Écrire en français en Amérique - Lise GAUVIN

 

 

« Ma poésie de cœur heurté

ma poésie de cailloux chahutés ... »

« Suis-je ici

ou ailleurs ou autrefois dans mon village

je marche sur des étendues de pays voilés

m'écrit Olivier Marchand

alors que moi d'une brunante à l'autre

je farouche de bord en bord

je barouette et fardoche et barouche

je vais plus loin que loin que mon haleine

soudain j'apparais dans une rue au nom d'apôtre

je ne veux pas me laisser enfermer

dans les gagnages du poème, piégé fou raide »

Gaston Miron, L’Homme rapaillé

 

« Elle regarda longuement Edouard. "J'aimais pas ben ben ça... mais j'voulais un autre enfant pis j'savais que c'était le temps..." Edouard avait baissé les yeux. C'était la première fois qu'il entendait sa mère faire allusion au sexe et cela le gênait. Victoire continua son histoire en ramenant son regard vers le bosquet. "Là, y m'a demandé : "Y'a'tu du danger, ces jours-citte?" J'y ai dit non. Y voulait pus d'enfants, j'ai jamais su pourquoi... Y m'a répond : Tant mieux!" Pis on t'a faite" Elle entra dans le bosquet sans s'occuper des branches qui s'accrochaient à sa robe. Elle se pencha un peu. "Juste icitte". »

   Michel Tremblay, La grosse femme d’à côté est enceinte, Montréal, Leméac, 1978, p.82.

 

    « J’aime les phrases qui boitent. Je suis sadique. Je les regarde boiter et je trouve cela drôle. » (Le Nez qui voque, p.186)

     « Je  suis en train d’écrire un chef-d’œuvre de littérature française. Dans cent un ans, les enfants d’école en apprendront des pages par cœur. Mais, je ne veux pas de gloire. »(N, p.44 )

    « Le présent n’est beau que lorsqu’il est passé, et quand il est passé il n’est plus.  Quand le présent passe, on ne peut que le regarder passer; même si on se jetait dans ses roues, il ne s’arrêterait pas. Mais, quand le présent est passé, on peut le regretter, on peut souffrir, doucement, doucement, doucement. Cela est très profond, mais cela ne veut rien dire. Cela est venu sous ma plume, comme cela. Je fais mon petit Jean Racine, mon petit La  Rochefoucauld, mon petit La Fontaine, mon petit hostie de comique. »(N,p..79)

 

     « C’est mon cahier, et j’écrirai ce que je voudrai dedans. Voulez-vous des fautes d’orthographe? Faites-en ! Faites-les vous-même! Drive yourself! (N,p..133.

     « On dit tigre et on croit voir un tigre. Mais que le mot est beau quand on sait qu’il n’est pas tigre mais mirage! »  (N, p.175)

     Monde ordinaire    note : cheap people

     I want to get off    note : arrêtez la terre je veux descendre

     Anyway                note : ennéoué

    Réjean Ducharme, L’hiver de force, Gallimard, 1973