Yamina
Prosa
Et Yamina monte l'escalier en sabots
L’avidité est néfaste et ne sert a rien. Pourquoi ai-je été avide et ai-je loué deux chambres au lieu d'une comme nous avions pris l'habitude à chaque année scolaire ?
Peut-être pour aider mon époux pour qu’il ne remarque plus l’augmentation de la facture du téléphone !
J’ai sacrifié la chambre qui est mon bureau –c’est-à-dire la chambre qui contient mon univers, je l’ai libérée de mon désordre rangé, de mes sous-vêtements et de mes vêtements du dessus, de mes livres, et j’ai fait de ma salle de bain le siège de ma création…
Nous avons lavé les murs, moi et Yamina, parce que Yamina manifeste de temps en temps un intérêt maladif pour la propreté. Mais, tous les matins, elle monte l escalier avant le lever du soleil, avec des sabots en bois… Elle réveille mon léger sommeil matinal alors que j’ai passé la moitié de la nuit à le retrouver.
J’ai oublié que Yamina a un enfant
Yacine ou Robert, sa mère l’appelle Yacinou et son père Robert ; il a six ans ; je me rappelle de lui quand il était bébé. J’avais rendu visite à sa mère dans leur maison parisienne située dans un quartier chic, car l’homme avec qui vivait Yamina était riche.
Il y a des enfants qui entrent vite dans ton cœur, au point que tu ressens envers eux des liens de parenté… Et Yacine est l’un des enfants que j’ai aimés, comme s’il était le fils de ma sœur.
Malgré cela, quand Yamina m’a demandé, avec ses yeux mendiants, d’habiter dans ma maison, j’ai oublié qu’elle avait un enfant… Ou bien j’ai fait semblant d’oublier, ou je n’ai pas mesuré le poids qu’allait prendre ce petit ?
Yamina passe deux heures dans son bain
Je ne sais pas ce que peut faire Yamina dans le bain durant tout ce temps… Elle tire l’eau et se frotte le corps comme si elle voulait sculpter sa chair et ses os en dessous. C’est vrai que ses cheveux sont épais, mêlés et longs, mais deux heures pour les laver ?
Yamina avait du temps comme il y avait de l’eau dans le robinet. Nous payions aux sociétés des eaux et de l’électricité ce qu’elle nous payait. Parce qu’elle oubliait d’éteindre la lumière à chaque fois qu’elle quittait la chambre, et la maison aussi ; quant à la facture du téléphone, elle a doublé !
Yamina m’a promis de m’aider
C’est vrai qu’elle ne m’a pas promis littéralement, mais elle me l’a fait comprendre. Cependant, elle ne l’a pas fait, ou plutôt elle ne m’a aidée que rarement. Elle lisait beaucoup et dormait davantage… Elle mettait son linge dans la machine et le laissait là-bas jusqu’à ce que je vienne et l’enlève. Comme je déteste cela ! Comme je déteste étendre le linge sur les maigres fils parallèles et alignés à distance rapprochée !
Elle était mon amie. Nous parlions de temps à autres. Elle me lisait en français ce qu’elle écrivait. Parfois, je lui donnais des cours de langue arabe. Yamina est une femme libre… Et j’admirais sa liberté… une gamine… Et je l’enviais.
Yamina est une belle jeune fille
Elle ressemble à un cheval arabe. Un front large, des yeux noirs, de grandes dents et un cou long. Une hanche mince et une cuisse pleine. Elle aimait les chevaux et me répétait que le cheval, ce noble être exploité depuis toujours pour les travaux forcés, lui ressemble… J’ajoute qu’il me ressemble, puis elle poursuit en disant qu’il l’avait sauvée de la mort et que quand, elle le monte, elle sent qu’elle est la maîtresse du monde.
Yamina ne possède rien
Elle n'a rien, Yamina, à part un époux qui n’a pas été avare avec leur enfant, ce qui l’avait aidée à vivre. Yamina a préféré se séparer de lui à cause de son mauvais traitement et de l’air hautain qu'a sa famille à son égard. Parmi ce qu’elle racontait, ce jour pendant qu’elle se reposait un peu, par terre, quand il était passé à côté d’elle en lui donnant un coup de pied en disant que ça puait la charogne ! Comment la vie maritale peut-elle continuer après cela ?
Yamina est algérienne. De la génération née en France, qui jeûne, qui ne mange pas le porc et qui est fière d’être algérienne et, de façon obscure, arabe. Son sentiment d’être différente était si fort qu’il a fait naître en elle un complexe de supériorité ; ainsi, pour être admiréet quell ne soit pas critiquer par son milieu français, elle se lavait les mains avec de l’eau de Javel ?
Yamina échoue en amour
Elle avait aimé un Algérien comme elle, croyant que comme ils étaient de la même origine ils allaient s’entendre. Leurs pères travaillaient dans la même usine et leurs familles habitaient la même région.
Elle tenta de toute sa tendresse et de toute sa force de le soumettre, sans réussir ; elle était allée jusqu’à défoncer sa porte d’un coup de pied. Elle avait donné un coup de pied parce qu’il ne lui avait pas répondu ; comme un vrai cheval…
elle cherchait un refuge… l’amour ! Mais il n’était pas au niveau de ses sentiments, elle ,qui l’avait aimé parce qu’il était le premier à poser la main sur ses cheveux crepeux et à les caresser tendrement ?
Je la voyais manger. Je la voyais rire. Je la voyais dormir. Je la voyais se taire !
Je ne la voyais pas pleurer. Le matin, me parvenaient ses cris ses hurlements,et ceux de son fils ;et parfois, c’est une douce parole pleins de tendress entre une mère et son enfent. Une mère. Yamina est une mère qui joue qui aime , elle rit et elle s amust. Personne n’a le droit de l’humilier, de lui faire mal, de la soumettre, même moi ?!
Traduit de l'arabe par
Najeh JEGHAM en 2001