55 NAZIUNALITÀ À L'UNIVERSITÀ DI CORTI

Scontri di 15.02.2014

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Le parcours scolaire et l'identité d'origine

    Je m’appelle Sophie Tiendrébéogo, épouse Ouédraogo. Je suis née le 24/05/1973 à Yako, chef-lieu de la province du passoré) au Burkina Faso.
J’ai commencé mes études primaires à l’école Tansobongo à Yako. Je suis entrée ensuite au collège à la Sainte Monique de Koudougou, ville située à 92 km de Yako. J’ai poursuivi par des études secondaires à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, à 109 km de Yako, au Lycée Technique Charles Lavigerie. Après le Bac en 1995, j’ai débuté une carrière professionnelle en tant qu’institutrice depuis 1999 dans mon pays jusqu’en 2011.
En parallèle, j’ai entrepris des études universitaires en 2007 avec le statut d’étudiante salariée à l’université de Koudougou dans la filière de psychologie. Le projet d’embrasser une carrière universitaire a conduit mes pas jusqu’à l’université de Corse depuis la rentrée 2011/2012, où je suis actuellement en Master 2, Sciences de l’Homme et de la Société, spécialité Gestion de la diversité.
Mes loisirs sont la lecture, les sorties sous « l’arbre à palabre où souvent nous vivons certains événements heureux avec l’Afrique autour d’un plat fumant de riz au soumbala ou de kèp, riz sénégalais », la natation et le bénévolat (pour lier des partenariats afin d’aider les enfants défavorisés au Burkina Faso avec les écoles).
L’amour de la patrie est un des traits culturels qui caractérisent les Burkinabè, comme l’hospitalité, l’humilité, la loyauté… Ainsi, mon attachement pour mon pays est hérité. Et avec un peu de distance puis du recul, on apprend à mieux aimer son pays et l’on s’y attache davantage. Quand on se trouve au Burkina Faso, on se différencie des siens en ayant parfois une attitude culturelle différente (en l’occurrence française) et en étant à l’étranger (en France), on peut choisir d’assumer sa culture parce que précisément on ne la trouve pas autour de soi. Ses odeurs, ses goûts, ses parlers « africains » qui vous manquent et que vous recherchez à tout prix autour de vous par des rapprochements.

Le Burkina Faso

    Le Burkina Faso (l’ex-Haute-Volta) est situé dans la sous région ouest africaine. Les pays qui entourent le Burkina Faso sont : le Mali au Nord, le Ghana, le Bénin, le Togo et la Cote d’Ivoire au Sud. A l’est le Niger. C’est un pays enclavé sans débouché maritime. La population est estimée à environ 16 millions d’habitants. Le Burkina Faso est découpé administrativement en 45 provinces, réparties en13 régions, . Parmi ces régions, il y a la province du Passoré, chef-lieu Yako qui relève de la région du Nord (comme le Yatenga, le Zondoma, et le loroum). Yako est situé sur l’axe routier reliant la capitale (Ouagadougou) au Mali (pays voisin du Nord) en passant par Ouahigouya. C’est une ville de passage où transitent voyageurs et marchandises (voir wikipédia). Le marché de Yako a lieu tous les 3 jours. Les commerçants et acheteurs des autres départements convergent vers Yako, le jour de marché. On y trouve toutes sortes d’articles et de produits du terroir. Yako partage la culture des Mossis, avec les Mossis vivant au centre (Kadiogo/Ouagadougou), au centre-nord (Sanmentenga/Kaya), et au centre-ouest (Boulkiemdé/Koudougou).
     Le Burkina Faso, à l’instar des autres pays africains est une société multilingue. On compte 59 langues selon Norbert Nikiema (2006), parlées par les principaux groupes ethniques suivants : les Bobos, les Mossis, les Gourounsi, les Peuls, les Dagara, les Samos, Marka, Sénoufo, Lobi, Bissa et Gourmantché. Yako est un des fiefs des Mossés (ou Mossis) qui parlent le moore.

L’art. 35 de la constitution du 27/01/1997 stipule que : « La langue officielle du Burkina Faso est le français. La loi fixe les modalités de promotion d'officialisation des langues nationales». Ce qui porte sûrement le nombre à 60 langues.
Cette pluralité des langues rime avec une pluralité de cultures (la culture étant définie comme « ce qui est commun à un groupe d’individus », et comme « ce qui le soude » wikipédia) .Elle est portée par l’Etat burkinabè à travers les manifestations culturelles aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. On a la Semaine Nationale de la Culture (SNC qui se tient à Bobo Dioulasso tous les 2 ans), les Nuits Atypiques de Koudougou (NAK), le FESPACO (biennal impair), le SIAO (biennal pair), etc.… Les artistes compositeurs-chanteurs qui mélangent les genres pour une mélodie agréable. Par ailleurs il existe des modes rituels d’échange, comme la pratique de la plaisanterie, qui créent un climat de cohésion entre les ethnies ; ainsi Mossis et Samos (ethnies différentes) peuvent se dire des choses ou vérités rudes sans que cela ne se dégénère. Pareillement pour les Peuls et les Bwoaba etc…

Parcours personnel

    En ce qui concerne ma région : il y a l’appartenance, qui permet de m’identifier lorsque je suis invitée à la table du village planétaire et même à l’intérieur de mon pays. Exemple, il n’est pas rare d’entendre « ya yè ramba » qui veut dire « D’où viennent-ils ? » Ils sont de tel ou tel village lors de présentations. Il y a également la manière d’éduquer car elle pose les valeurs de l’ethnicité. En exemple, les Français et les Burkinabè ne sont pas éduqués de la même manière dans tous les domaines.

Pour définir la culture entendue comme précédemment, on peut citer les langues et certaines habitudes.
En qui concerne mes langues (le moore et le français) : je me découvre de jour en jour selon les contextes. Exemple : quand j’étais au Burkina, je les alternais selon la nécessité sans me poser de questions. Et depuis que je suis en Corse, je découvre que me trouver dépouillée d’une de mes deux langues ne serait qu’une question car je n’ai pas eu une égale considération pour les deux. En effet, la langue seconde, langue de prestige, de réussite sociale et d’ouverture au monde a pris une place si prépondérante que le moore « se cherche » et s’hybride. Et quand, au quotidien, je vois une communauté constituée d’hommes et de femmes qui se battent de toutes leurs forces pour sauver une langue et la promouvoir, je ne peux qu’être alertée pour apprendre à avoir « une égale considération pour deux langues ». Institutrice, j’ai été sourde à l’appel pour enseigner les langues nationales à l’école bien que dans les classes, ces langues maternelles s’invitent tout naturellement. La réflexion de certains universitaires luttant pour la promotion des langues nationales est demeurée lettre morte. Je pense là au propos de Georges Sawadogo (2004) dans Repère lorsqu’il écrit que « le partenariat linguistique français / langues nationales devrait se fonder sur l’affirmation de l’égalité des langues-cultures, en dehors de toute velléité de hiérarchisation ou d’exclusion ». Ainsi, au Burkina Faso, le nombre de langues nationales utilisées dans l’enseignement est passé de trois langues pendant la Réforme (Fulfuldé, Jula et Moré) à huit (8) langues (Fulfuldé, Jula, Mooré, Lyélé, Gulmancema, Dagara, Bissa, et Nuni).

 Troupe artistique de l’école bilingue MEBA-OSEO 

Les habitudes alimentaires, vestimentaires ou rituelles sont des éléments qui me lient à ma culture. Et voici que je suis dans mon « ganga la peelga et de mon liuuli taar sèb ràbdè mac» habit qui identifie culturellement le Burkina Faso.
Avec les autres langues et cultures, il y a des chocs, qui peuvent troubler ou enrichir. Par exemple chez moi, on ne demande jamais à un étranger venu vous rendre visite « Quel jour tu repars ? » Mais là à chaque coin de rue on vous le demande sans ménagement. Les représentations que j’avais du monde européen en particulier, et de la France à travers la Corse ont évolué, montrant un peuple travailleur, autonome et citoyen.

Les impressions ressenties en Corse

      Mes impressions depuis mon arrivée sont bonnes car j’évolue positivement malgré quelques difficultés. Les appréhensions se sont envolées petit à petit grâce à des amis et aux professeurs qui m’ont donné un peu de leur attention et de leur bienveillance

Elèves d’une école bilingue lisant un discours (Mooré et français) de bienvenue aux visiteursElèves d’une école bilingue lisant un discours (Mooré et français) de bienvenue aux visiteurs

Mes ressentis : J’éprouve de la satisfaction, car le milieu est serein pour moi et cela me permet d’accomplir tout doucement mon projet professionnel. L’Université est à échelle humaine et crée une proximité avec les professeurs qui sont à notre écoute. Le partage du parcours de quelques uns des professeurs est édifiant, et me sert d’exemple pour avancer. Tous les services sont accueillants. A la Bibliothèque Universitaire, il est très rare de ne pas trouver un document qu’on veut ; la connexion est parfaite dans les chambres. Toutefois, la distance avec ma famille me pèse énormément.
Il y a, de mon point de vue, des liens entre la Corse et ma région d’origine. Exemples :
- L’histoire liée à l’implantation du français par la colonisation. Cette histoire qui est faite déjà a eu des conséquences sur l’identité des africains et de tous les peuples colonisés. Monique Ilboudo, écrivaine burkinabè exprime cela dans son roman Le mal de peau aux éditions le Serpent a Plumes, Paris (2001).
- La culture de l’hospitalité à l’étranger ; j’ai entendu : « J’ai jamais eu faim en Corse, il y a toujours quelqu’un pour vous faire partager son plat ».
- L’appartenance : on dit de quelqu’un qu’il « … est de la région du Niolu ». Chez aussi on nous repère selon le village et le nom de famille indique déjà d’où on vient.
- Ces cafés ou restaurants au bord des artères principales de la ville ont une physionomie semblable au cabaret de « dolo » bière locale à base de mil ou du Sorgho au Burkina.
- La femme burkinabè n’est bien souvent que soumission et l’homme burkinabè sait bien en profiter !
- Le mariage n’est pas admis entre toutes les ethnies et il semblerait qu’ici le mariage mixte n’est pas toujours vraiment apprécié…
- Le culte des morts est présent chez nous aussi. Il y a tout un tas de cérémonies à accomplir pour que le défunt parte en paix et sa mémoire est toujours respectée.
- L’imaginaire symbolique lié aux esprits est présent en Afrique ; il y a des rites à tout moment et comme en Corse on parle d’enlever le « mauvais œil »

Mes projets personnels :

-dans l’immédiat : c’est réussir mon année par l’obtention du diplôme en Master2 dans la problématique des langues locales. J’apprends quelques mots en corse comme « u zitellu, a surella, à dumane, basgi, mì! mì!, basta, l’acqua, etc… ».

-à long terme : je souhaite poursuivre dans la recherche par la préparation d’une thèse en Sciences de l’éducation. Je fais des démarches pour un soutien financier car ma situation actuellr de disponibilité pour convenance personnelle ne me donne droit à aucun revenu financier. Je fais des ménages en remplacement afin de joindre les deux bouts. Ce n’est pas simple, mais j’ai espoir et je suis déterminée à y arriver. Fintantu ch’ella ci hè a salute…. è a pace ! ».
Conclusion en moore et français :
«M saam biisi, mam sʋʋr yaa noogo, mam sẽ be Corte ‘Université’ wã. Ti bõe ? Mam paama bãngre. La m dat n wiligame ti tõnd tog n gada d sẽn yaa soaba, la d yaol n bao n bãng d taab renda. Rog-n-mika yaa sẽ na n gad kãkãe. Tõnd bʋʋda goam pa tõe menem ye”

Mes chers parents qui m’écoutez, je suis fière d’être à l’Université de Corse. Et, je vous invite à conserver notre identité et culture burkinabè car elles marquent notre appartenance et nous permettent de vivre en coopération avec les autres cultures. L’Université de Corte ou le milieu ambiant de Corse m’a appris à apprendre et je suis reconnaissante à toutes ces personnes qui m’apportent discrètement leur aide incommensurable. Recevez mon merci ; c’est un petit mot qui ne sort de la bouche d’une personne que lorsqu’il vient d’un acte qui inspire de la gratitude. « bark barka, Wend na kaoose ne taaba » en d’autre langue : « Dieu rend pérenne notre amitié ».

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