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Francese

TEATRU E SUCETA: QU'EST CE QUE LE PIRANDELLISME ?


Pirandello fait partie de ces rares auteurs dont le nom a donné naissance - et ce de son vivant - à un terme qui désigne une philosophie particulière du théâtre.
Le pirandellisme a été pour la première fois défini en 1922 par le critique et théoricien italien Adriano Tilgher. Le pirandellisme n'est pas une philosophie théâtrale stricte mais un ensemble de propositions qui créent une impression particulière : la communication n'est qu'un leurre ; le « moi » de chaque individu est multiple, éclaté, contradictoire ; il y a une contradiction profonde entre la mouvance de la vie et la fixité des formes artistiques. Mais le pirandellisme est surtout une façon de créer des situations théâtrales dont les tenants et les aboutissants échappent au spectateur (ou au lecteur) et le propulsent dans une sorte de no man's land entre le certain et l'incertain, entre la fiction et le réel.
Ainsi, dans Chacun sa vérité, non seulement il est impossible de savoir si c'est madame Frola ou Ponza qui dit la vérité, mais Pirandello pousse l'idée jusqu'à nous dire que cette vérité ou bien n'existe pas, ou bien est insaisissable. C'est comme dans Six Personnages en quête d'auteur, où il est impossible de saisir si le dénouement est de l'ordre de la « réalité » ou de la « fiction », sans parler du fait que l'éclatement du « moi » du père nous est lancé au visage, tout comme le problématique inachèvement du niveau « fictif » de la pièce. Une situation pirandellienne, c'est une situation qui nous coince entre les lois fortes de la fiction et les lois faibles du réel.
Pirandello a aussi montré dans son oeuvre qu'il est impossible de représenter la réalité. Avant Pirandello, la pensée artistique au tournant du vingtième siècle voulait que toute réalité soit représentable, et que pour ce faire, il n'y avait qu'à trouver l'angle adéquat. Or, Pirandello montre que tout choix de forme, en art, demande que l'on élimine toutes les caractéristiques - sauf quelques-unes - de ce que l'on veut représenter. Toute représentation, pour Pirandello, est fondamentalement vouée à l'échec. Ainsi, toute représentation théâtrale est un simulacre plus ou moins maladroit...
Pirandello a aussi travaillé à un concept artistique qu'il appelait l'humorisme, auquel il a consacré un essai en 1908. Il ne faut pas confondre l'humorisme avec le comique. L'humorisme prend son origine dans ce que Pirandello appelle le sentiment du contraire, car pour l'auteur, chaque image peut cacher son contraire. Ainsi, dans Chacun sa vérité, l'arrogance de Ponza cache autre chose : peut-être la folie, sans doute un drame incompréhensible, visiblement une relation de tendresse inquiète avec madame Frola. L'humorisme est un changement de perspective : ce qui est ridicule devient, d'un autre point de vue, touchant ; et ce qui est tragique peut devenir risible. L'humorisme est un refus de se limiter à un point de vue. Il constitue une sorte de cubisme littéraire, d'ailleurs mis au point à la même époque où Braque et Picasso remettaient en question l'idée de point de vue unique qui fondait la peinture depuis la Renaissance.