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Conversation
Les Corses d'autrefois et d'ailleurs

Parlons de ces Corses expatriés il y a bien longtemps, car nous les avons oubliés bien vite. Et pourtant ce sont eux qui ont fait connaître la Corse en France et dans le monde. Pour preuve ces deux petites histoires, et qui peut affirmer si elles sont vraies ou non ! Celle de ce Sénégalais, garçon de café, à Dakar, qui, alors qu'il attendait que deux Corses passent commande, s'approcha et dit en corse « Et vous, que prenez-vous ? ». Et cet autre Sénégalais, à Saigon, qui, accueilli à sa descente de bateau par des compatriotes qui lui demandaient s'il était le seul Sénégalais sur le bateau, répondit : « J'étais le seul Européen à bord, les autres étaient des Corses et des Bretons ».

Mais ne plaisantons pas trop car le sujet est des plus sérieux. Et, si vous le voulez, nous parlerons de ces Corses qui habitaient Marseille avant la guerre de trente neuf.

Les Corses à Marseille étaient, à l'époque, plus nombreux qu'à Aiacciu et Bastia réunies ! De vrais Corses qui portaient avec eux le parfum de la Corse. Ils se soutenaient comme des amis, des parents ou des frères. Lorsqu'il en débarquait un pour gagner son pain, totalement démuni, mon Dieu ! ils l'accueillaient à la maison, le logeaient et le nourrissaient et s'il n'y avait pas de lit, ils mettaient des matelas par terre. Combien sont arrivés ainsi à Marseille ! Et ensuite, l'aisance venue, combien ont feint d'oublier. Allons, il n'y a pas à rougir du passé et si nous sommes arrivés à ce que nous sommes aujourd'hui, il nous faut remercier nos anciens de Marseille. Ainsi que le disait un professeur de médecine : les bergers ont fait des docteurs.

Il n'y avait ni téléphone, ni voiture et pourtant, tous les dimanches ils se rendaient visite, parfois chez l'un, parfois chez l'autre. Ils passaient la demi-journée ensemble. Tout d'abord ils se donnaient des nouvelles du village, puis ils discutaient de politique surtout, souvent le ton montait, tandis que les femmes parlaient des enfants et d'affaires de femmes. Au moment de se quitter les femmes s'embrassaient et les hommes se donnaient l'accolade.

Extrait de Ghjuvan battistu Balducchi (1998) À pezzi è à bucconi, Scola corsa di Marseglia