SI NE HÈ ANDATU Petru MARI

 

Stà à sente o Pè,

 

Non solu ùn surterai mai da a nostra mente è u nostru core, ma ti ringrazieremu sempre sempre per tuttu ciò ch’è tù ci ai datu in u cumunu di a nostra lingua è di a nostra cultura. Non solu corsa, ma quella umanista è cusì umana.

Quì sottu ristampemu dui passi di varii studii

Esciuti in Cuntesti (Regards sur le texte corse (langue littérature, société), CREC, Università di Corsica, 2000) è cun duie note in più

Stu ramentu di a to azzione prufessiunale vole insignà quant’ella pudia porghje aiutu à tutti assicurendu è allarghendu u spaziu di a parolla nustrale.

À vede ci, o amicu caru.

 

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L’évolution, en langue reconnue par les linguistes, d’une variété linguistique quelle qu’elle soit, se définit par l’ausbau (l’élaboration) pour le savant de Heinz KLOSS  (1904-1987) et la théorie qu’il a nommée ausbaukomparatistik ou standardologie comparée.

 

La nouvelle radiophonique et l’émergence d’une prose nouvelle

 

Parmi les secteurs déterminants pour l’ausbau d’une langue la standardologie comparée a indiqué la presse et avec la révolution médiatique, la radio et la télévision. En Corse, la première organisation de médias régionaux de service public de 1982 à 1984 a stimulé de manière puissante les genres de la prose corse. Après des débuts très dynamiques l’influence de la télévision régionale a rapidement chuté car dans cette période d’affrontement entre le pouvoir central et la revendication corse, le contrôle de la puissance télévisuelle est apparue comme un enjeu primordial. Les choses se sont aujourd’hui normalisées bien que l’on ait le sentiment que tout ne soit pas fait de ce qui serait possible si la télévision régionale de service public exploitait les moyens que lui accorde la réglementation en vigueur. La fraction corsophone des programmes fait apparaître des productions régulières de qualité et prisées du public, avec des émissions de la série Da quì et Ghjente, mais également une utilisation pédagogique et comique des ressources du corse, même si ces séquences donnent l’impression de ne pas s’insérer dans un programme et une intention toujours bien dessinés. Quant à l’information télévisée, la station a fait le choix d’une rédaction aux moyens étriqués pour un « 6 minutes » énervé, tributaire de choix linguistiques pour le moins déroutants : une tentative à laquelle il faut souhaiter un avenir plus éclatant.

Quant à « Radio Corsica Frequenza Mora » (RCFM), station régionale de Radio-France, elle a très rapidement conquis la plus grande part de l’écoute insulaire. La corsophonie qui s’y développe se fonde sur des choix réalistes : le corse qu’on y parle est généralement proche des usages linguistiques réels. De ce fait RCFM est un véritable observatoire d’une parole corse qui reste encore à analyser complètement à partir de cette base. Là encore on constate un certain fléchissement de l’intérêt pour la rédaction corsophone, après des années de production d’un langage journalistique vivant et de créativité intéressante, gâtée par des compétences linguistiques qui ne font pas l’objet d’un programme de perfectionnement.

Cette impréparation des médias à assumer complètement une corsophonie efficace est la marque d’une société dont la politique linguistique globale n’est pas à la hauteur de ce qui est désiré et annoncé par la collectivité.

Quoi qu’il en soit de cette question générale, la prose d’expression corse a immédiatement trouvé dans RCFM un tremplin important pour son expansion et ses progrès. Le phénomène est lié tant à la popularité de l’homo vox qu’à la forte personnalité d’un des pionniers des émissions radiophoniques en langue corse. Petru Mari, aujourd’hui journaliste à la station, est aussi le principal instigateur d’une émission hebdomadaire créée dans le cadre et l’esprit d’INTERREG, Mediterradio qui réunit, pour l’édification d’un territoire radiophonique transfrontalier et méditerranéen, les stations de RCFM, Radio Flash en Toscane et Radio Press en Sardaigne. Mari, originaire d’une région de l’intérieur où il a longtemps été animateur d’un foyer rural, a réalisé dès ses débuts à la radio de nombreux interviews et carrefours dont l’expression était majoritairement en langue corse. Mari a étoffé cette expression en sollicitant sa propre créativité, écrivant puis interprétant au jour le jour fole, stalvatoghji, chroniques et billets satiriques ou cocasses. Il intégra également la traduction systématique de textes de cette nature pour pour enrichir son stock et faire face au rythme quotidien des émissions. Les textes qu’il produit alors sont tous d’une facture qui rappelle ou utilise explicitement les schèmes de l’oralité traditionnelle, mais aussi les ressources d’un langage radiophonique moderne, marqué par un rythme et une alacrité actuellement de mise sur toutes les grilles des programmes radio. Les papiers de Mari sont dans cette période bien faits pour s’attirer une grande popularité dont profite l’image de la langue et susciter un intérêt nouveau pour des formes littéraires à inventer sur le territoire radiophonique qui met en circulation l’image d’une communauté linguistique et culturelle unie dans sa diversité interne et dotée d’une vitalité nouvelle. parole médiatique. Deux recueils de proses seront le fruit de cette expérience: Scritti d’altrò (1986) adaptés de J.Steinbeck, I.Calvino et W.Allen et, retravaillés et enrichis longtemps après leur diffusion à l’antenne, les observations critiques sur la Corse d’un Diodoru di Sicilia (1995) malicieux, cynique ou déconcertant.

Dans le domaine de la nouvelle littéraire, l’influence de Mari sur l’essor de ce genre a été déterminante. Son action individuelle est à l’origine d’un mouvement inauguré il y a plus de dix ans et qui s’est généralisé aujourd’hui. Il est en effet l’artisan et le maître d’oeuvre du concours de nouvelles radiophoniques organisé en 1988 par RCFM et les principaux médias de Corse. La première et deuxième éditions, thématiques ont eu un grand succès auprès du public. Les les journaux en ont suivi les différentes phases et publié des échos, puis des extraits significatifs. L’édition des textes primés a ensuite amplifié le mouvement : Misteri da impennà (1989) et Rise da impennà (1990) ont prolongé la première impression, mais l’adaptation radiophonique n’a pas couronné l’opération du succès escompté. Les organisateurs n’ont pas soutenu de leur enthousiasme la troisième édition intitulée « Tuttu da impennà » et dès que Mari, devenu journaliste n’a plus été en charge de cette action RCFM n’a plus soutenu l’entreprise avec les efforts et la confiance indispensables lorsqu’il s’agit du soutien à la langue minorée.

Privé d’une politique d’équipement linguistique adaptée et d’incitations résolues à la création et à la diffusion, l’effort pour le développement de la prose devait rester longtemps encore marqué par la discontinuité, la précarité et pour tout dire l’inefficacité. Ce sont des caractères qui affectent encore cette question et relativisent la portée des quelques résultats enregistrés depuis. Toujours est-il que même dans ce contexte peu favorable, la prose littéraire a pu engager une dynamique où les difficultés réelles n’ont pas empêché la création ni tari la source, la question de la diffusion restant encore pendante aujourd’hui, à peu près dans les mêmes termes que tout au long des vingt-cinq dernières années.

« La Méditerranée à bord de la littérature »

Ce titre est emprunté à une conférence donnée à Corte en 1998 par Costanza Ferrini, par ailleurs auteure d’un recueil de « dialoghi con i scrittori d’oggi »14. Il est significatif du chemin parcouru depuis que le Centre Culturel Universitaire (CCU) et la BU de l’Université de Corse ont repris l’initiative du concours de nouvelles en langue corse abandonné par RCFM. L’itinéraire qui conduit ainsi à unir de plus en plus étroitement la promotion de la langue corse et les échanges méditerranéens est associé depuis plusieurs années à l’idée même de littérature insulaire. Cette option est celle du groupe qui travaille à partir de l’Université de Corse et de la revue littéraire Bonanova. Les années du programme INTERREG II ont vu se préciser et se renforcer ces choix

Les premières réalisations ont commencé avec la collection L’Ammaniti lancée par le CCU et dont le premier numéro est encore une anthologie poétique consacrée à l’écriture féminine Parulle di donne (1993). L’initiative, de visée patrimoniale, entend mettre à la disposition de tous des textes épuisés, rares ou d’accès difficile. Elle a produit plusieurs titres et est aujourd’hui gérée par un groupe partenarial animé par le Centre Régional de Documentation Pédagogique de la Corse (CRDP). Filidatu è Filimonda de S.Dalzeto, Ricordi de Ignaziu Colombani, Pruverbii di Corsica de Jean et Robert Colonna d’Istria, Canzone di ciò chi passa de G.G.Franchi, Cavallaria paisana de Natale Rocchiccioli, A Civittola de Petru Vattelapesca sont les rééditions de livres ou la mise à disposition d’un public qui est le principal destinataire de l’entreprise. A signaler aussi Prosa sculare qui est le premier recueil de textes élaborés à l’école et qui ont fait l’objet du concours organisé en 1998 par le CCU dans les écoles de l’île.

Le récit et la nouvelle côtoient d’autres genres dans cette collection mais la prose fait l’objet d’un effort spécifique qui se poursuit depuis 1995. Cette année-là voit la publication des textes laissés inédits par le dernier concours de nouvelles littéraires interrompu par RCFM. Ci sò, (1995) rassemble douze nouvelles dues à des plumes connues comme Michele Poli, Santu Casta, Patrizia Gattaceca, Pasquale Ottavi, Petru Mari, Ghjughjacumu Albertini, Lisandru Marcellesi, Leone Alessandri et Antone Filippi . Petru Franconi y figure pour une légende et Anghjulu Canarelli pour une méditation lyrique sur la vie comme elle va. La composition la plus novatrice du recueil est celle de Lucia Giammari qui imagine les paroles adressées par une fille à son père mort, au moment où s’accomplit le rituel social des visites de deuil. La fiction sert de prétexte à une foule de remarques tantôt cocasses, tantôt sarcastiques et mordantes sur les travers et l’hypocrisie d’une communauté qui feint l’affliction mais vit de ressentiment, d’envies, de jalousies mesquines, de pensées et de pulsions inavouables portées au grand jour par l’écriture littéraire.

Le concours est par la suite régulièrement organisé par le CCU et donne lieu à la publication des textes primés. Ainsi se déroule en Corse même l’édition 1995 qui se conclut par la publication de Avviate (1996). Dix-sept textes sont publiés cette année-là parmi lesquels ont retrouve des signatures déjà bien connues mais également de nouveaux venus à l’écriture en prose : Stella Medori, docteur en linguistique et professeur LCC détachée à l’Université, Paulu Santu Parigi, professeur certifié LCC, poète improvisateur de « chjama è rispondi », auteur d’un recueil intitulé Paghjella. Sonia Moretti est la plus jeune de ce groupe : aujourd’hui professeur certifié LCC de collège elle est, comme Stella Medori, étudiante en études corses cette année-là. Hormis ces écritures toutes récentes, Avviate réunit aussi d’autres auteurs connus que l’éclipse de Rigiru depuis 1990 a privés d’un organe d’expression.

Ce concours de nouvelles radiophoniques est devenu Biennale de proses littéraires à partir de 1997. Il a donné lieu à deux éditions.

La première (1996-1997) a permis un dialogue Corse-Sardaigne et l’édition des dix textes primés en version quadrilingue : corse, français, italien, sarde. Ce recueil intitulé Vicini (1997) vaut assurément autant par son intention que par son contenu intrinsèque . Faire dialoguer des expressions longtemps éloignées malgré leur proximité géographique et culturelle, proposer une confrontation de langues en allégeant le poids des conflits historiques qu’elles portent pour les communautés concernées sont des bénéfices importants pour l’opération qui a été ainsi menée à bien. Ce que nous enseigne l’harmonisation des travaux des jurys et des opérations d’inter-traduction de ces textes promet un intérêt grandissant à ce type d’initiatives qui entraînent la constitution de collectifs de traducteurs dans la pratique desquels langues et cultures voisines apprennent à se répondre. Naturellement d’un strict point de vue qualitatif, ces opérations ne peuvent immédiatement procurer à l’initiative les résultats qu’elle en attend, c’est-à-dire la constitution d’un imaginaire et d’un paysage littéraire commun.

A en juger par les contenus thématiques et les représentations des identités culturelles respectives que ces textes offrent à la lecture, deux remarques s’imposent. La première conclut à la juxtaposition de deux entreprises parallèles, les deux situations littéraires s’alimentant séparément de leurs traditions et des fonctionnements inhérents à chacune des expressions concernées. Les référents culturels sollicités dans ces compositions renvoient à des littératures que l’on peut qualifier de patrimoniales et qui célèbrent ce que chacune a ou croit avoir de singulier. La seconde indique la bande où se recoupent réellement les inspirations : le lecteur entend alors se répercuter l’écho de la condition de ces littératures qui sont diglossiques avant d’être méditerranéennes. Ce dernier caractère assigne à la recherche et à l’action littéraires le devoir de doter ces écritures de nouveaux territoires, comme les politiques menées en faveur de la promotion des langues doivent viser à munir les idiomes hier dominés de nouvelles fonctions. Or certains des textes figurant dans le recueil manifestent effectivement l’ouverture et les renouvellements thématiques souhaités, avec des stratégies et des préoccupations stylistiques en rupture avec les réflexes bien connus des analystes de la diglossie. Les promoteurs de l’initiative Biennale ont donc eu à cœur de promouvoir et d’élargir la voie empruntée par ces écritures novatrices.

La deuxième Biennale de proses littéraires (1998-1999) s’est inscrite dans la logique de l’élargissement des perspectives et des territoires littéraires. Elle a rencontré le projet de fédération des Iles de la Méditerranée Occidentale (IMEDOC) en impliquant l’Association des Jeunes Ecrivains de langue catalane des Iles Baléares pour l’organisation du concours mené désormais dans les trois situations insulaires (Baléares, Corse, Sardaigne). L’entreprise a abouti en 1999 à la publication des seize textes primés Scunfini, présentés uniquement dans la lversion linguistique originale.

L’initiative venant de Corse, c’est indubitablement l’écriture d’ici qui tire le meilleur profit de l’expérience de coopération, les deux autres situations insulaires manifestant une stabilité qualitative, d’après nos correspondants des Baléares et de Sardaigne. L’impression d’ensemble est que la collaboration inaugurée avec ces expériences n’a pas encore produit de contacts assez réguliers et intenses pour que l’on puisse parler d’une prose littéraire des îles de Méditerranée. Pourtant cette perspective existe désormais et elle fait son chemin dans les imaginaires. Rapportée à chacune des situations jusqu’ici exclusivement marquées par les effets du conflit des langues et les fonctionnements propres aux littératures minorées, cet horizon d’attente est propice à l’ouverture de nouvelles voies littéraires.

La thématique de l’isolement insulaire n’est plus traitée, comme souvent par le passé, sur le mode de la complaisance résignée. Par l’ironie et/ou l’écriture au scalpel, une critique de bon aloi commence à s’exercer contre les rhétoriques des idéologies dévoreuses d’identités. L’inspiration des écrivains des îles trouve un champ plus large et se voit ainsi, au moins virtuellement, débarrassée des complexes et des réflexes liés à la minoration.

Le public averti semble valider cette affirmation d’ouverture insulaire et méditerranéenne. A chaque édition de la Biennale, le jury corse enregistre les textes d’une quarantaine de concurrents dont un tiers environ participent moins pour remporter l’un des prix que pour manifester leur soutien à l’initiative. Dans les deux autres situations insulaires la curiosité grandit et des textes, manuscrits ou édités parviennent régulièrement au CCU qui a ouvert un serveur de textes littéraires InterRomania alimenté et animé par un réseau international de correspondants. Le recours aux nouveaux langages rompt incontestablement avec certaines des pesanteurs de la diglossie et devient une composante importante de l’espace qui s’ouvre à nos littératures de Méditerranée. Le poids des dogmes et des conventions littéraires se fait moins lourd et les canons génériques n’exercent plus le même empire que par le passé. L’extrême exiguïté du lectorat en langue minorée n’est plus alléguée comme la raison principale des silences de l’écrivain. La disponibilité d’un genre ductile aux contenus variés, la nouvelle, semble dynamiser la prose corse d’aujourd’hui.

 

Les écrivains corses d’aujourd’hui semblent en général conférer à ce genre une fonction toute particulière dans l’effort actuel de la prose corse. A défaut de programmes explicitement développés sur ce sujet, cette tendance se perçoit dans le projet des éditions Albiana qui ont rassemblé poètes et prosateurs d’aujourd’hui en deux petits volumes : huit poètes pour D’Oghje sì... d’odiu nò (1997) et dix-huit nouvellistes dans A Prosa faci prò (1997).

Parmi ces auteurs, Dumenica Verdoni, rédactrice en chef de Bonanova. Elle coordonne les travaux de la revue et signe des éditoriaux denses et pertinents, dont la réflexion critique assigne des voies très nouvelles pour des littératures que l’on croyait minoritaires et qui n’étaient en fait que minorées. Elle veille également sur la galerie que la revue ouvre aux œuvres d’un plasticien dont elle reproduit une sélection à chacun de ses numéros. L’équipe du CCU qui organise la vie esthétique et littéraire de Bonanova, a dessiné deux perspectives qui confirment le double enracinement de l’expression littéraire de Corse. La première entend développer la création et la critique en langue corse en sollicitant les auteurs qui paraissent les plus porteurs d’innovation en matière d’écriture littéraire et de réflexion sur la littérature. La part documentaire, très délicate à assurer du fait de l’absence de ressources spécifiques, est le complément indispensable de cette première direction de travail. La seconde orientation vise la coopération et l’échange entre les littératures de la Méditerranée : la rubrique Scunfini offre ainsi la possibilité de renforcer et d’enrichir le courant entretenu par la Biennale de proses littéraires et la vie du site InterRomania.

La revue signale aussi l’essor continu de la littérature corse identifié avec l’apparition de nouveaux auteurs sur le « marché » de l’écriture et de la lecture. Parmi les noms que l’on pourrait citer ici, j’avancerai deux expériences significatives et porteuses d’avenir. Elles sont apparues durant la période de validité d’INTERREG et, naturellement, en contact étroit avec les orientations et l’esprit du programme tel que défini ci dessus sur son volet littéraire.

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Mediterradio

L’émission hebdomadaire « Mediterradio » ouvre sur un autre aspect de la politique suivie par R.C.F.M. durant la dernière décennie. Cette perspective est fondamentale pour l’élaboration médiatique comme pour la question identitaire en général et la perception du territoire culturel où s’inscrit le corse. Depuis 1998 en effet existe une émission transfrontalière hebdomadaire dont le foyer est R.C.F.M. et le soutien permanent le journaliste Petru MARI, pionnier et champion du corse dans la station. Mediterradio a d’abord concerné Corse et Sardaigne et s’est étendue à la Toscane depuis 2000. Les correspondants co-fondateurs de cette émission avec Petru MARI sont Angelo PORRU (Nuoro) et Gabriele BENUCCI (Livorno), animateurs et journalistes indépendants qui de leur côté, rattachent tant bien que mal des initiatives associatives ou privées à la station de service public R.C.F.M. Sur les dix années écoulées l’émission s’impose à l’examen comme un carrefour d’expériences, d’informations et d’échanges culturels de tous ordres. La perspective qui nous intéresse ici trouve dans les programmes de « Mediterradio » une source d’observations et de remarques qui indiquent la fécondité de cette voie. Je renvoie donc à la consultation régulière de ses programmes et me limite à une observation : je considère en effet que la langue corse trouve dans ce cadre une confrontation linguistique et culturelle du plus grand intérêt. Parmi les innombrables remarques qu’inspire l’écoute de ces programmes je ne souligne ici que quelques-uns des traits concernant les comportements langagiers des interlocuteurs, professionnels des radios en présence ou intervenants occasionnels :

La plupart du temps, les Corses ne parlent que corse et les Sardes et Livournais ne parlent qu’italien, les occurrences de la langue sarde se limitant à très peu de choses, sauf pour la Gallura dont la variété linguistique, proche de celle de l’extrême-sud de la Corse, favorise un certain rapprochement. Deux remarques à ce sujet :

1) Quelles que soient les difficultés dans la maîtrise linguistique individuelle des interlocuteurs corses, la langue elle-même se révèle parfaitement adaptée à l’échange, une confirmation qui va de soi, mais qu’il convient de répéter face aux rémanences du discours diglossique sur les prétendues limites des vernaculaires.

2) Quelle que soit les parentés linguistiques initiales sur l’aire italo-romane, le système corse a évolué de manière autonome. Cette distanciation a, bien entendu, son influence sur les référentiels respectifs des Corses et des citoyens italiens. L’auditeur-observateur remarque que ne sont pas rares les mots corses et italiens qui sont quasiment identiques phonétiquement et recoupent des réalités bien différentes. L’exemple qui me vient aussitôt à l’esprit est le couple « lingua-dialettu » qui en italien (« lingua-dialetto ») ne renvoie pas nécessairement à la notion de conflit telle que je l’ai évoquée plus haut

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