L’Action Culturelle à l’Université de Corse. Années 2010

I. L’Action Culturelle à l’Université de Corse. Années 2010

Comment les missions de l’ l’Action culturelle sont-elles abordées à l’Université de Corse ?

 

Elles sont en charge d’un service commun, le Centre Culturel Universitaire (CCU), intégré à la Division de la Vie Etudiante (DVE) au même titre que 6 autres services intéressant scolarité, relations internationales, activités diverses, vie sociale... de la population étudiante.

Le CCU organise un programme d’activités variées à l’intention des étudiants et de la communauté universitaire. Il travaille aussi en direction d’un public diversifié. Son activité se développe en effet largement grâce  un réseau de correspondants en Corse et à l’extérieur. Dans cet ensemble figurent des établissements universitaires, des institutions et des associations, des professionnels de la culture et de simples particuliers, en demande de culture.

Pour les étudiants ce programme prend d’abord la forme d’une trentaine d’ ateliers hebdomadaires ouverts après les cours. On y pratique  des activités variées : ciné-club, percussions, guitare, piano, internet, PAO, chants et polyphonies corses, chants de variétés, vidéo, jeux de société, langues anciennes, fabrication de masques, Commedia dell’Arte, mise en scène, techniques d’interprétation dramatique, théâtre corse, calligraphie, paléographie, rencontres poétiques, création radio, écriture littéraire, écriture dramatique, histoire et cinéma,  etc...

 

Comment s’établit le rapport entre les missions habituelles de l’Université et cette Action culturelle ?

 

De plusieurs manières et essentiellement :

  • La participation des étudiants aux activités du CCU donne lieu à l’attribution d’une note (de présence) comptabilisable, par semestre, dans l’ensemble des crédits individuels étudiants. Le choix entre activités culturelles ou sportives est obligatoire pour l’étudiant.
  • Des actions de promotion du projet étudiant sont organisées par le CCU, via l’action de 6 moniteurs-étudiants recrutés tous les 9 mois. A l’écoute des besoins et demandes, ils font « remonter » ces projets qui sont ensuite mis en oeuvre par le service avec les étudiants concernés.
  • Des actions (littéraires, dramatiques, inter-générationnelles, partenariats avec associations de la Cité, mise à disposition des équipements culturels) sont organisées, souvent par le biais de conventions structurelles ou ponctuelles. Elles donnent alors lieu à un travail de concertation à l’interne (CCU et différentes composantes, CEVU et Division Juridique) et avec les différents services décentralisés (essentiellement DRAC et Collectivité Territoriale de Corse à laquelle est transférée la compétence culturelle).

 

Il faut aussi noter que les relations entre le CCU et les centres culturels de Corse sont favorisées par la densité d’un ensemble insulaire à la fois continu et diversifié dans sa réalité géographique et culturelle. Cette configuration particulière fait converger sur chacun des points du territoire l’attention et les attentes des autres espaces socioculturels : collectivités locales, bassins de vie, pieve (unités ancestrales persistant aujourd’hui comme bassins de vie déterminés par la géographie et les modalités internes des relations économiques et humaines). Ces caractères particuliers de l’organisation spatiale et culturelle aident grandement à la mise en réseau des programmes. Autre caractère prégnant : l’environnement méditerranéen et la proximité de régions appartenant à d’autres ensembles linguistiques, culturels et stato-nationaux (Sardaigne, Toscane, Baléares, Afrique du Nord).

Aussi la demande de partenariat s’intensifie-t-elle très régulièrement. Elle émane d’organismes, d’associations et d’initiatives sises sur Corti ou Centre Corse, la Corse ou l’Extérieur.

 

Le CCU dispose donc de programmes tournés vers l’extérieur ?

 

Oui, mais on n’entend pas les développer pour eux-mêmes ou parce qu’ils représenteraient des sources de financement exceptionnels (type : programmes culturels européens). Aussi s’efforce-t-on de garder ce type d’actions en liaison avec les besoins de la communauté universitaire. Le CCU offre ainsi un ensemble d’activités complémentaires des ateliers précités, essentiellement dans les domaines de la littérature et du théâtre, avec un accent particulier sur l’espace méditerranéen.

1.THEATRE Une action continue avec 2 structures :

- ODISSEA : réseau de coopérations et des réalisations dramatiques pour un théâtre en plusieurs langues, réalisé par des équipes de Méditerranée. Le CCU a ainsi co-produit 8 spectacles multilingues. Ces actions prennent place dans les programmes européens interrégionaux INTERREG et notamment les actions « EX VOTO » (2004-2005) et « MORES » (2006-2007) unissant des institutions de Toscane, Sardaigne et Corse. Cette coopération est devenu aujourd’hui tout à fait courante et favorise un échange régulier avec les pays limitrophes, par le biais d’échanges, cours communs, visites, actions culturelles en partenariats, rencontres sportives, etc...

- Institut International du Théâtre de la Méditerranée (IITM) : Le CCU participe aux travaux de cette fondation-réseau de lieux culturels représentée dans 25 pays (siège à Madrid). Il en abrite la délégation corse et coorganise depuis 1999 diverses manifestations (Festival de Théâtre Universitaire et Scolaire, Odyssée de la Paix, Forum Ibn-Arabi, etc...)

2.LIVRE ET LECTURE

- PUBLICATIONS :

En convention avec les éditions ALBIANA (Ajaccio) CONDAGHES (Cagliari) et FONOLL (Lerida), des collections accueillant des textes plurilingues en domaine roman qui dessinent un territoire culturel commun.

- RENCONTRES LITTERAIRES :

En partenariat avec diverses institutions, un cycle de rencontres où est donnée l’occasion de rencontrer des écrivains européens de renom.

- BIENNALE DE PROSES DES ILES :

Promotion de la création littéraire en catalan, corse, sarde et sicilien : concours lancé dans les quatre situations insulaires, prolongé par l’inter-traduction et la publication des textes primés.

 www.interromania.com

 

La politique de l’Action Culturelle Universitaire se laisse lire à travers quelques indicateurs

Les 30 ateliers culturels hebdomadaires offrent annuellement 1152 heures d’activités optionnelles diversifiées et insérées dans le contrôle des connaissances

L’Université Inter-Ages propose sur des rythmes réguliers deux types de rencontres : Conférences thématiques et moments de rencontres et de débats (Stonde) : 35 rencontres en 2010.

Les activités littéraires sont accompagnées et prolongées par une production éditoriale régulière, en partenariat avec le premier éditeur régional, ALBIANA (Ajaccio) qui en assure le débouché éditorial : revue semestrielle Bonanova et collections : Poésie, Prose, Théâtre, Littérature Jeunesse, Littérature enfants) (10 publications par an)

Les activités théâtrales comprennent deux volets :

Diffusion (12 spectacles professionnels inscrits au programme CORTINSCENA dont au moins 4 en langue corse)

Création (2 spectacles en langue corse inscrits au programme CORTINSCENA)

Les activités Chants et Musique sont nombreuses. Elles trouvent leur aboutissement le plus élaboré dans les soirées du programme CORSIC’ARTISTI qui comprend deux volets :

Promotion (8 présentations d’expressions vocales et musicales thématiques)

Production (12 concerts d’expressions individualisées)

Pour les années 2010, 2011, 2012) ces axes seront maintenus et pourraient être renforcés (quantitativement) en fonction des ressources matérielles et humaines.

L’animation du Spaziu Natale Luciani (Salle de spectacle et locaux disponibles depuis septembre 2008) est pour beaucoup dans le rayonnement du CCU.

II. Les liens entre Bonifacio et l’Université de Corse. Un exemple de synergie culturelle et scientifique

L’exemple de Bonifacio peut-il être pertinent dans la qualité du maillage culturel engendré par la présence de l’université de Corse dans l’île ? Car il y a incontestablement un effet sur la politique culturelle de la ville de Bonifacio.

Mais avant d’exposer les actions qui mettent ce fait en évidence, il nous en faut préciser les conditions exactes. Elles peuvent relever de l’exception par les opportunités d’une situation aléatoire  mais nous préférons présenter les choses comme le fruit de circonstances voulues et provoquées par la situation particulière de la Corse où l’élu et/ou l’universitaire jouissent d’une grande proximité due à la  faible démographie de l’île et à sa géographie qui en font une sorte de cité très étendue de quelque 300 000 habitants.

Il se trouve en effet qu’à Bonifacio, le délégué à la culture (Alain Di Meglio, 3ème adjoint) est aussi enseignant-chercheur à l’Université de Corse et animateur au Centre Culturel Universitaire (désormais CCU). Il serait bien entendu abusif de penser que le fait de briguer un mandat électoral de ce type entre dans une stratégie du rayonnement universitaire. Toutefois, côté commune, on peut affirmer que le rôle dévolu à cet élu est lié à ce caractère d’universitaire et d’animateur culturel au sein de l’université. Le maire sait qu’il pourra compter sur un réseau qui l’intéresse à travers cette personnalité de son conseil municipal et il intègrera cette opportunité dans son projet de mandat.

Notre propos n’est pas ici d’ériger en modèle et encore moins en système ce rapport université/commune. En même temps, il est intéressant de voir comment, à une distance de 150 km, l’université de Corse exerce une influence non négligeable dans le développement culturel et intellectuel d’une région. L’exemple est d’autant plus probant qu’il s’agit ici, au-delà de la distance significative, d’un rapport de complémentarité eu égard aux vocations très différentes des deux cités.

Bonifacio est une petite ville littorale de l’extrême sud de la Corse tandis que Corte, avec son université, est la plus importante agglomération de l’intérieur, située en son centre géographique. Plus touristique et balnéaire, Bonifacio demeure en Corse la ville ayant la plus proche proximité de frontière puisqu’elle n’est distante de la Sardaigne (donc de l’Italie) que de 12 km. Elle est donc l’interface naturelle entre les deux îles, Corse et Sardaigne, désireuses de développer leurs échanges. Par ailleurs, Les Bouches de Bonifacio (détroit séparant les deux îles) par un biotope marin exceptionnel, constituent une AMP (Aire Marine Protégée) au caractère unique en Europe par la qualité du patrimoine naturel et culturel. Ce territoire s’est d’ailleurs fédéré tout récemment (juin 2010) en un PMI Parc Marin International sous l’égide des ministres d’État respectifs.

Il est clair que dans ces conditions Bonifacio développe un potentiel d’intérêt pour l’université à plusieurs titres : la qualité de l’environnement et de l’économie, le pont vers les deux universités sardes et leurs réseaux et le patrimoine local (Bonifacio étant la plus vieille ville de Corse).

C’est dans cette optique qu’un certain nombre d’actions ont pu se développer.

  1. La programmation culturelle

Le CCU de Corte est doté d’un attaché, chargé de la programmation culturelle. Les contacts peuvent être pris directement avec les troupes de théâtre, les groupes ou les artistes. Les avantages sont liés à la distance entre les villes : la mutualisation est possible sans chevauchement. Il est certain que les municipalités sont largement informées ou démarchées par les artistes, notamment par le fait que beaucoup sont soutenus par les subventions de la CTC (Collectivité Territoriale de Corse). Toutefois la possibilité de fréquenter les spectacles, d’être conseillé par un expert extérieur et la possibilité de profiter d’une troupe ou d’un artiste venu du continent n’est pas négligeable dans l’élaboration d’une programmation municipale d’une petite ville.

C’est ainsi que Bonifacio peut profiter des conseils, du réseau et de la programmation du CCU et de l’Association de soutien au CCU (soutenue par la CTC). Pour la saison 2009/10 on peut noter, entre autre, le passage de nouvelles de Pirandello par la troupe Nénéka ou encore Baruffe bastiacce, pièce en langue corse, de la troupe du Teatrinu. Toutes deux s’étant produites durant la même saison à la salle Natale Luciani de l’Université.

  1. Divers types de conventions

Outre les soutiens de la CTC, divers types de conventions peuvent être passés entre la municipalité et l’université concernant les activités culturelles ou scientifiques. Certaines manifestions bonifaciennes qui tournaient auparavant le dos à l’université de Corse se sont ouvertes aujourd’hui afin de se donner un sens mieux ancré en Corse, mais aussi dans le but de renforcer leur efficacité. « Rencontres à Bonifacio », labellisée par l’Union pour la Méditerranée (UPM), est, par exemple, une manifestation qui accueille sur un thème problématique lié à la méditerranée un riche plateau d’intellectuels et d’artistes. Il manquait à cette action culturelle de qualité des actes écrits. C’est aujourd’hui l’université de Corse par le laboratoire UMRCNRS 6240-LISA qui est chargé des actes. L’université est aussi impliquée dans l’élaboration de la programmation et dans la participation aux débat et conférences par la présence d’enseignants-chercheurs. On notera par ailleurs que dans ce type d’échanges, l’université profite elle-aussi de contacts fructueux pouvant avoir une répercussion sur les jurys, séminaires ou travaux directement liés à l’activité universitaire.

  1. Activités littéraires

La programmation des activités de la bibliothèque municipale s’appuie aussi sur le corps enseignant de l’Université de Corse, du CCU et de son réseau pour diverses présentations d’ouvrages ou pour des conférences (les opportunités de venues d’universitaires extérieurs constitue un double avantage : pour l’université le déplacement d’un collègue sur un site prisé et pour Bonifacio un accueil défrayé du transport).

Le CCU intervient souvent dans les activités littéraires notamment pour le Printemps des poètes, toujours sur même principe de la mutualisation des moyens.

Le fait de la proximité linguistique du nord de la Sardaigne et de la Corse est régulièrement exploité de façon féconde pour des manifestations de qualité (concours de poésie corso-sarde, biennale de nouvelles littéraires, projets de co-publications, théâtre…)

  1. Activités scientifiques et développement

La ville de Bonifacio affiche un fort potentiel culturel et scientifique trop peu exploités à ce jour pour son développement. Les activités liées à l’histoire affichent depuis quelques années un renouveau. La « Journée d’histoire maritime » existe depuis une décennie sous l’égide du professeur Vergé-Franceschi de l’Université de Tour qui invite tous les ans à Bonifacio un plateau scientifique de qualité pour  évoquer un thème qui met en contexte large l’histoire maritime de Bonifacio et de la Corse en méditerranée. L’université de Corse y est régulièrement impliquée et aspire à renforcer son rôle, notamment en termes de publication des travaux. La municipalité a par ailleurs plusieurs projets en perspective : une histoire de la ville actualisée sous la coordination d’un universitaire de Corte et une journée liée au Bouches de Bonifacio afin de développer encore les échanges inter-îles. Il faut préciser à ce titre que le comité scientifique de la RNBB (Réserve Naturelle des Bouches de Bonifacio) comprend une forte représentation d’universitaire de Corte (notamment pour la partie culturelle et patrimoniale).

 

L’ensemble de ces actions marque l’importance de la présence universitaire sur le territoire insulaire. Pour le cas de Bonifacio, il s’agit d’un effet catalyseur des potentialités de la cité restées en sommeil sur une longue période du XXe siècle. L’éveil de la ville à ses réelles ressources patrimoniales et culturelles se fait sans conteste par un effet direct de l’existence et de l’action de l’Université.

Les effets économiques devraient êtres conséquents à moyen terme. La cité a renforcé ses outils culturels (deux salles équipées et une bibliothèque-médiathèque aux normes), sa programmation, son aide à la publication,…Sur la base de cette collaboration féconde, les perspectives se situent dans la poursuite d’un contact pérenne, d’une mutualisation des opérations en synergie avec la CTC et le développement d’une ingénierie culturelle pour aider Bonifacio à trouver sa place dans la politique patrimoniale de l’île.