LANGUE(S) SARDE(S) AU CINÉMA

Pour cette quatrième et dernière stonda consacrée à « Sardaigne et cinéma », nous ferons à nouveau quelques incursions vers le cinéma corse et d’autres formes d’expressions vivantes sur l’île qui se croisent et se répondent. Pour ce quatrième et dernier volet, donc, il sera question de la langue du cinéma sarde, ou plutôt des langues du cinéma sarde.

Mais, avant tout, je dois prendre quelques précautions. En effet, je ne suis pas un linguiste au sens premier du terme, c’est-à-dire du point de vue de la Recherche, même si ma formation d’enseignant de langue et culture italiennes, bien sûr, a touché cette discipline à différents moments. Mais dans mon approche thématique et formelle du cinéma en Sardaigne dans les années 2000, je ne pouvais faire l’impasse sur l’élément (socio)linguistique dans l’analyse du corpus, un corpus dont nous avons déjà longuement parlé lors des stonde précédentes. Et donc, parmi les nombreux signes à analyser dans les formes filmiques de la réappropriation identitaire (les figures, les personnages, les stéréotypes, les thèmes, les paysages, etc.), la question linguistique, c’est-à-dire l’usage (ou non, d’ailleurs) de la langue ou des langues régionale.s dans le long-métrage de fiction de l’époque contemporaine en Sardaigne, est, je crois, un élément incontournable à prendre en considération pour comprendre combien il peut être complexe de mettre en lien la revendication identitaire, militante, et l’utilisation de la ou des langue.s en présence sur un territoire périphérique, marginal (et c’est donc, sans doute, encore plus vrai sur une île), dans un mode d’expression aussi complexe que le cinéma de fiction. Complexe car créé, imaginé, écrit pour un public et donc différentes communautés de spectateurs, de récepteurs : et ces récepteurs pourront, ou devront, comprendre ce qui est dit par les personnages, avec ou sans sous-titres. C’est pourquoi, aujourd’hui, nous essaierons de comprendre quelle langue, ou quelle.s langue.s parle le cinéma sarde pour voir si, justement, l’élément linguistique vaut comme vecteur de l’identité portée à l’écran. Je me réfèrerai donc aux œuvres récentes, à ces réalisateurs sardes qui constituent le mouvement du « nouveau cinéma sarde » que nous avons défini lors des stonde précédentes. Je le rappelle brièvement : ces longs-métrages de fiction tournés par des Sardes, en Sardaigne, sur des thématiques liées à la Sardaigne, s’adressant à des Sardes mais pas seulement, et nés en réaction aux représentations de l’île par d’autres dès la fin des années 80 puis 90, avant l’explosion du mouvement dans les années 2000 puis la deuxième génération des années 2010 incarnée notamment par Bonifacio Angius et Paolo Zucca.

Au cours des trois stonde précédentes, nous avons très souvent parlé de réappropriation de l’identité, associée évidemment à l’idée d’authenticité. Nous pouvons donc légitimement nous demander quelle est la place, la présence, la fréquence de la question linguistique dans les œuvres du cinéma sarde d’aujourd’hui. Ce que l’on observe lorsqu’on étudie ce corpus, c’est… le paradoxe. Le paradoxe dans le traitement de langue, dans cet ensemble d’œuvres et d’expériences. Car, si tous ici, savons et sommes convaincus que l’usage (actif ou passif) de la langue régionale apparaît comme un élément constitutif de l’identité insulaire, régionale, méridionale. Je voudrais citer ici d’ailleurs l’expression « besoin linguistique » évoqué par Nello Bruno, enseignant de langue sarde. La langue serait, est, un symbole de l’appartenance à un groupe face à un autre. Mais il faut toutefois admettre que peu de longs-métrages de fiction du « nouveau cinéma sarde » utilisent la langue en tant que « démarche militante » alors qu’il s’agit précisément d’un mouvement de réappropriation qui est, qu’on le veuille ou non, militant, politique. En effet, tandis que nous parlons d’authenticité dans la représentation d’une réalité locale, insulaire, méditerranéenne, on se rend compte que le cinéma sarde tend paradoxalement à cultiver les éléments constitutifs de son identité régionale et, en même temps, à encourager un effort de normalisation dans sa présentation au monde, dans son universalité. Un effort dans lequel, pour de nombreux réalisateurs – et c’est aussi étrange que compréhensible, pour des raisons que l’on verra plus tard –, la langue sarde est tout sauf un élément central du discours.

 

Mais, avant de nous pencher sur les usages des langues dans le cinéma sarde, voyons rapidement quelques données sur la situation linguistique de la Sardaigne. Le sarde est l’une des nombreuses langues latines autonomes de l’aire linguistique romane. Il est parfois considéré à tort comme un dialecte de l’italien, ce qui d’ailleurs est souvent le cas pour ces « dialectes italiens » qui sont, pour être précis, des « dialectes de l’Italie ». Ainsi, le sarde (et là encore, c’est une erreur, ou une facilité car il n’y a pas « une » langue sarde mais plusieurs, dans les faits ; mais, à ce stade, et pour faciliter la compréhension, nous parlerons d’une langue sarde) est une langue à part entière provenant du latin et non de l’italien standard qui est lui-même une variante du toscan. Son évolution s’est faite indépendamment des autres langues de l’Italie actuelle.

Comme on le sait, l’usage des langues régionales est répandu en Italie et celles-ci cohabitent relativement sans difficulté avec l’italien standard car le locuteur maîtrise très souvent les deux langues en présence : la langue italienne et le dialecte. Les parlers régionaux sont néanmoins considérés comme des langues minoritaires vis-à-vis de l’italien moderne dont le rôle a été d’offrir une unité à un pays qui n’existe finalement que depuis un siècle et demi.

La langue sarde est, comme d’autres idiomes régionaux de l’Italie, encore très présente surtout dans les régions les plus reculées de l’île : la position périphérique de la Sardaigne, sa configuration géographique et les longues périodes d’occupation étrangère qu’elle a subies ont contribué sans doute à l’affirmation d’une langue autonome. Cependant, dire que la Sardaigne ne compte qu’une langue serait une aberration, je le disais plus tôt. En effet, le sarde se partage en deux grandes variétés principales : le logudorese ou logoudorien (du nom de la partie centrale de la Sardaigne septentrionale) et le campidanese ou campidanais (de la plaine qui s’étend du golfe de Cagliari à Oristano), eux-mêmes déclinés en plusieurs sous-dialectes correspondant à différentes villes ou régions. D’autres langues attestées sont parlées dans les grandes zones de l’île que sont la Barbagia (où l’on parle le barbaricino ou nuorese), la Gallura au nord de l’île dont l’idiome régional est le gallurese ou gallurien influencé par la langue corse et le génois, et la région de Sassari où l’usage du sassarese ou sassarais est attesté.

La langue sarde est pratiquée à l’oral. Elle est souvent décrite comme la langue de la transmission orale –, elle reste de facto fragile car cet usage limité discrédite son statut de langue. Mais il convient, à ce stade, de s’interroger sur la terminologie : la distinction entre « langue » et « dialecte » implique souvent une différence de prestige liée à l’aire géographique d’usage de l’idiome, à sa dimension littéraire ou à sa valeur politique. La différence souvent opérée entre les deux termes tient souvent à la reconnaissance politique : une langue serait, en quelque sorte, un dialecte qui a politiquement réussi. Ces questions autour de la reconnaissance du dialecte comme langue officielle a occupé l’espace public, en Sardaigne aussi, avec de tentatives de résistance face à la « désardisation linguistique » des Sardes, nées dans les milieux intellectuels grâce notamment aux travaux d’universitaires sur la langue sarde et ses dialectes. Dès les années 70, la nécessité de sauvegarder la langue à travers sa reconnaissance juridique s’est affirmée. La langue sarde pouvait ainsi devenir, pour chaque Sarde, un symbole ostentatoire de l’appartenance à un groupe et une affirmation de sa diversité face à l’Autre. Mais il est difficile de trouver une langue de référence. C’est un sujet épineux qui a donné lieu à des débats en amont entre les spécialistes et les techniciens de la question sur, notamment, la standardisation de la langue, qui serait peut-être une étape nécessaire à son enseignement dans les écoles et à sa diffusion dans les médias, mais induit un certain nombre de difficultés, voire de dangers : ainsi, le modèle unique risquerait, par exemple, d’effacer la richesse que constitue la diversité des régiolectes. Une langue neutre nierait la présence de plusieurs “peuples sardes” tout en donnant naissance à « langue sarde idéalisée », artificielle, simplifiée. 

Ces considérations sur une idée d’une coofficialité des langues en présence en Sardaigne n’élude pas pour autant la question de la diglossie. En effet, en présence d’une langue dite “haute” – ici l’italien standard – la langue mineure tend à s’affaiblir. Cette affirmation se vérifie davantage dans les centres urbains qu’en milieu rural où la pratique du sarde demeure encore très vivace. La diglossie en Sardaigne n’est certes pas aussi problématique que dans d’autres régions semblables en Méditerranée (comme la Corse) car la maîtrise des deux systèmes linguistiques est encore attestée chez la majorité des habitants : le sarde est encore fréquemment parlé dans les interactions quotidiennes de la sphère familiale ou privée.

Cet ensemble de considérations liminaires n’est pas vain dans notre stonda d’aujourd’hui car ce sont des réflexions qui s’imposent dès qu’on observe l’usage des langues dans le cinéma sarde d’aujourd’hui.

Je disais, plus tôt, qu’il s’agit d’une question complexe, car les problématiques sont nombreuses et diverses. Car les films des deux générations du nouveau cinéma sarde sont caractérisés par une régionalité qui s’exprime en différentes langues : l’italien standard, la langue sarde et ses variantes locales et, disons, des “touches” de sardité dans un parler familier.

D’après les quatre extraits diffusés, on observe une chronologie dans l’usage des langues du nouveau cinéma sarde, des débuts timorés de certains réalisateurs à l’usage, privé de complexes, du sarde sous-titré en italien dans certains films plus récents ou dans des œuvres presque entièrement parlées en langues (au pluriel) de Sardaigne. La question linguistique dans les films ne respecte donc aucune règle prédéfinie, stricte ou fixe. Le choix de la langue et des locuteurs diffère selon les films, les intentions des réalisateurs et – surtout – les limites liées aux conditions de transmission des œuvres filmiques à un public, qui est rarement prêt à aller au cinéma pour voir des films sous-titrés.

 

Voici donc quelques usages des langues de Sardaigne dans les films du nouveau cinéma sarde.

La langue peut être avant tout un élément de reconnaissance, d’identification de la part du spectateur, car, comme tout autre stéréotype, elle permet, par “touches”, de placer le film dans un contexte, dans une aire géographique et linguistique bien définie, mettant ainsi l’accent sur le caractère régional de l’œuvre. C’est le cas, par exemple, pour Gianfranco Cabiddu dans Disamistade. En effet, Cabiddu, dans ce premier film de la réappropriation, choisit de faire parler les personnages en italien standard, en dehors de quelques renvois aux automatismes langagiers sardes dont l’exclamation « Aiò ! » ou « Ajò ! » - qu’on peut traduire en français par « Allons ! » – est récurrente dans les régiolectes de l’aire sardo-corse et souvent employée en Italie de façon caricaturale. Son emploi renvoie donc immédiatement à la Sardaigne et permet, dans l’inconscient collectif, de situer directement et incontestablement le film dans cette région. Seuls les chants – pendant le mariage des jeunes villageois puis le lamento d’une mère pleurant son fils –  sont en langue sarde qui n’est ni traduite ni sous-titrée. Les noms de famille typiquement sardes – Puzzu, Porcu, Pinna etc. – renvoient également à la Sardaigne.

L’attitude frileuse de Cabiddu dans l’usage de la langue sarde peut sembler contradictoire de la part du premier artisan de la réappropriation du cinéma sarde. En effet, Cabiddu manifeste une envie évidente de témoigner de son appartenance à la culture sarde. Or, par ailleurs, il fait parler ses personnages en italien, créant ainsi une situation assez artificielle dans un contexte censé mettre plusieurs langues en présence. Dans le film, le président de la Cour, au Palais de Justice, parle certes en italien car il représente la Loi et donc l’État. Mais, dans une situation diglossique conforme au contexte de l’histoire du film, on s’attendrait à ce que les bergers et les villageois s’expriment dans une langue sarde : dans les années 50, dans une région rurale et reculée telle que la Barbagia, il est plus probable d’entendre les habitants s’exprimer en sarde qu’en italien. Le premier film du nouveau cinéma sarde pose ainsi à travers ses choix linguistiques le problème du rapport entre réalité et fiction car Cabiddu exprime d’un côté sa volonté de mettre en scène des éléments caractéristiques d’une réalité sarde et, de l’autre, il commet une sorte d’aberration linguistique qui ramène le spectateur à l’idée de fiction. Le réalisateur se limite à insérer la langue sarde dans les chants traditionnels et dans quelques éléments qui tiennent davantage du folklore, voire de la caricature. Il a, depuis, justifié son choix et l’a partiellement remis en cause dans une interview donnée à la chaîne sarde Videolina. Voici ce qu’il dit :

J’ai fait une sorte de scénario dans lequel j’écrivais plus naturellement les premiers dialogues en sarde. Puis Roversi m’a aidé à les transformer, en gardant cette force en quelque sorte poétique qu’a la langue sarde, en italien. Si je devais le refaire aujourd’hui, sans doute le ferais-je en sarde… Mais à l’époque, c’était un grand risque. Puis j’avais aussi des acteurs  : un était portugais, un espagnol, il y avait de nombreux Italiens et d’autres Sardes ; il y avait un mélange assez difficile, c’est pourquoi nous n’avons pas utilisé le sarde. Mais le sarde est à l’intérieur !

Cabiddu estime donc que la langue, à cette époque, n’était pas un élément essentiel de la sardité d’un film.

Dans Il figlio di Bakunìn, son deuxième long-métrage, de la même manière, tous les personnages parlent en italien standard, y compris les villageois et les autres personnages pittoresques interrogés dans le cadre d’une enquête sur le personnage mythique et mystérieux de Tullio Saba, sauf à quelques moments précis : dans les chansons traditionnelles entonnées par Tullio Saba lors d’un mariage ; pendant un procès, quand une vieille dame interrogée en italien répond en langue sarde (ses propos ne sont pas sous-titrés car ils sont aussitôt traduits par un tiers pour le juge et les autres personnes présentes dans le tribunal). À l’inverse, lorsqu’Antoni Saba tire en l’air, sur la place du village, les villageois étonnés ne s’expriment pas en sarde mais en italien. Cet usage des langues en présence, particulier et peu conforme à la réalité, pose encore une fois la question de l’authenticité du tableau de la Sardaigne dépeint dans le film. Le livre de Sergio Atzeni dont le film s’inspire comporte également peu d’insertions de termes en langue sarde. Seuls six mots en sarde de la région du Campidano (au sud-ouest de l’île), toujours expliqués en italien en note en bas de page, ponctuent les témoignages rapportés en italien standard. Là encore, cet usage des langues permet à la fois la compréhension de la part du lecteur – et donc la diffusion du roman en Italie – et l’ancrage du récit dans une aire géographique et linguistique précise.

Toutefois, en avançant dans le temps, la problématique de l’usage et des fonctions des langues en présence dans l’île devient une source de questionnement pour Gianfranco Cabiddu : son documentaire Passaggi di tempo comprend en effet une réflexion sur le lien unissant langue sarde et sardité. En effet, selon l’une des figures du film, la chanteuse Elena Ledda, « la langue est fondamentale » (« la lingua è fondamentale »). Sur la scène du spectacle Sonos ‘e memoria, elle chante naturellement en sarde, tout comme les membres du Chœur de Santu Lussurgiu qui pratiquent l’art de la polyphonie caractéristique de l’île. Dans le film, ces derniers s’expriment en italien et en langue sarde sous-titrée dans la version italienne, par choix et/ou de façon naturelle.

De la même façon, le musicien Paolo Fresu déclame un texte en langue sarde quand il cueille du raisin, renforçant ainsi, sans doute, le rapport intime à sa propre terre. La langue sarde semble aussi être liée à la pratique du chant et à la transmission orale. Cette transmission se fait dans des situations de vie quotidienne, quand Elena Ledda fredonne dans son salon une comptine en langue sarde avec sa fille.

La langue régionale fait partie du patrimoine ; elle est un élément affirmé de la sardité. Mais elle est fragile et peut se perdre. C’est pourquoi le père de Paolo Fresu s’efforce de transmettre à son fils des mots oubliés du lexique sarde : « raffaranos » pour « preoccupazioni » (inquiétudes), « lioria » pour « poche cose » (peu de choses), etc. Cette séquence reflète, véritablement, la nécessité de sauvegarder des fragments de mémoire. Je rappelle que c’est bien Gianfranco Cabiddu qui affirmait, dans une interview, que « chaque vieillard qui meurt en Sardaigne est une bibliothèque qui ferme. Nous avons le devoir de fixer en images quelque chose qui puisse rester pour les générations futures. »

Donc on voit, dans l’évolution de la filmographie de Gianfranco Cabiddu, l’installation progressive d’une réflexion sur la langue comme élément de revendication identitaire. Mais l’évolution de la réflexion de Cabiddu sur la langue n’est pas forcément positive. L’un des exemples serait celui du berger Antioco dans La stoffa dei sogni, de 2016 : sorte d’exemplaire sarde présent depuis toujours sur l’île-prison de L’Asinara, il s’exprime dans une langue (un sarde archaïque, sans doute ?) que lui seul comprend et rend difficile tout contact avec l’Autre.

Quant à Salvarore Mereu, il adapte l’usage de la langue au contexte – donc sans doute de façon plus authentique ? Par exemple, les villageois s’expriment en sarde tandis que l’italien standard est employé en ville. Ici, l’usage des langues renvoie aussi une réalité sociale et économique. Ainsi, le récit semble plus réaliste. En outre, l’image de la distance (linguistique, culturelle) qui s’est formée entre les zones rurales de l’intérieur et la Sardaigne touristico-balnéaire s’affirme dans le deuxième épisode du film Ballo a tre passi : Michele, un berger qui vend du fromage, parle en langue sarde à Massimo, le propriétaire d’un établissement balnéaire en Sardaigne. Massimo fait semblant de ne pas comprendre et dit aussitôt « Che lingua è quella ? Parliamo italiano ! » L’italien standard serait donc devenu, avec le tourisme, la langue de la réalité économique de la Sardaigne, loin d’une pratique archaïque de la langue régionale comprise seulement par les gens du coin.

Le traitement de la langue dans les films semble donc naître de la prise en considération des pratiques linguistiques réelles et donc de l’alternance entre langue régionale et langue standard dans une situation diglossique non conflictuelle. Ainsi, la langue régionale serait celle de la transmission, de la communication directe et affectée. Elle serait admise communément comme “la langue du cœur” facilitant les confidences, face à une norme standardisée plus froide et artificielle pour les locuteurs natifs des zones à l’identité régionale fortement marquée comme la Sardaigne. La destinazione de Piero Sanna multiplie les exemples à ce sujet. Ainsi, dès le début du film, Costantino et son grand-père discutent en italien. Puis, quand le discours se fait plus grave et concerne l’avenir du jeune homme, le grand-père a naturellement recours au sarde (sous-titré en italien dans le film) : « Spero che tu abbia miglior fortuna, Costantino. » (« J’espère que tu auras une plus grande chance, Costantino. ») Donc, si le propos est moins neutre et se transforme en conseil avisé d’un ancien au plus jeune, il est dit en langue régionale. De la même façon, Costantino parle en sarde avec son père, tout comme les habitantes du village quand elles discutent entre elles. Le sarde est donc la langue de la communauté. Puisque tous les villageois parlent sarde entre eux (au sein des familles, entre amis), l’intégration passe par la langue. C’est une épreuve difficile pour celui qui n’en maîtrise pas les codes. La langue régionale lie le groupe face à l’Autre, celui qui ne comprend pas. Par exemple, Costantino n’hésite pas à parler en langue sarde quand il ne veut pas se faire comprendre (Emilio, qui ne maîtrise pas la langue sarde, ne comprend pas).

Dans La destinazione toujours, lors d’une homélie s’adressant aux mères de la communauté villageoise pendant la cérémonie de S’Iscravamentu, le curé s’exprime dans la variante logoudorienne (de la région centre-nord de l’île) du sarde pour mieux transmettre son message aux fidèles.

Car la langue régionale est celle de la confiance que l’on accorde à l’interlocuteur et elle invite à la familiarité. Souvent, dans La destinazione, les personnages sortent du rôle social qui leur a été attribué et s’affranchissent des règles imposées par la diglossie. Ainsi, les carabiniers ont recours à la langue sarde pour faire tomber, en quelque sorte, une barrière de la langue virtuelle qui les sépare des villageois pour gagner leur confiance : un des carabiniers demande en sarde à la sœur de Francesco de se rendre à la caserne. Le dialogue entre le maresciallo et la mère de Francesco n’est possible que parce qu’elle sait qu’il est sarde. Elle s’adresse à lui en langue sarde sous-titrée en italien : « – Vous êtes sarde ? Alors vous me comprenez. – Bien sûr que je vous comprends. » (« – Lei è sardo ? Allora mi capisce. – Certo che La capisco. »)

La compréhension renvoie à la fois au langage et à des éléments plus abstraits (l’origine commune, l’appartenance au même groupe, etc.) facilitant l’intercompréhension. De la même manière, quand le maresciallo se rend chez la mère de Francesco pour lui rapporter les effets personnels de son mari, il l’invite à faire parler son fils. Elle ne dit rien, ne réagit pas. Pour qu’elle comprenne mieux, il s’adresse à elle en sarde : ainsi, il la touchera peut-être plus facilement. Le ton, sans être familier, est plus “direct” : il essaie de la convaincre en employant un autre registre, en arguant du fait qu’ils appartiennent à la même communauté. Il lui dit en lange sarde (sous-titrée, pour permettre la compréhension et l’empathie du spectateur) : « Si nous ne nous aidons pas entre nous, vous ne pouvez pas prétendre que la justice vous aide. » (« Se non ci aiutiamo fra noi non può pretendere che la giustizia L’aiuti. »). Ce n’est plus le maresciallo qui parle, mais le Sarde. La barrière sociale n’existe plus grâce à la langue. La langue régionale sert à briser le mur de l’omertà dans des communautés fermées.

L’usage de différentes langues provient aussi parfois de limites liées à l’origine des acteurs, de façon disons plus concrète, pragmatique. L’alternance des deux langues dérive donc aussi parfois de contraintes liées à l’origine des acteurs incarnant les différents personnages. Dans sa quête d’authenticité pour son long-métrage Arcipelaghi, Giovanni Columbu s’est heurté à une difficulté au moment du casting. Le réalisateur raconte dans son film documentaire Fare cinema in Sardegna (2007) qu’il a fait passer un essai au sarde Carlo Sannais dont Arcipelaghi est à ce jour la seule expérience cinématographique. Celui-ci récitait son texte en langue italienne, ce qui le rendait peu convaincant. Columbu lui a alors dit de réciter le même texte en langue sarde. Carlo Sannais a aussitôt incarné le personnage :

Carlo a réessayé et, tout à coup, son regard a changé, sa voix a changé et le résultat est tout autre. Ce changement des interprètes au moment où ils utilisaient le sarde, presque changement dans leur identité, est une chose que nous ne prévoyions pas, mais elle s’est vérifiée pendant tout le travail de préparation du film. À tel point qu’ensuite le film a fini par être en sarde même si ce n’était pas dans nos intentions. Nous pensions à un film avec quelques mots en sarde. En revanche, ce sont vraiment les interprètes qui nous ont suggéré le sarde. Car c’est là que nous avons compris que, le sarde étant leur langue natale, ils devraient justement parler en sarde.

Le rapport du réalisateur à la langue sarde s’est ainsi affiné après la phase d’écriture, au contact des interprètes. L’utilisation de la langue régionale n’est donc pas intentionnelle au départ et ne peut constituer un facteur d’ordre idéologique ou militant. Néanmoins, la décision de Columbu de faire s’exprimer ses personnages en sarde est liée à la nécessité de correspondre à la réalité d’un territoire tout en ayant pris le parti d’engager des interprètes d’origine sarde, par choix ou par contrainte. Le jeu d’acteur a ainsi gagné en naturel, tout comme l’œuvre elle-même qui offre une palette des variantes régionales du sarde. Par ce biais, Arcipelaghi acquiert une autre dimension : l’œuvre devient indirectement l’expression d’un patrimoine vivace et le témoin de la richesse linguistique de la Sardaigne.

De la même façon, Salvatore Mereu a pris le parti de tourner l’intégralité de son film Sonetàula en langue sarde, trahissant, d’une certaine manière, le roman dont il est tiré. La question de la langue, en effet, n’est pas présente dans le roman de Giuseppe Fiori où les personnages s’expriment en italien, à l’exception des rares régionalismes ou particularités langagières propres à la Sardaigne.

Là encore, la décision a été dictée par la volonté de correspondre à une réalité linguistique, comme le déclarait Mereu en 2008 lors de la présentation de son film à Ozieri en Sardaigne :

La langue sarde est un choix non automatique, difficile, mais nécessaire surtout à cause d’un devoir d’honnêteté et de respect envers le public, qui a le droit de vivre une histoire vraie . Nous avons voulu représenter une Sardaigne authentique, également pour rendre justice à une terre qui a été représentée au cinéma parfois de façon déformée.

Salvatore Mereu, en choisissant certains acteurs non professionnels et en les faisant parler dans leur langue “naturelle”, a privilégié l’aspect authentique de son œuvre.

Toutefois, que la langue régionale soit présente seulement dans quelques mots ou bien parlée dans tout le film, cela peut constituer une limite à l’accessibilité de l’œuvre car il est difficile pour un réalisateur de trouver le bon équilibre entre les quelques références dont dispose le spectateur (qui ne connaît pas forcément le sarde, au contraire du romain, du napolitain ou du sicilien, bien plus présents au cinéma), les intentions de l’auteur en tant qu’artiste et les limites imposées par la production et, surtout, la distribution.

Si les premiers réalisateurs sardes ont peu utilisé la langue régionale, les auteurs arrivés par la suite (Sanna en partie, Columbu et Mereu de façon sans doute plus affirmée), ont osé choisir la langue sarde comme langue « autre », totalement différente et incompréhensible par une grande partie du public. Et, ainsi, les sous-titres sont nécessaires. Et c’est un choix courageux car la diffusion d’un film sous-titré dans le circuit commercial italien est, très souvent, problématique (plus qu’à l’étranger) et condamne, presque de facto (et sauf exception), une exploitation sereine du film en salles.

Voilà donc le problème : faut-il privilégier le caractère identitaire marqué par un choix linguistique audacieux ou bien est-il préférable d’assure une diffusion plus large, en se conformant aux habitudes du public ? Tourner ou doubler un film sarde en langue italienne enlèverait sans doute une partie du caractère identitaire de l’œuvre, mais c’est sans doute le prix à payer pour lui assurer une diffusion plus large.

C’est sans doute ce qu’a compris Paolo Zucca, avec L’uomo che comprò la luna, la comédie de la deuxième génération du nouveau cinéma sarde qui a obtenu un joli succès aussi en Italie continentale.

Dans le film, la langue sarde, considérée comme un élément essentiel de l’essere sardo et que le personnage devra comprendre pour accomplir sa mission en Sardaigne, au-delà d’un timide « Eja ! » prononcé au début du film, est présente à certains moments précis du film : dans certains dialogues entre le jeune Kevin Pirelli (faux milanais d’origine sarde) et son entraîneur Badore, surtout que le sarde est utilisé comme langue du cœur, de la complicité, des émotions ; c’est aussi, à nouveau, la langue de la communauté, de l’intégration dans le village sarde, où comptent, comme langue aussi, les silences, les regards, les gestes ; elle est aussi un élément culturel, dans le chant polyphonique entonné au bar. Et puisqu’elle est utilisée dans des buts bien précis, dans des moments spécifiques, Paolo Zucca semble avoir trouvé un juste milieu, una via di mezzo, dans l’utilisation juste – raisonnée ? – de la langue sarde dans un film parlé en italien standard et destiné à une communauté large de spectateurs, au-delà de la Sardaigne.

Je voudrais maintenant poursuivre le voyage jusqu’en Corse, comme nous l’avons fait à chaque fois jusqu’ici pour évoquer ce continuum, conscient ou non, d’une île à l’autre, et évoquer la question des langues dans ce que nous avions défini « nouveau cinéma corse », une Corse là encore périphérique, marginale, marquée, dans sa culture, ses lieux, sa langue. Nous nous appuierons sur deux auteurs corses et deux traitements différents de la langue selon le cas. Il s’agit de Thierry De Peretti et de Rinatu Frassati, dont les films de fiction traitent, de façon très différente, les problématiques liées à l’identité d’une île. Ils proposent en effet deux approches de la culture corse : l’une, très courageuse, actuelle, en prise directe avec des thématiques modernes et politiques (De Peretti) et l’autre plus onirique et cinéphile, qui exploite, surtout avec Les exilés, le thème des héros de la Corse, de Paoli à Bonaparte. Dans leurs films, la question de la langue est présente, et toujours pour une raison liée à l’authenticité. Par exemple, Frassati a mis en lumière un mélange des langues, reflet d’une réalité historique, dans une Corse du 18e siècle où se mêlaient langue corse, italien, français et même l’anglais de James Boswell. La majeure partie des dialogues provient d’ailleurs des correspondances entre plusieurs personnages et des écrits historiques : une authenticité prolongée jusqu’à l’accent corse d’Ajaccio pour Napoléon et un interprété pourtant par un balanin, Jérémy Alberti ! Le corse sert beaucoup l’idée d’une Corse mythique, mythifiée, comme dans ce discours – volontairement très théâtral par ailleurs – de Paoli qui harangue la foule.

Quant à Thierry De Peretti, il a tourné deux films très modernes (moderne, dans le sens « opposé à la tradition », selon le binôme classique tradition-modernité qui caractérise l’histoire des représentations de l’île et des insulaires), Les Apaches et Une vie violente : un cinéma lié au réel, à la Corse, à la réalité politique, sociologique, culturelle, un cinéma lié à son époque, pour lequel De Peretti dit qu’il est « indispensable de montrer ce qui n’a pas été montré. » Et pour montrer, justement, ce réel, De Peretti a utilisé, comme élément d’authenticité, une langue qui évoque aussi la réalité d’un lieu, d’un moment, d’une culture, une réalité liée au choix de faire participer les acteurs du réel, des gens pris dans la rue et avec qui il a réécrit les dialogues. Ainsi, le jeu a quelque chose de naturel, comme le film lui-même. Les jeunes parlent une langue de la rue avec une certaine vulgarité (dans Les Apaches : 08’43 : « bande d’enculés », « putain de toi », 09’21 « casse-couilles », 14’01 « putain vous avez niqué les lits merde » ; dans Une vie violente : « Eh ça va, tia cassé ou tia pas cassé ? », « Tia vu ? », « De quoi ? »). Mais l’aspect le plus intéressant est l’utilisation du « francorse » ou « francorsu » (c’est-à-dire, vous le savez, l’insertion de mots corses souvent francisés dans l’écriture et/ou dans la prononciation, dans un discours en langue française ; c’est très fréquent dans l’argot des jeunes – et des moins jeunes – en Corse). Les exemples ne manquent pas dans les films : dans Les Apaches, 08’48 : « tamanta casa », 09’50 « chì scogiu », 11’34 : « le type, je le rointe »,  33’55 « tu es un cagueux, c’est tout », « j’ai besoin de toi fraté » ou, dans Une vie violente : « O zité ! », « Basta. », « Fraté ! ». Ce phénomène, qui pose un problème de compréhension pour un spectateur non préparé, justifie peut-être la critique faite aux dialogues et lue plusieurs fois ; et pourtant, c’est bien l’expression d’une réalité et cela permet de placer directement le discours dans un territoire bien défini (la Corse).

La langue corse est aussi présente dans les chansons corses insérées dans la Bande Originale des films, de Sinfunia nustrale interprétée par Jean-Charles Papi et le groupe Canta u populu corsu (17’16 e 40’44), un “tube” que l’on entend souvent dans les réunions politiques des nationalistes corses (et dans la chanson, d’ailleurs, on entend le slogan des indépendantistes, A populu fattu, bisognu à marchjà) dans Les Apaches, à Une vie violente, où l’on entend aussi L’oru de Barbara Furtuna chanté par le jeune Petru Bracci. L’exemple le plus marquant lorsqu’on parle de Bande Originale pour un film corse (le premier d’ailleurs) reste toutefois O Generale, écrit par Alain Di Meglio et dont la musique reprend le thème composé par Frédéric Poggi : interprété par le groupe Voce Ventu, c’est devenu un classique de la musique corse contemporaine, souvent reprise par les jeunes corses.

Cependant, en ce qui concerne la société contemporaine décrite par Thierry De Peretti dans ses films, le bilinguisme naturel, s’il existe, est peu présent. Sauf, peut-être, dans la scène du chœur des femmes vers la fin d’Une vie violente et qui a une vraie saveur d’authenticité. On a là, sans doute l’aspect le plus naturel : une situation diglossique différente vis-à-vis de la Sardaigne, peut-être plus problématique parfois ; une question complexe et difficile à gérer malgré les nombreuses tentatives aux niveaux politique, institutionnel, éducatif, universitaire, associatif, etc.

Et comme je vous avais promis d’aborder d’autres terrains médiatiques, artistiques, tout ceci nous conduit au texte d’une pièce de théâtre écrite en 2018 et jouée en 2019 en Corse, signée Alexandre Oppecini, jeune acteur, metteur en scène de théâtre et de cinéma : « Être et avoir l’air », soit « Être et avoir l’air… corse. » Une pièce qui appartient à un mouvement non déclaré mais plus large sur la Corse et les problèmes liés à l’identité. La trame est la constitution du casting, de la troupe, pour un film sur l’histoire de Pascal Paoli (encore lui…). Le discours du personnage, alter ego d’Alexandre Oppecini, est édifiant et en dit long sur le rapport à la langue corse, sur le paradoxe de la revendication politique et populaire et une triste réalité. Extrait.

JER - Ok. Reste comme ça. Vis le truc. C'est très bien. On va reprendre la scène en Corse maintenant si tu veux bien.

AO - Ah. Mais mon agent m'a dit que je ne passerai qu'en français. J'ai reçu le texte un peu tard hier je n'ai pas pu travailler sur la version corse.
JER - C'est pas grave! Fais le en impro.. .
AL- Euh...

JER - Quoi tu ne parles pas corse Alexandre ?

Je suis né à Bastia. J'ai grandi à Pietranera. Pendant très longtemps, cela constitualt le rnonde pour moi. Pietranera. La plage l'êté et l'école l'hiver. La m€esse ie dlmanche. Le jardin rempli de cousins, de copains,
de voisins,
On joue dans les champs en dessous de ma maison, aujourd'hui remplacés par des villa-apparternents et une nouvelle route. Je vis de nature et de bouffe. C'est vrai. D'ailleurs, je peux dire que concernant la bouffe je suis bilingue en corse. Tata Renée cuislne en corse : des Canistrelli, Panizi, Panzarotti, Pastizu, Pulenta, Pulentina, torta, di Cece o di castagna, Fiadone, Faidunettu, Migliacciu, Migliacciolle, Fritelle qui accompagnent le Brocciu et le figatellu, Ie prizutu, la coppa, le lonzu et et la panzetta.,. Et les Bastelle. Aux herbes... Je suis un peu bilingue en botanique aussi... Avec Tata Renée nous allons jusqu'a la source Canastana, au pont vert sur ia route de San Martino, pour cueillir la Persa, la Nepita, I Natarebulli, L'Arba Barona, Lu rosumarinu, la mintrastella...

Voilà ce que je connais de la langue corse. La bouffe et les herbes pour faire de la bouffe.

Je l'apprends à l'école aussi. En, option. 1h par semaine. Comme une langue étrangère. Et encore, j'ai 5 heures d'anglais obligatoire. Une seuie de corse. Le vendredi de 17h à 18h. Je n'y vais pas souvent. Je préfère fumer des clopes â 21 francs le paquet et boire des Liptonic à la Brasse. D'après mon emploi du temps I'anglais a I'air quand même plus important que le corse. Et cette scène, entre Paoli et Fernandino, Je pourrrais la faire en anglais. Et irnproviser:
« l've been general for less than 15 days. And I already have two men hanged, one banished, and two others whipped... »

Plus tard dans la pièce, voilà ce qui se dira :

J'ai un chouette accent hein ? Bon les américains me prennent pour un british, ça les fait rire. Et les britlsh rit car ils me prennentpour un paysan écossais venant du fin fond de la campagne... Les français aussi rient quand je parle françals avec monon accent corse. Tout le monde rit quand je parle- Les corses aussi rient de mon accent quand je parle corse. Et oui...ça ils aiment rire les corses. La Macagna- C'est un petit stress. Un petit complexe, C'est mêrne extrêmement frustrant à vrai dire... Ça me fout parfois la rage de me dire que je parle Ia langue de I'endroit où je suis né comme une langue êtrangère. Parce qu'on te fait quand même sentir que si tu ne parles pas corse, c'est que quelque part tu n'es pas non plus cornplètement corse quand même...

Plus tard dans la pièce, voilà ce qui se dira :

OC - Ce n'est peut être pas trop la peine de s'emballer sur la langue. On ne va paâs tourner le film en langue corse.
ANT- Qui irait voir ça ?
OC- Personne. Donc restons, focus. Il est temps de rentrer dans l'action.

Tout est dit ?

 

« dissardizzazione linguistica », PITTAU (Massimo), Dizionario della lingua sarda, fraseologico ed etimologico, Cagliari, Ettore Gasperini Editore, 2000, p. 10.

Ibid., p. 67.

« Io ho fatto una sorta di sceneggiatura in cui i primi dialoghi mi venivano meglio in sardo. Poi mi ha aiutato Roversi a trasformarli, mantenendo la forza in qualche modo poetica che ha la lingua sarda, in italiano. Se lo dovessi rifare oggi forse lo farei in sardo... Però allora era un grande azzardo. Poi avevo anche degli attori  : uno era portoghese, uno spagnolo, molti italiani e altri sardi ; c’era un melange abbastanza difficile per cui non abbiamo usato il sardo. Ma il sardo è dentro ! », Gianfranco Cabiddu in NAITZA (Sergio) (éd.), Sardegna cinema, 04/11/2010.

« Mrajahi » pour volpe (renard), « bruscia » pour strega (sorcière), « sciollori » pour deliri (délires), des spécialités culinaires, etc.

« Ogni vecchio che muore in Sardegna è una biblioteca che chiude. Abbiamo il dovere di fissare in immagini qualcosa che possa rimanere alle generazioni future », Gianfranco Cabiddu cité par PINNA (Salvatore), , « Scorci di realtà. La produzione documentaristica », in FLORIS (Antioco) (éd.), Nuovo cinema in Sardegna, p. 93.

« Carlo ha riprovato, e improvvisamente è cambiato il suo sguardo, è cambiata la sua voce, e il risultato è un altro. Questo cambiare degli interpreti nel momento in cui utilizzavano il sardo, cambiare quasi nella loro identità, è una cosa che non prevedevamo, però si è verificata durante tutto il lavoro di preparazione del film. Tanto è che poi il film ha finito per essere in sardo anche se non era nelle nostre intenzioni. Noi pensavamo a un film con qualche parola in sardo. Invece sono stati proprio gli interpreti che ci hanno suggerito il sardo. Perché lì si è capito che essendo il sardo la loro lingua nativa, avrebbero dovuto parlare proprio in sardo. »

«  una scelta non automatica, difficile, ma necessaria soprattutto per un dovere di onestà e rispetto verso il pubblico, che ha il diritto di vivere una storia vera . Abbiamo voluto rappresentare una Sardegna autentica, anche per rendere giustizia ad una terra che è stata rappresentata nel cinema talvolta in maniera distorta », « Per Sonetàula teatro affollato e tanti applausi », L’unione sarda, 11/03/2008.