Resucontu di a visita di Casimiro de Brito di u 2001

Scontri di 17.05.2001

Dans le cadre des rencontres organisées sous l’égide du CCU était reçu le jeudi 17 mai 2001, à Corti puis à Bastia, poète, romancier, conteur et essayiste portugais. Né à Loulé (Algarve) en 1938, Casimiro de Brito, qui connut, durant la sombre période de la dictature de Salazar, les départs précipités et bousculés de l’exil, fut l’un des principaux acteurs d’un mouvement poétique qui, au début des années 60, a profondément marqué la poésie portugaise contemporaine, et par delà la littérature d’un pays, dont de Brito aime à rappeler, qu’elle a donné au monde le génie de Camoes, celui de Fernando Pessoa, le Nobel de Saramago, et d’autres auteurs et d’autres œuvres dont on n’a pas fini de sonder l’importance et la valeur.

Traduit en galicien, espagnol, catalan, italien, français, anglais, allemand, flamand, hollandais, suédois, polonais, grec, roumain, bulgare, yiddish, chinois, (et désormais en corse par Dumenica Verdoni !), Casimiro de Brito est également -pouvait-il en être autrement ?- traducteur. De poésie française, anglaise ou japonaise. Il n’est pas de véritable poète sans une réflexion, profonde, soutenue, sans cesse reprise, sur le langage, l’inspiration, la mystérieuse alchimie de l’écriture et de l’œuvre. C’est à participer à cette réflexion que fut convié jeudi après-midi, dans l’amphithéâtre Landry de l’Université de Droit, un public d’étudiants et lycéens cortenais, mais aussi, par la grâce des Assises de l’Université, italiens, espagnols, ce qui aboutit, à travers les échanges dans des langues différentes, les traductions, à faire de l’auguste lieu, comme une parcelle d’une jeune Europe attentive à chercher et à comprendre, dans le témoignage d’un auteur, et ce que peut être une littérature portugaise parfois méconnue, mais, par delà, la poésie, d’où qu’elle soit. Evoquant son expérience, son pays, convoquant Valéry, Novalis,
Char, Héraclite Socrate, Pessoa et quelques autres, Casimiro de Brito, apporta un témoignage d’une majeure importance. Le dialogue entre le poète et son public fut riche, nourri, d’une exceptionnelle qualité. Il apparut assez vite, et on s’en réjouira, que pour les jeunes participants, réfléchir sur la poésie revenait à réfléchir sur l’Art autant que sur les hommes et leur destin .
Le soir, Casimiro de Brito était reçu par le Centre Culturel Una Volta, à Bastia. Selon un protocole désormais rôdé et qui s’institue en aimable rite, il revenait aux acteurs de l’atelier Théâtral de Bastia de Jean-Pierre Lanfranchi de lire, en alternance avec l’auteur, en portugais, français et corse, quelques textes empruntés à l’œuvre (plus de trente recueils ont été publiés) de Casimiro de Brito. La vérité oblige à dire que l’agencement prévu de cette rencontre fut assez vite bousculé, pour laisser place à des échanges sur la traduction, le rôle et l’importance du lecteur, de Brito (grand admirateur de René Char) livrant au passage quelques iconoclastes jugements sur des gloires de la poésie contemporaine dans lesquels il ne voit que de « professionnels faiseurs de vers ». Casimiro de Brito a le don d’éveiller à la curiosité, à la réflexion ceux auxquels il s’adresse, sans doute d’abord parce que l’on devine que ses propos, reposent sur un soubassement patiemment constitué d’analyses, d’investigations, et sur une culture d’une exceptionnelle variété. Passant de l’intime à l’universel, de l’évocation d’une mère, d’un père à celle des penseurs grecs ou contemporains, Casimiro de Brito nous laisse à deviner que ses poèmes, souvent d’une brièveté extrême à l’image des Hai-Ku japonais qu’il a traduits, ramassent, dans les scintillations tout à la fois mystérieuses et précises qu’ils contractent et révèlent, la matière foisonnante d’une expérience et d’un vécu que l’écriture modèle, fragmente, pour tout à la fois faire découvrir et préserver une émotion que le lecteur, ou l’auditeur, quand la grâce du texte agit, reçoit et partage. Pour finir un dialogue où cette émotion eut sa place, Casimiro de Brito donna à ceux qui l’avaient interrogé et écouté cette définition donnée par Novalis du génie : « C’est l’âme de l’âme. » exemple d’une formulation où les mots ouvrent à l’intelligence une infinité de « trappes intérieures », selon l’expression de Francis Ponge, où leur sens n’en finit pas d’irradier en échos multiples et complexes.
On remerciera une nouvelle fois le CCU et Jacques Thiers d’avoir permis cette rencontre, en rappelant le partenariat de la CTC, la DRAC, du Rectorat de la Corse, « La Maison des Ecrivains », le Prix du Livre Corse, le Lycée Pasquale Paoli et le Centre Culturel « Una Volta ». Le prochain, et dernier invité de Jacques Thiers sera, le mardi 12 juin, l’écrivain espagnol, José Maria Alvarez. Bienvenue à lui, et merci encore à Casimiro de Brito pour tout ce qu’il a pu nous apporter durant son séjour parmi nous.

PM F