aussi la séquence e+u: ind'on (ind'un= ind'è un "dans un").