Opacité du monde
Puesia
DUMAS Catherine
C'est si bon de commencer la matinée avec tout ce que
nous voulons être ce jour-là, de regarder sans peur par
la fenêtre, de tenter quelques pas en dehors de notre peau.
Nous ne sommes plus nous-mêmes, le jour n'est plus à nous.
Nous trébuchons sur nos yeux stupéfaits autour
de ce que nous voyons, nous nous précipitons à l'intérieur et voilà tout
ce que nous avons fait. Nous disons que notre peau
est notre maison, nous énumérons les pièces,
la solide architecture, l'avantage d'avoir des grilles
aux fenêtres. Et puis on est triste jusqu'à la fin du jour.
Il y en a qui font des courses ou mangent du chocolat,
qui disent du mal de tout le monde, qui ne se réveillent pas en guettant
par la fenêtre comment être un autre, mais lui il est à deux pas,
sa respiration, sa température, son regard, son corps mobile
qui s'éloigne emportant l'horizon et il ne nous reste plus
qu'à rêver au matin suivant et tous les jours –
tous les jours - nous mentons à l'intérieur de notre peau.