UNA VINTINA D’ANNI FÀ, PARÈ DI U RAPORTU TRÀ CORSU È TALIANU

1) Pietri Piero (e-mail du 31.03.2004)

         Tous ceux qui comme moi pensent que la langue Toscane est une “bouée” indispensable pour le sauvetage du Corse doivent malheureusement lutter auparavant contre les nombreux faux historiques, inexactitudes, et mensonges que notre culture a dû subir de la part de la propagande jacobine. Cette dernière visait à faire passer le Corse pour un “Basque” de la méditerranée et le Toscan comme une langue “coloniale” pour justifier son abolition. C’est ainsi que la France a pu éloigner culturellement la Corse du reste de la péninsule et couper tous les ponts (physiques, culturels et économiques) avec celle-ci dans le but exclusif de permettre au processus de Francisation de s’instaurer facilement…

         Aujourd’hui l’intox persiste encore dans la plupart des consciences, c’est pourquoi avant d’expliquer les raisons concrètes pour lesquelles le Toscan peut être un carburant décisif pour le « riacquistu » de notre langue, on est souvent obligé de rétablir auparavant la vérité sur le passé culturel de la Corse et sur ses relations avec la langue toscane, il faut donc justifier cette vision du Toscan en prouvant qu’elle repose sur des faits historiques, sans quoi nos arguments sont perçus comme utopiques et dépourvus de toute crédibilité. Ce parcours est très délicat, car l’idée moderne de la NATION que les Corses ont hérité du jacobinisme, confond dans les esprits les notions de CULTURE et de PATRIOTISME ; c’est ainsi qu’en exposant des faits historiques et culturels l’on se retrouve souvent à lutter contre les soupçons d’irrédentisme qui malheureusement noient encore aujourd’hui, en l’an 2003, tout discours sur la langue corse et les relations culturelles entre l’île et la péninsule…

         Cela dit passons aux raisons du Toscan avec des arguments CONCRETS, car si les faits historiques et culturels servent à justifier l’intérêt qu’un Corse peut avoir envers cette langue, ils ne suffisent nullement à expliquer les avantages qui devraient dériver pour a lingua nustrale dans un rapprochement avec la langue de Dante. Ce souhait de rapprochement ne peut avoir comme unique but que celui DU SAUVETAGE ET DE LA PROMOTION DI A LINGUA NUSTRALE, sans quoi l’idée du toscan est injustifiable et perd sa raison d’être…

Vulgarisons…:

5 personnes corsophones discutent ensemble en s’exprimant en lingua corsa. Une sixième, francophone, se joint au groupe: automatiquement la langue de la conversation passe du corse au français. Même lorsque la majorité des corsophones est écrasante, le corse cède toujours au Français dans ce genre de situation. Ces deux langues n’étant pas intercompréhensibles, il ne peut y avoir de communication avec la sixième personne si les corsophones ne passent pas au français.

Dans ce même scénario, lorsque la sixième personne est italienne ou connaît le toscan, voilà que les corsophones peuvent tranquillement continuer à s’exprimer en lingua nustrale sans pour autant exclure la sixième personne de la conversation car corse et toscan sont deux langues italo-romanes et il existe entre toutes les langues italo-romanes une INTERCOMPREHENSION naturelle et intuitive.

À travers cet exemple il est possible de comprendre la bonne santé actuelle des langues italo-romanes en Italie et le dépérissement  du corse en France.

Comme l’a si bien illustré U Sicilianu, l’existence de la langue Corse n’est pas un cas unique dans le panorama des cultures italiennes. En effet, chaque région en Italie a sa propre langue qui comprend comme en Corse plusieurs variantes. Aucune des langues italo-romanes en Italie n’a un statut d’officialité et n’est enseigné à l’école. La transmission de ces langues se fait oralement depuis des centenaires tout comme le corse, pourtant les premières jouissent de toute leur santé alors que a Lingua Nustrale est sur le chemin de faire la fin du Provençal (langue)…

Lorsque un Calabrais, un Napolitain, un Romain ou tout simplement un étranger s’installent en Sicile, c’est dans la langue toscane qu’ils s’exprimeront. Toutefois, cela n’oblige pas les autres Siciliens à utiliser exclusivement le toscan en leurs présences, ils peuvent continuer de discuter en sicilien sans que cela exclue les Italiens du continent ou les étrangers. Là est tout l’avantage de l’INTERCOMPREHENSION entre deux langues et la complémentarité qui en dérive. Le rapport n’est ni conflictuel, ni concurrentiel. C’est ainsi que les continentaux qui s’installent en Sicile écoutent tout autour d’eux à longueur de journée du sicilien et c’est ainsi qu’ils deviennent rapidement capables de s’exprimer dans la langue locale et cela sans avoir besoin de prendre de “cours”.

Il fut un temps où les nationalistes disaient “la Corse produit des Corses”. C’était une illusion due au fait que la majorité des immigrés étaient italiens. À la stupeur des Corses, ces “étrangers” apprenaient en un ou deux mois à parler le corse et s’intégraient à la perfection dans la culture de l’île. Totalement ignorant du système linguistique de la botte italienne (ignorance voulue et entretenue par les murs de la propagande jacobine), les nationalistes ne pouvaient savoir que ce scénario d’intégration linguistique se répétait identique dans la péninsule chaque fois qu’un Italien change de région. Cela fait partie d’un mécanisme très courant dans le système linguistique italo-roman.

Aujourd’hui, les immigrés sont maghrébins, portugais, en partie de l’Europe de l’Est, et surtout français dans leur majorité (en tout, la moitié de la population de l’île a des origines continentales). Le nombre d’entre eux qui sont capables, non pas de parler, mais tout simplement de comprendre le Corse est infime…

L’excellente santé actuelle du gaddurese (langue jumelle de notre suttanacciu) permet de penser que si la langue toscane n’eut jamais été abolie vers 1850, u corsu connaîtrait aujourd’hui le même genre de santé pour les mêmes raisons et mécanismes expliqués auparavant. Le corse a parfaitement cohabité avec le toscan pendant des siècles, rien ne porte à penser que cela aurait changé, la situation du gaddurese et des autres langues italiennes en est la preuve. Toutefois, le toscan a été aboli voici plus de 150 ans, une lourde page d’histoire a été tournée. EST-IL VRAIMENT RÉALISTE DE PENSER QU’IL SUFFIT AUJOURD’HUI DE RÉ-OFFICIALISER LE TOSCAN ET DE LE RÉ-INTRODUIRE DANS LES ÉCOLES POUR QUE LES MECANISMES NATURELS D’EXISTENCE DE LA LANGUE CORSE SE RÉ-INSTAURENT?…

…NON, je pense sincèrement que LE CORSE EST TROP FAIBLE POUR QUE LA SIMPLE OFFICIALISATION DU TOSCAN SUFFISE À LE SAUVER… Il est important de comprendre que le souhait d’un retour du toscan ne peut être concurrentiel avec l’enseignement du corse si l’on veut sauver cette langue. Il faut donner une importance PRIORITAIRE AU CORSE et obtenir avec le français une COOFICIALITÉ PARITAIRE FRANCO-CORSE DANS L’ENSEIGNEMENT ET DANS LA VIE PUBLIQUE. Du moins dans les premières années scolaires, il serait bien déjà d’obtenir toutes les maternelles en langue corse, car c’est vers l’âge le plus tendre qu’il est plus facile d’apprendre une langue, et ensuite continuer les 2 premières années (11ème et 10ième), lorsque les cours de maths ou d’histoire ne sont pas trop compliqués, il serait souhaitable que la majorité de ces cours se fasse en corsu. Par la suite le français peut reprendre une importance majeure, car pour ce qui est de l’apprentissage d’une langue ce sont surtout les premières années qui sont fondamentales.

Toutefois, le corse SEUL face au français risque de rester une bataille perdue vu la totale dépendance socio-économique qui lie notre île à l’hexagone et au monde francophone en général, dépendance qui subsisterait même lors d’une future indépendance politique. Les moyens évoqués pour l’enseignement du corse sont certes indispensables, mais ne suffisent pas à promouvoir le corse hors d’un contexte purement intime ou folkloristique. Pour que cette bataille ait des chances de réussite je crois qu’une certaine officialisation du toscan, en tant que langue appartenant au patrimoine culturel des Corses, est non seulement souhaitable mais aussi absolument nécessaire à la promotion du corse comme langue vivante pour les raisons suivantes:

1/ Pour permettre aux étrangers qui ont une connaissance de l’Italien de pouvoir s’exprimer chez nous dans cette langue et non pas forcément en français ou en anglais, ce qui aurait pour conséquence comme déjà longuement expliqué auparavant D’AUGMENTER LES POSSIBILITÉS D’EXPRESSION ET D’EXISTANCE DE LA CORSOPHONIE. Il est utile de rappeler que le toscan est 4ème dans le classement mondial des études de langues étrangères. La première langue la plus étudiée est l’Anglais, la deuxième l’Espagnol, la troisième le Français, et la quatrième langue est l’Italien qui a dépassé l’année dernière l’Allemand… Il existe un nombre consistant de touristes étrangers qui seraient parfaitement capables de s’exprimer en italien et donc d’une certaine manière de comprendre le corse, seulement n’ayant pas conscience de cette possibilité, ils ne choisissent chez nous comme moyen de communication exclusivement que le français, voire l’anglais…

2/ Pour encourager les Italiens à s’exprimer en toscan. Trop souvent eux-mêmes n’ont plus conscience de la possibilité de communication directe qui existe entre le toscan et le corse et préfèrent s’exprimer en français ou en anglais.

3/ Pour permettre aux Italiens d’utiliser le toscan dans les relations et les échanges économiques entre l’île et la Botte, ce qui permettrait aux entrepreneurs corses qui le désirent d’utiliser du corse. Le biais du toscan est une occasion unique pour la langue corse d’apparaître dans le monde du travail. C’est une manière pour libérer notre langue de son joug folkloristique.

4/ Pour affranchir la Corse de sa totale dépendance de l’hexagone et du monde francophone. Promouvoir les relations et les opportunités économiques avec l’Italie créerait une possibilité de CHOIX qui aujourd’hui n’existe pas en Corse. C’est à travers cette possibilité que la Corse peut se découper une certaine indépendance. Cela encouragerait les francophones de l’île à apprendre l’italien, ce qui permettrait enfin aux corsophones de pouvoir parler leur langue sans exclure personne, et ce qui amènerait tout naturellement dans un deuxième temps ces francophones à apprendre le corse.

Il est de plus ESSENTIEL d’affirmer clairement la nature ITALOPHONE de la langue corse et l’INTERCOMPREHENSION NATURELLE qui en dérive avec la langue toscane pour:

1/ Encourager les investissements dans notre langue. Savoir qu’il existe un marché de 60 millions de personnes en Italie et une vingtaine de millions d’italophones dans le reste du monde capables de COMPRENDRE a lingua nustrale faciliteraient beaucoup les possibilités de réalisations de films en langue corse par exemple, ou tout simplement la promotion de notre littérature. Ces investissements dans notre langue pourraient non seulement venir de la Corse et de la France, mais tout aussi bien de l’Italie.

2/ Encourager tout ceux qui souhaiteraient parler le corse, mais “n’ont pas le temps” de s’investir dans l’apprentissage d’une langue “qui ne donne aucune issue économique et qui n’est liée qu’à des raisons identitaires” à prendre des cours d’italien. Ces gens là ont en réalité le temps, mais la paresse est plus forte que leur quête d’identité. L’italien a un attrait économique qui pourrait battre leur paresse s’ils savent qu’à travers cette langue ils auront accès naturellement au corse. L’exemple peut se faire à l’envers, si leur quête d’identité est un peu plus honnête, LA CONSCIENCE DE LA FACILITÉ D’ACCÈS À L’ITALIEN QU’ILS AURONT À TRAVERS LA LANGUE CORSE PEUT ÊTRE DÉCISIVE DANS LEUR VOLONTÉ D’ÉTUDIER A LINGUA NUSTRALE…

3// Encourager les élèves francophones de notre île ou de la diaspora qui n’ont pas beaucoup de notions de notre langue a choisir l’italien comme langue étrangère et non l’espagnol, cela représente une aide supplémentaire s’ils prennent déjà des cours de corse. Je connais une élève qui a fait une année d’Erasmus en Italie. Elle ne parlait pas le corse auparavant, c’est avec plaisir aujourd’hui qu’elle peut enfin s’exprimer en lingua nustrale.

4/ Encourager les nombreux Français sachant parler italien et amoureux de notre île à s’engager par le biais du toscan dans des conversations corsophones. L’on dépense beaucoup d’énergie à souligner les DIFFERENCES qui existent entre corse et toscan. Le résultat est que pratiquement personne en France n’a conscience de l’intercompréhension qui existe entre ces deux langues, et l’image de “Basque” de la mer décourage beaucoup de monde à vouloir tenter de s’approcher de notre langue (“c’est une langue mystérieuse, ce doit être très compliqué à comprendre…”)

5/ Encourager les personnes qui doivent venir s’installer en Corse et qui auraient voulu auparavant apprendre quelques notions de langue corse mais ne peuvent pas parce qu’il n’existe pas de cours de corse dans leur pays, à prendre des cours d’italien.

Toutes ces considérations n’ont pour but que de défendre et de promouvoir la CORSOPHONIE. J’espère que celles-ci recevront de la part des amoureux de notre langue des critiques constructives et que les arguments que l’on amènera à ce débat, qu’ils soient en faveur ou contre l’aide toscane, seront le résultat d’une objective et froide analyse des faits et non le simple fruit de la passion et de l’émotion…

P.S.: Je tiens à ajouter que quoiqu’anti-jacobiniste et anti-francisata je ne suis nullement anti-Français. Si j’ai pu avoir parfois des sentiments indépendantistes, c’est dans le pur souhait de sauver notre langue et notre culture d’un génocide programmé. Cela dit, dans l’Europe actuelle je crois que la notion de Nation telle que nous la connaissons est dépassée. Du moment où nous réussirons à sauver notre langue et notre culture, l’importance d’un statut d’indépendance est peut-être anachronique, vu qu’en général les régions appartiendront toujours plus à l’Europe fédérale et toujours moins à leur nation. De plus, la langue et la culture françaises sont plus que jamais désormais patrimoines de la culture corse. N’en déplaise aux anti-italiens, ce n’est pas tellement la Corsitude qui nous différencie de la péninsule mais plutôt notre cohabitation avec la culture française, là est notre véritable particularisme. Cette cohabitation et ce bilinguisme font notre richesse, c’est pourquoi il est important de préserver la corsitude en créant un équilibre qui empêche toute conflictualité et toute concurrence. Avec le SOUTIEN du toscan et non pas avec sa TUTELLE, le corse peut parvenir à trouver son équilibre face au français.

2) RELANCE Piero PIETRI (31.03.04)

 

Il parle français, italien, arabe, berbère, hébreux et…… corse !

 Olivier Durand, linguiste international : « Tant que le corse donnera des coups de pied dans les tibias de l’italien il ne grandira pas ! »

 Sa gand-mère était Corse ( de Bigorno ) son grand-père Suisse, son père un peu Danois ( ce qui explique sa naissance à Copenhague le 14 mars 1959), lui a une triple nationalité : française, suisse et italienne qui l’autorise à détenir trois passeports différents. Olivier Durand vit actuellement à Rome où il enseigne la linguistique sémitique et la dialectologie arabe à l'Université La Sapienza. Après plusieurs publications consacrées à l'arabe, à l'hébreu et au berbère,  qu’il maîtrise  aisément il opère un retour aux sources avec La lingua còrsa (1) cette langue corse qu’il manie à la perfection. L’interview qu’il a accordée  au JDC est riche d’enseignements divers.

 Vous tordez le cou, preuves à l’appui, à la thèse du corse descendant en droite ligne du latin. Pensez-vous qu’il soit possible de déraciner cette fausse croyance alors que des institutionnels, de bonne ou de mauvaise foi, s’appliquent à la répandre?

 Vouloir déraciner une croyance est une entreprise téméraire, si vous pensez que, dans deux états des USA, des groupes de pression “créationnistes” sont parvenus à interdire dans l’enseignement primaire tout livre expliquant la descendance de l’homo sapiens à partir du singe... Je vais donc essayer d’être le plus clair possible. Tout parler humain se développe selon deux coordonnées: une abscisse temporelle, le long de laquelle le parler évolue à partir de lui-même, et une ordonnée spatiale, dans laquelle le même parler subit l’influence d’autres parlers plus ou moins proches géographiquement. D’un cas à l’autre, bien sûr, les deux composantes peuvent relever d’un pourcentage très différent. Dans le cadre italo-roman, c’est-.à-dire . la Péninsule italienne et ses trois grandes îles, Sicile, Sardaigne et Corse, les parlers at testés aujourd’hui peuvent donc certainement être considérés comme des évolutions du latin exporté par Rome dans les différentes régions. Mais cela ne s’arrête pas là: il se trouve en effet qu’un de ces parlers, et précisément le latin dans son évolution florentine, a, à partir du XIe siècle, progressivement et inexorablement assumé un rôle de prestige qui, tout au long des siècles suivants, l’a fait irradier sur les autres parlers néo-latins italo-romans. On appelle cela la toscanisation. Que signifie “irradier”? Irradier c’est briller, plaire, être à la mode, faire élégant voire même pédant, se prêter à l’imitation et à l’adoption. Cette toscanisation n’a pas eu les mêmes effets partout: les régions périphériques, éloignées de Florence, ne l’ont dans certains cas vécue que marginalement. La Sardaigne du centre-sud notamment a été le région la plus réfractaire, et c’est pourquoi ce que l’on nomme aujourd’hui la langue sarde (la somme des parlers sardes actuels) se révèle le plus archaïsant des parlers italo-romans. Mais “plus archaïsant” ne veut aucunement dire “plus pur”, “plus noble” ou plus digne d’avoir droit au statut de langue. Bien différemment la Corse a été la région qui s’est le plus éprise du toscan médiéval. A tel point que le corse d’aujourd’hui est, aux yeux de tout linguiste (qui ne se badigeonne pas les yeux de confiture), le plus italien des parlers italo-romans. Au cours de la domination pisane les Corses ont progressivement abandonné leur langue précédente pour adopter, disons à 95%, le toscan. Cela signifie-t-il que le corse est un parler bâtard indigne d’être reconnu, étudié, promu comme langue officielle ou littéraire? Bien sûr que non. On peut être une langue corse tout en descendant du toscan médiéval, cela n’a rien de déshonorant ou d’inavouable. Personnellement je préfère de beaucoup l’idée de descendre d’un Toscan du Moyen Âge, qui était une personne ouverte et cultivée, plutôt que d’un légionnaire romain. Mais, bien sûr, chacun ses goûts.

 Certains prétendent, non sans un certain culot, que le corse est une langue spécifique, un peu comme le basque. Faut-il les conforter dans leur erreur ou les conseiller, au contraire, de ne plus s’y enfoncer?

 Le basque...! Si j’ai un conseil à donner à ces personnes, c’est bien de se procurer au plus tôt une grammaire basque et de s’y mettre sérieusement. C’est une langue passionnante – mais le corse l’est aussi! – par sa structure si différente des autres langues du monde: le basque n’est ni italo-roman, ni roman, ni même indo-européen (et je n’adhère pas non plus à la vieille théorie qui en faisait une langue caucasienne); cela fait rêver, certes, et j’avoue qu’à vingt ans j’aurais bien aimé être basque (comme à huit-neuf ans j’aurais donné n’importe quoi pour être un Indien Cheyenne). Seulement voilà: il faut s’accepter. Le corse est, historiquement, un dialecte italien. Honte, scandale et déshonneur? Cela veut-il dire que “nous sommes des Italiens”? Rassurons tout le monde: d’un poi nt de vue strictement synchronique et politique nous sommes des Corses et des Français (ou l’inverse, vieille discussion de bistrot, faites votre choix). D’un point de vue historique, culturel, linguistique, nous sommes des ex-Italiens. Certes, des Italiens pas comme les autres. Ceci étant valable d’ailleurs pour tous les Italiens: un Napolitain et un Milanais ont à peu près autant en commun qu’un dauphin et un castor, et c’est ce qui fait l’incroyable “polynomie culturelle” (et linguistique) de l’Italie, avec toute ses richesses et ses originalités. Devons-nous nous résigner à l’idée que le corse n’a point de spécificité? A mes yeux il en possède au moins une, et qui n’est pas des moindres. C’est la variété linguistique italo-romane la plus proche du toscan médiéval, de l’ancienne langue littéraire italienne, autrement dit d’une des grandes gloires de la littérature européenne. Tout italien cultivé découvrant le corse réagit régulièrement avec surprise et respect. J’irais même ju squ’à dire que si l’on lisait la Divina Commedia en lui appliquant la phonétique du corse, on obtiendrait quelque chose de très proche de la façon dont Dante lui-même l’aurait déclamée.

 Vous déclarez que le corse mérite certes le nom de langue mais que persuader l’opinion publique qu’il s’agit d’une langue tout à fait comme l’italien ou le français procède d’une manipulation idéologique. Pouvez-vous préciser ce propos?

 Votre question me fait craindre de m’être mal exprimé. La linguistique ne fait aucune différence entre une langue et un dialecte – la différence est d’ordre politique et idéologique – ni bien sûr entre langues “meilleures” et langues “moins bonnes”. Toutes les langues et tous les dialectes du monde sont traduisibles de l’un vers l’autre: ce qui prouve tout simplement que tout système linguistique en vaut un autre du point de vue richesse, expressivité et potentialité. Le dialecte n’est pas – comme l’école nous l’a inculqué – une forme corrompue ou bâtarde de langue: c’est la langue qui représente une forme peignée, bichonnée, enrubannée et dorlotée de dialecte. Ce qui manque fondamentalement à un dialecte pour être une langue (“à part entière”, dit-on souvent), c’est de disposer de solides ouvrages de référence (grammaires, manuels, dictionnaires...), de soutien académique, d’enseignement scolaire, etc. Je ne dis pas que le corse “est” une langue, ni qu’il ne “l’est pas”: je dis que le corse “peut être” une langue, si les Corses le veulent (personnellement je veux bien), et surtout s’ils ne s’imaginent pas  qu’elle va leur tomber toute rôtie dans leur assiette. On travaille à la langue italienne depuis sept siècles, à la langue française depuis Charlemagne: une langue, ça se fabrique et ça s’entretient. Ce n’est pas parce que mes parents m’ont transmis le français que je n’ai pas à l’étudier ou à le surveiller. Certains m’accusent d’avoir dit que, le corse étant un “dialecte”, nul besoin n’est de l’étudier sérieusement. Je vais répondre, avec moulte immodestie, que si telle était ma pensée je n’aurais pas consacré 400 pages et trois ans de travail à la rédaction de mon livre ! La manipulation idéologique que je dénon ce – et je suis loin d’être le premier, que cela soit bien clair – regarde les acrobaties intellectuelles de tous genres qui ont été faites pour masquer l’origine patente du corse. Les Italiens se gaussent parfois de notre projet de langue corse. La chose m’a souvent peiné. Mais tant que nous nous entêterons à grimer notre corse en un pitoyable patois français ou en amphigourique langue indo-européenne directement issue du sanscrit, que voulez-vous que je leur dise?

 Vous affirmez que s’adonner à l’étude du corse sans une formation italianiste ne peut être que contre-productif. Or c’est le cas de la plupart des responsables des études corses à tous les niveaux. Comment jugez-vous cette étrange situation?

 Les bras m’en tombent. L’italien standard n’est pas le père du corse, il est son grand frère (le père c’est le toscan médiéval). Et à son égard le corse a aujourd’hui toutes les attitudes du petit frère enquiquineur. Au lieu de s’en inspirer sagement et de prendre exemple sur lui (ce qui ne veut pas forcément dire l’imiter) il le boude, lui tire la langue et  lui fait les poches  ( voyez appuntamentu, etc.). Apprendre l’italien ne signifie pas trahir le corse: cela représente avant toute chose la possibilité, irremplaçable, de mieux comprendre et cerner le corse. Tant que le corse s’obstinera à donner des coups de pied dans les tibias de l’italien, il ne grandira pas. La Suisse alémanique, qui u tilise comme langue officielle l’allemand standard, emploie dans la vie quotidienne un parler fortement caractérisé et que j’aime beaucoup, que l’on appelle le dialecte suisse-allemand (Schwytzertütsch). Depuis longtemps on parle de co-officialiser ce parler, qui est la réelle langue maternelle des Suisses alémaniques. Supposons que, étudiant en début de carrière, vous décidiez d’adhérer à cette mouvance et de participer à la glorification du suisse-allemand. Vous allez étudier le suisse-allemand, certes, mais n’allez-vous pas, aussi, vous diriger vers une solide formation en linguistique germanique, en dialectologie allemande, et en langue allemande? J’ai jadis connu des Suisses alémaniques de la diaspora américaine, qui parlaient schwytzertütsch – avec un fort accent américain – mais étaient incapables de dire trois mots en allemand standard: à leur grand désarroi – car ils étaient persuadés de “savoir l’allemand” –, ils faisaient rire a ux larmes les bons Suisses du cru, qui, même s’ils défendent leur parler local, n’en considèrent pas moins leur diglossie comme nécessaire et enrichissante.

 Vous donnez le nom d’écologie linguistique à l’action militante de sauvegarde de la langue corse et vous ajoutez que cette action demeurera vaine tant que l’on insistera à en exclure l’italien. Pensez-vous qu’il y ait quelque chance que cette exclusion prenne fin avant que le corse ait complètement disparu?

 

J’ai grandi loin de la Corse, au Danemark d’abord, puis, de longues années, à Rome. Mon père était un homme profondément corse – malgré son nom –, et j’ai grandi en sachant qu’il existait une langue corse, différente de la langue italienne. Je ne m’étonnais pas spécialement de la ressemblance entre les deux, que je pouvais constater aisément lors de mes séjours vacanciers en Corse. A vingt ans j’avais ouvert les yeux, mais militais farouchement en faveur du “décrochage” d’avec l’italien. Le corse “n’est plus” de l’italien, expliquais-je à mes amis italiens, qui ne savaient que répondre devant mon air courroucé. Il allait cependant de soi, dans ma tête, qu’un aspirant corsisant eût dû passer par un cursus d’études comprenant langue italienne, histoire de la langue italienne et de ses dialectes, dialectologie italienne, lingu istique romane, et une pincée de latin. Et pour répondre à votre question je vais vous dire ceci: je soupçonne fortement que la majorité des militants culturels doués d’un minimum de jugeote ruminent la même idée, dans le fond de leur cervelle, même s’ils n’osent l’affirmer. Ces militants craignent que l’apprentissage de l’italien puisse représenter un danger de “dérapage” vers l’italien, de dilution du corse dans l’italien. Or savent-ils que les artisans de la langue norvégienne moderne étudièrent à fond la langue danoise, dont ils voulurent se démarquer vers la moitié du xixe siècle? C’est bien en apprenant l’italien, en plus du corse, que l’on pourra commencer à clairement distinguer les deux langues. Nous ne savons plus faire les lasagne corses comme nos grands-mères: il n’y a qu’avec une bonne cuisinière italienne que nous puissions réapprendre. Et nos lasagne n’en seront que plus corses, soye z-en sûrs.

  Ne croyez-vous pas que la structure mentale française est à l’origine d’une prolifération de gallicismes dans le corse contemporain? Est-il encore temps de la ralentir?

 

La chose est bien naturelle, et l’échange linguistique est un phénomène qui concerne toutes les langues du monde. C’est du moins ce que vous répondra tout linguiste. Dans le cas du corse cependant, la prolifération des emprunts (lexicaux, mais aussi et surtout syntaxiques, phraséologiques, morphologiques et... phonétiques) est fort symptomatique. Lorsqu’un Corse dit par exemple, pour citer F.M. Perfettini, aghju cassatu a crutta cù duie transce di sgiambò, il ne parle pas corse, il patoise, il déguise son français en corse, exactement comme un écolier français qui dirait, pour faire rigoler les copains, I cass the croot with two trenches of jambon. Entendons-nous: je suis le premier à dire que aghju l uatu un studiò, qu’Untel ùn busgia micca, et je sais très bien que si je dis spassighjà pour pruminà on va me dévisager pendant quelques instants. Bien que peu chaleureux à l’égard du franglais et du corsancese, je ne puis m’opposer au changement linguistique, du moins quand j’ai affaire à des corsophones de tous les jours, et même si la plupart de ces gallicismes m’ampuasuneghjanu. Mais j’ai par contre du mal à conserver mon sérieux lorsque j’entends des linguistes (corses) m’expliquer d’un petit air mièvre que ce sont là d’innocentes “tendances actuelles” du néo-corse, à accueillir en somme comme de beaux bébés potelés et babillards. Car disons les choses comme elles sont: pour ces personnes, un néo-mot comme administrà (pr ononcez “-chtra” avec un r bien guttural) est préférable à amministrà, dont le tort impardonnable est d’être trop italien. Il ne s’agit aucunement de “tendances actuelles” mais de fautes – qui désopileraient d’ailleurs tout élève de sixième – découlant non pas de l’évolution naturelle de la langue mais de la plus parfaite incompétence de la part de leurs auteurs. Que penseriez-vous de moi si vous me voyiez ranger parmi les tendances actuelles de la langue française les impayables cuirs du regretté Marcello Mastroianni lors de ses interviews accordées aux médias français?

 Pour construire votre ouvrage vous avez réuni une importante bibliographie. Quels sont les livres qui vous ont le plus aidé?

Vous me demandez de suggérer de bonnes lectures à un futur spécialiste de langue corse. Je crois qu’un  petit missel de départ est à voir dans Le corse sans peine de P. Marchetti, qui malgré ses trente ans conserve toute son actualité et toute son utilité. Du même auteur La corsophonie doit être lu, relu et médité. Pour ceux qui veulent creuser l’aspect plus proprement grammatical je conseille les nombreux travaux de J. Chiorboli. A propos des questions plus strictement sociolinguistiques j’ai beaucoup appris des travaux de J. Thiers. D’une façon générale ces trois auteurs ont le don – que l’on partage ou pas leur point de vue – de stimuler constamment le lecteur en lui donnant envie de poursuivr e. J’ai naturellement une grande admiration pour les recherches de M.-J. Dalbera-Stefanaggi, en particulier son monumental Unité et diversité des parlers corses et son très récent La langue corse. Une bible qui ne peut manquer chez tout corsisant est la Grammatica storica della lingua italiana e dei suoi dialetti du grand romaniste G. Rohlfs, où le corse a largement sa place. Comme dictionnaires offrant du corse authentique on s’en tiendra au Ceccaldi et surtout au récent Marchetti (première édition épuisée mais une seconde est en projet). L’Anthologie de Ceccaldi (si possible la version non réduite) présente un bon corpus de corse littéraire non artificiel. Pour le “néo-corse” littéraire, postérieur aux années 70, les bons auteurs ne manquent pas: J. Thiers, J. Fusina, J.M. Comiti, M. Poli, S. Casta, R.Coti, J.J. Franchi, pour ne citer que les principaux.

                                                      ( interview réalisée par Aimé Pietri )

 

(1)  Cet ouvrage de 400 pages  vient d’être édité à Brescia, chez Paiedeia. Il est en vente à la librairie Album à Bastia

 Cosa ne pensate ?

Ùn c'è statu chè Santu Casta chì hà datu u so parè nant'à l'articulu di O Durand ?

Eccu quì sottu un altru parè... trovu (nant’à internet)  senza firma...

Si la majorité des corses d’aujourd’hui ont une maîtrise imparfaite de leur langue, ce n’est sûrement pas de leur fait, et il n’y a aucune honte à éprouver si l’on a pas eu la possibilité de grandir dans un contexte de profonde corsophonie. Nous connaissons trop bien quelles sont les causes et qui sont les responsables de cet état de fait. Toutefois cette connaissance toujours plus approximative de la langue corse et une ignorance presque totale de la culture italienne (ignorance voulue, entretenue et soutenue par une précise volonté POLITIQUE de l’État français), ont permis la prolifération d’arguments propagandistes jacobins qui ne répondent à aucune vérité historique, de subsister dans les esprits de nombreux nationalistes de la Corse contemporaine, et d’intoxiquer ainsi tout débat sur la langue corse.

Pour qu’un débat sur la langue se fasse sur “des bases saines”, il est primordial TOUT D’ABORD de se débarrasser des malentendus, des inexactitudes, et des nombreuses altérations de la réalité historique que nous avons hérité de la propagande jacobine, à savoir :

1 - LES DOMINATIONS PISANES ET GENOISES N’ONT JAMAIS ÉTÉ PERÇUES PAR LES CORSES DE CES ÉPOQUES COMME DES DOMINATIONS “ÉTRANGÈRES”.
Culturellement, la Corse a fait partie à part entière du sous continent italien depuis les anciens romains jusqu’en 1852, date à laquelle la langue toscane fut abolie, et date à laquelle les Sgiò corses furent obligés de cesser la traditionnelle fréquentation des universités de Pise et de Rome. Jusque là les Corses se considéraient tout aussi italiens des pisans et des génois, tout comme les anciens grecs qu’ils fussent d’Athènes, de Corinthe, de Sparte, de Syracuse, de Neapolis (Naples) ou de Massilia (Marseille) se considéraient grecs à part entière. Pour les uns comme pour les autres cela ne les empêchaient pas d’avoir des patries différentes et de se déclencher perpétuellement des guerres intestines. La domination génoise en Corse est une des nombreuses guerres intestines d’Italie (Pise fut conquise par Florence, la république de Bologne fut conquises par les armées du Pape, Brescia et Bergame furent arrachées à la Lombardie par la République de Venise, Amalfi fut conquise par Naples, la république de Sienne dut se rendre face à Florence, les républiques maritimes de Gênes, Pise, Amalfi et Venise furent durant toute leur existence constamment en guerre entre elles, les Siciliens se sont souvent soulevés contre Naples, etc…)

2 - LA LANGUE TOSCANE N’A JAMAIS ÉTÉ IMPOSÉ POLITIQUEMENT EN CORSE NI PAR PISE, NI PAR GENES

Durant l’époque Pisane, les textes officiels étaient rédigés en Latin (comme dans toute l’Europe occidentale chrétienne). La langue toscane fit son apparition en Corse durant la période génoise. Cela dit les génois parlent une langue (le ligure) qui est beaucoup plus éloigné du Toscan que ne l’est la langue corse. Si l’on considère en plus que la Corse fut arrachée aux pisans et que de nombreux corses étaient encore des partisans de Pise et rêvaient le retour de celle-ci, on voit mal comment les génois aurait pu “imposer” en Corse le toscan, langue de leur ennemis les Pisans… S’il y avait une langue à “imposer”, celle-ci aurait logiquement dut être le Ligure, langue que l’on parlait couramment dans les villes fondées par les génois comme Bastia, Calvi et Bonifacio. De plus, jamais U Babbu n’aurait officialisé cette langue dans sa Corse libre et indépendante, ni ne l’aurait-il choisi comme langue d’enseignement pour son Université de Corte, si celle-ci avait été le fruit d’une “imposition linguistique” de l’ennemi génois…

Le toscan fait son apparition à la même époque dans TOUS les états italiens (y compris la république de Gênes) 8 siècles avant l’unité politique de la péninsule, sans imposition politique et sans que ceux-ci aient dû subir une “domination” toscane, mais exclusivement pour des raisons culturelles:

Le toscan fut en Europe une des premières langues vulgaires écrites. Le prestige de ses auteurs et de leurs œuvres permit à cette langue de s’introduire dans toutes les universités italiennes (jusque là le Latin avait été l’unique langue), tous les Sgiò italiens eurent ainsi accès au Toscan…

L’évolution des langues italiennes avait éloigné de plus en plus celles-ci du Latin officiel, cela demandait désormais de plus en plus d’effort pour un sgiò italien de s’exprimer correctement en Latin. Le toscan étant pour tous les italiens infiniment plus facile et compréhensible, il est normal que ceux-ci se tournèrent de plus en plus vers cette langue, et que celle-ci, sans officialisation ou imposition d’aucune sorte, commença tout naturellement à remplacer le Latin : Les gens du peuple ne comprenaient presque plus rien au Latin, lorsqu’on publiait un édit dans cette langue, il ne suffisait plus de le lire au peuple analphabète sur la place des villages, il fallait encore le traduire dans toutes les variantes parlées de ces villages. Le toscan qui avait l’avantage d’être d’intercompréhension immédiate avec toutes les autres langues italo-romanes et d’être par conséquent compris de tout le monde facilita tous ces problèmes « bureaucratiques », voilà pourquoi les fonctionnaires des états italiens commencèrent graduellement à l’utiliser en lieu et place du Latin. 

C’est comme ça que le toscan s’est imposé à la même époque dans toute l’Italie y compris en Corse, de façon NATURELLE, et non POLITIQUE. Les Genovesi n’y sont pour rien, leur présence en Corse durant ce passage Latin-Toscan n’eut aucune influence sur cette évolution. Le dernier état qui résista le plus longtemps en n’utilisant que le Latin comme langue officielle fut l’état du Vatican…

3 - L’INTERCOMPRÉHENSION NATURELLE ENTRE LE CORSE ET LE TOSCAN N’EST PAS LE FRUIT DE LA DOMINATION PISANE ET GENOISE

La langue corse présente autant si ce n’est plus de proximité avec les parlers du Lazio (Latium) ou de l’Umbria (Ombrie) qu’avec le Toscan, sans qu’il n’y ait eu ni en Corse de domination Umbra ou Laziale, ni non plus dans ces 2 régions une domination pisane.
La boussole est une invention qui n’existe qu’à partir du XIe siècle, avant cela on naviguait à vue, c’est pourquoi du temps des étrusques jusqu’aux pisans, les échanges matériaux et humains entre l’île et le continent passaient tous par l’Italie centrale (Toscana et Lazio). Ces échanges n’étaient pas à sens unique, si d’un côté nous avons de nombreux villages dont la population d’origine venait du centre de l’Italie (ex: Pigna en Balagne fut fondée en l’ an 1000 par un évêque de Rome, la population d’origine provenait de la ville éternelle car les Pisans favorisaient une politique de repeuplement dans les lieux inhabités de l’île pour empêcher aux sarrasins de pouvoir s’y installer), de l’autre il exista jusqu’en 1800 des flux constants d’immigration de corses en Italie centrale (ex: le quartier de Rome “Trastevere” a été pendant des siècles le quartier traditionnel des corses à Rome). La proximité géographique et historique et les mélanges humains ont fait du Corse un peuple de l’Italie centrale, c’est pourquoi l’évolution du Latin de Corse aurait de toute manière été très proche du toscan comme le sont l’Umbro ou le Laziale même en l’absence d’une domination pisane ou génoise.

Les italiens historiquement n’ont jamais exercé de politique “d’impositions linguistiques". Ceci est une prérogative jacobine.

Les Génois sont restés 300 ans à Chypre et dans d’autres petites îles grecques, l’officialité de la langue grecque dans ces lieux n’a jamais été mise en discussion.
De même les vénitiens occupèrent pendant 500 ans Crète et 700 ans Corfù. Là aussi on retrouve dans le parler local quelques rares mots d’origine vénitienne, mais le grec fut toujours langue officielle.

Les italiens ont toujours administré leur conquête sous le modèle de “La Pax Romana”: Donner à César ce qui est à César, c’est à dire dans le cas des génois par exemple: “payer nous nos taxes”, mais sur le domaine de la culture et des croyances religieuses (les îles grecques par exemple ne furent jamais converties au catholicisme), “vous êtes chez vous, conservez vos usages et vos coutumes et faites ce qui vous semble meilleur…”  Ce qui intéressait les Genovesi, c'etait seulement « le fric », ils n'étaient pas des impérialistes, mais des Businessmen, c'est là toute la différence entre leur domination et celle des jacobins : Les uns voulaient notre argent, les autres veulent notre âme...

4 – L’ABOLITION DE L’ITALIEN EN 1852 N’A PAS ÉTÉ UN ACTE LIBÉRATOIRE DANS LE BUT D’EFFACER LA LANGUE “ÉTRANGÈRE” DES “EX COLONISATEURS” ! !

Les français ne pouvaient pas abolir la langue parlée des corses vu que celle-ci n’était qu’une forme d’expression orale qui n’avait jamais eu aucun statut d'officialité ; cela dit ils savaient parfaitement qu’en abolissant l’expression littéraire des Corses (le Toscan), l’absence d’intercompréhension avec le Français condamnait les parlers locaux (Capicorsinu, Balanninu, Pumunticu, Cismuntanu, Bonifazincu) tôt ou tard à disparaître, favorisant ainsi le processus de francisation (FRANCISATA).

 IL EST IMPORTANT D’EXPLIQUER AUX JEUNES CORSES QUI ONT GRANDI DANS UN SYSTÈME FRANCOPHONE QUI EXCLUT TOUTE COHABITATION AVEC UNE AUTRE LANGUE, QUEL EST LE DEGRÉ D’INTERCOMPRÉHENSION ENTRE LA LANGUE CORSE ET LES IDIOMES ITALIENS.
La langue corse appartient à la famille des langues italo-romanes. L’Italie est un pays qui possède de nombreuses langues issues dans leur majorité de cette famille italo-romane. Contrairement au Corse, les langues régionales italiennes sont toutes en excellente santé, et ceci sans qu’aucune d’entre elles ait droit à la coofficialité ou soit enseignée à l’école. La raison de cette subsistance des langues vivantes italiennes est due à l’intercompréhension naturelle et immédiate qui existe entre celles-ci et le toscan, langue officielle du pays. EX :Un zitello sicilien qui grandit à Rome peut lorsqu’il rentre en vacances en Sicile comprendre et donc communiquer avec ses petits cousins ou amis qui lui parlent Sicilien. De même celui-ci peut, s’il le désire, facilement s’approprier cette langue, car comprendre une langue, c’est déjà la connaître, de là à la parler l’effort est très modeste, il suffit juste un peu de pratique…

Ce n’est pas le cas d’un zitellettu de la diaspora Corse qui grandit à Paris. Celui ci est totalement exclu lors d’une conversation en langue Corse..  C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, historiquement, la Bourgeoisie corse est celle qui a mis le plus de zèle pour soutenir le processus de Francisata. On faisait tout pour que les enfants grandissent en parfaits francophones, car seul le Français pouvait donner accès aux aspirations sociales et économiques de la Bourgeoisie. Une fois grandis ces gosses ne pouvaient supporter l’idée de se sentir exclus dans leur propre île, c’est pourquoi il faisaient tout pour accélérer le génocide de la langue Corse. Ce racisme de classe sociale est une des causes à la base des nombreux complexes qu’à dû souffrir a lingua nustrale…

La langue Corse est désormais EXCLUE de pratiquement TOUS LES DOMAINES DE LA VIE COURANTE. L’écrasant monopole de la francophonie a relégué la lingua nustrale uniquement à la culture spécifique de notre île (chants et poésies) et aux quelques rares moments d’intimité entre corsophones. Ces derniers ont perdu l’habitude de s’adresser directement en langue corse dans les lieux publics car c’est désormais une perte de temps: 9 fois sur 10 ils ne sont plus compris.

L’unique moyen pour INVERSER la tendance de L’EXTINCTION du corse, est celui de RE-CONSTRUIRE un mécanisme de contexte naturel qui lui soit favorable et qui puisse lui restituer toutes ses PREROGATIVES DE LANGUE VIVANTE.
L’handicap qui fait le plus de tort au corse est sa complète EXCLUSION DU MONDE DU TRAVAIL:

-L’absence d’intercompréhension franco-corse fait que l’apprentissage de cette langue représente un réel effort. TRÈS PEU DE GENS SONT DISPOSES À FOURNIR CE GENRE D’EFFORT POUR UNE LANGUE QUI NE DONNE AUCUNE SORTE D’OPPORTUNITÉ ECONOMIQUE et qui n’est liée qu’au domaine du sentiment identitaire. Si la plupart des corses et des “nationalistes” abandonnent eux-mêmes ce genre de projet en cours de route (la tâche demande trop de temps et les possibilités de “bains linguistiques” sont trop rares pour être efficaces), comment vouloir espérer que l’autre moitié de la population d’origine continentale puisse trouver l’incitation nécessaire pour se rapprocher de notre langue?…

Il est IMPERATIF de redonner à la langue corse une IMPORTANCE PLURALISTE (économique et culturelle) favorable à son épanouissement. Le moyen le plus efficace pour libérer le corse de sa PRISON FOLKLORISTIQUE est celui de RENOUER les liens culturels avec la sphère linguistique italienne. Le modèle à suivre est l’exemple du Québec, car l’ intercompréhension qui existe entre le Québécois et le Français est semblable à celle qui existe entre le Corse et le Toscan.

Se rapprocher de la culture italienne signifie reprendre contact avec les autres langues italiques, et entre autre avec le Gaddurese de nos frères les “Corsicani” de Sardaigne. Cela permettrait aux Corses de découvrir combien ces dialectes sont présents dans la littérature et le Cinéma italien. Gadda, Pasolini et Verga sont trois écrivains d'importance capitale dans la littérature italienne (ils sont mandataires dans le système scolaire italien) : Leur œuvres plus importantes ont été écrites en DIALECTE ROMANESCO et en SICILIEN.

IL N’EST PAS RARE DE VOIR DES FILMS INTÉGRALEMENT EN SICILIEN, EN NAPOLITAIN OU EN ROMAIN.

Il faut être totalement myope (ou malintentionné) pour ne pas comprendre que favoriser un tel rapprochement donnerait LA POSSIBILITÉ AUX OEUVRES CORSES ET À NOTRE LANGUE EN GÉNÉRAL D’ACCEDER À UN MARCHÉ DE 60 MILLIONS DE LOCUTEURS CAPABLES DE COMPRENDRE A LINGUA NUSTRALE…

Les langues italiennes et le Corse reposent sur une “Forma Mentis” commune. Pas besoin d’avoir une imagination hors du commun pour comprendre toutes les opportunités qu’implique un tel état de fait pour l’épanouissement de notre langue. Tourner le dos à une culture si proche de la nôtre est pour la langue corse UN ACTE SUICIDAIRE.

Il est malheureux de constater que désormais les touristes italiens s’adressent à nos compatriotes en français ou en Anglais (sic) car la Francisata est tellement bien ancrée qu’ils n’ont plus conscience de la possibilité de communication directe qui existe avec notre langue.

IL FAUT ABBATRE CE GENRE DE BARRIÈRE DE COMMUNICATION, CELA REPRÉSENTE LA DERNIÈRE CHANCE POUR NOTRE LANGUE D’ÉCHAPPER AU PIÈGE DE L’ISOLEMENT… entre Corses et Italiens.

Non au filtre du français, de l’anglais ou de l’Espagnol ! !
Voilà pourquoi je pense, qu’il est dangereux de soutenir que le corse est à équidistance entre l’Italien et l’Espagnol. Cela est un piège pour empêcher l’épanouissement de notre langue. S’il faut obtenir l’enseignement obligatoire du corse dès la maternelle, il faut aussi pousser les jeunes corses à privilégier l’Italien (qui appartient à notre patrimoine culturel) par rapport à l’Espagnol.