Les pas sans mémoire
Puesia
DUMAS Catherine
Je regarde par la fenêtre et ne vois pas la mer. Les mouettes
sont par là et l'herbe sèche sur le fil. Tôt le matin,
la mer n'est pas encore arrivée. Arrive le pain, arrivent le feu
et le journal. La salive avec laquelle je te dirai bonjour.
Les mots arrivent en premier. Ce qu'il en reste
adoucit le papier. Le pain chaud avec le sommeil d'hier
et les rêves d'aujourd'hui. La journée se prépare, les pas
du va-et-vient. Je me rapproche. Tu me regardes
comme si tu savais déjà ce que ce je saurai plus tard.
Dans cette ville il n'est jamais midi. Il y a toujours une douceur
d'une autre heure. Et des souvenirs en vrac. Laisse-les sortir
de dessous ma robe, laisse s'échapper les vagues de la mer.
La fenêtre est vide. Mon fils sur la plage
et toi qui épelles les mouettes. Il marche devant moi
sans laisser d'empreintes. Je me perds comme toutes les mères,
tous les amants. J'invente les pas et les mots
pour m'endormir. A cette heure ma grand-mère enroulait son chapelet
autour de ses mains. J'étais à l'intérieur des perles, à l'intérieur du
sommeil qui rôdait autour de sa prière. Longtemps je fus en dehors.
Maintenant nous marchons ensemble. Sans mémoire.