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La trace de l'amour

Tu as accepté le faire que la mort ne t'attend pas
mais qu'elle est déjà passée dans cet 'hier', cet 'avant-hier',
cet 'hier soir'.
et ce matin tu as donc surgi, ressuscité, les yeux encore collés
et qu'ont-ils vu en premier: 'une femme gracieuse, moderne
en cuir marron, blouse de soie et collant de nylon gris'.
- Et si je vous invitais, Ana, chez moi il fait bien chaud? -
lui-demandes-tu d'une voix incertaine.
Mais..., au lieu de te répondre, elle te laisse ses bottes
au talon décollé au coin de la rue. Le vacillement des jambes fines,
elle est partie en sautillant.
(Dans la vitrine de la maison voisine
brillent des carrelages en céramique aux dessins bigarrés
avec des boules de verre,
des douches et des robinets nickelés,
des baignoires bleu clair,
le feu jaune clignote, le bruit de...
la toux matinale des pompiers, les odeurs,
les genévriers et les sapins hauts comme les maisons)
Bon Dieu, que vas-tu faire maintenant avec ses bottes?
A qui les porter? Chez le cordonnier, en bas? Chez ce miséreux?
Tu descend le chemin de sa porte souterraine,
tout respire la colle: et voilà, tu te remets à espérer
en quelque chose,
elle reviendra, Ana, chercher ses bottes, tôt ou tard.
Elle reviendra, Ana, tôt ou tard, chercher sa trace.
Les pointillés de l'amour.
A la place de la mort, ainsi l'attendras-tu, elle.