TEATRU E SUCETA: A CORSICA E U TEATRU
Attività altre
Après les Journées Publiques de la Culture qui se sont déroulées les 17 et 18 octobre 2002 à l’initiative de l’Outil Culturel de la CTC, certains des participants avaient manifesté le désir d’approfondir la réflexion à propos de la création et de la diffusion théâtrales en Corse.
Les acteurs de la scène théâtrale corse se sont ainsi rencontrés le mercredi 11 décembre 2002 à l’Université de Corse.
La journée, distribuée en deux temps, s’est achevée par une représentation de Nozze ind’è i sgioculelli à 21 heures.
En souhaitant la bienvenue aux participants, le président Aiello a confirmé que l’action culturelle est au cœur du développement de l’université et assuré de son soutien le CCU représenté par Jacques Thiers, directeur, et Dominique Verdoni, responsable de la collection Quaterni Teatrini.
Les débats (environ quatre heures d’échanges) ont été dirigés par D.Verdoni. Ils ont été nourris, animés et suivis par une assistance nombreuse dans laquelle figuraient aussi quelques étudiants des filières « arts du spectacle » et « études corses ». Les participants étaient manifestement intéressés par la rencontre elle-même, le contact désintéressé entre acteurs du même domaine, partageant l’amour du théâtre et l’ambition de voir ses langages servir à l’épanouissement des individus et des groupes sociaux . Plusieurs responsables de lieux et de troupes, retenus par leurs obligations administratives ou par des actions de diffusion en Corse et à l’extérieur (signe heureux d’activité !) avaient envoyé un mot pour manifester leur intérêt. Plusieurs compagnies n’avaient pu être prévenues (comment actualiser efficacement le répertoire ?). La plupart des troupes étaient représentées. Personne n’a profité de la pause repas pour s’enfuir !
Naturellement, on s’est un peu cherché d’abord dans un échange de propos sans doute trop généraux, mais c’est bien naturel entre gens qui, s’ils se connaissent pour la plupart, se rencontrent en fait peu fréquemment. De l’avis unanime, l’activité théâtrale en Corse pâtit –entre autres difficultés- d’un certain déficit de communication.
S’il faut qualifier d’un mot la journée, c’est la notion de plaisir que nous mettrons en avant.
Plaisir de voir s’affirmer la scène théâtrale corse dans la diversité de ses expressions et l’unité de son existence. Il n’est pas loin le temps où l’on se demandait ici quelle consistance pouvait avoir l’affirmation d’un théâtre corse, où étaient les compagnies, les lieux, les répertoires et les styles. A écouter les témoignages et les échanges au cours d’une discussion nourrie, les moins jeunes des participants ont pu mesurer le chemin parcouru depuis une vingtaine d’années. Le théâtre corse compte désormais sur l’île même des réalisations et des potentialités avérées. Il appartient aux différents décideurs et responsables d’aider à développer ces acquis. Les services compétents de la CTC, présents tout au long de l’échange, ont manifesté leur intérêt et leur disponibilité dans ce sens. Egalement mise en avant par l’évaluation implicite que permet l’observation directe, l’unité du théâtre corse et sa diversité, sans affleurement de clivages théoriques, idéologiques ou qualitatifs. Pas d’opposition préfabriquée entre « professionnel » vs « amateur ». Souci de ne pas compromettre un premier échange ou connivence pour s’accorder sur l’essentiel ? Les organisateurs sont convaincus que d’autres rencontres permettront une bonne coordination des efforts et une certaine synergie des programmes d’activités.
Plaisir aussi de relever l’engagement du théâtre dans la vie de la cité. Cette question a été traitée en particulier sous l’angle de l’intervention des pratiques théâtrales en milieu scolaire, qu’il s’agisse d’initiatives strictement scolaires ou menées en partenariat avec les intervenants professionnels du théâtre et des arts vivants. Cette dimension permet en effet la sensibilisation des publics de jeunes aux spécificités du jeu et à la richesse du répertoire dramatique. Mais surtout, elle favorise la socialisation et la construction de la personnalité individuelle dans l’interaction sociale. Certes, les conditions d’une prise de contact ne pouvaient permettre, ce jour-là, une réflexion plus approfondie, mais l’essentiel a été posé, et réaffirmée la valeur éducative et esthétique d’une activité qui intéresse et motive différentes tranches d’âge.
Un grand merci aux chorégraphes présents qui ont réintroduit la nécessaire dimension de l’épanouissement du corps. Grâce à eux, on a pu se remémorer les références qui organisent le langage typique du théâtre autour de la mise en scène où les objets ordinaires et le corps prennent valeur de signes, les images étant aussi des métaphores du corps. Le théâtre fonctionnant en outre comme une inversion critique de la représentation, ce que l’on croit représentation est en fait une présentation, par référence stricte aux participants à la communication et au lieu de ladite représentation. Ainsi traité comme un signe, l'espace redevient une matrice émotionnelle et expérimentale. Il permet alors au corps de redevenir le lieu à partir duquel l'espace est préhensible, à travers ses propres ressources et limites, son extension à l'environnement humain, matériel ou naturel. Ainsi s’est trouvé suggéré, autour du corps, un questionnement sur l’éventualité d’une relation métaphorique avec l’équilibre du « corps social » mis à mal dans les sociétés marquées par une mondialisation agressive. Interrogation à préciser, notamment à propos de la situation corse, dont il est peut-être utile de savoir si elle se pose en termes particuliers...
D’autres rencontres diront sans aucun doute, à ce propos, comment l’instauration d’une politique culturelle ambitieuse favorisera les expériences et les pratiques qui s’appliquent à connecter les arts vivants à la société corse telle qu'elle se vit réellement. À prendre en compte le lien entre l'identité culturelle et la fonction symbolique du théâtre au sein de la communauté. Comment l'identité culturelle se construit-elle et prend-elle sens dans l'esprit de chacun? Qu'est-ce aujourd'hui, pour la plupart d'entre nous, qu'appartenir à la société insulaire sans négliger les formes culturelles qui, dans les "non-lieux" de notre paysage social, naissent de la résistance à l'abandon où sont laissés leurs habitants, qu’il s’agisse des parties occultées (les quartiers ou banlieues de nos villes) ou alléguées mais négligées (villages, espaces non urbains). En général, tous ceux qui œuvrent dans ces domaines, dans des lieux où la culture trouve laborieusement sa place (hôpitaux psychiatriques, prisons, milieux ruraux, banlieues, quartiers, etc.), alors qu'ils apportent des réponses aux besoins les plus forts, ne sont que très parcimonieusement reconnus. Qu’en est-il en Corse ? Quel type d’actions existe-t-il ? Il ne s'agit pas de juger quelques résultats, mais de prendre la durée et la société en considération, dans la visée d’une politique d’ensemble. Le théâtre y sera vécu comme ce qu'il est avant tout: un irremplaçable outil d'ouverture au monde, susceptible d’apporter hic et nunc des réponses esthétiques aux besoins culturels, en complément des politiques sociales.
Plaisir encore pendant la présentation de Quaterni Teatrini. Cette collection est destinée à conserver une trace des créations corses, un théâtre souvent voué à l’oubli, après quelques représentations seulement. Quaterni Teatrini est rédigé (texte et commentaires) en version monolingue (corse ou français), accueille les créations corses accompagnées d’analyses, d’interviews et de photos de scène. Appel est lancé aux compagnies intéressées à voir publier leurs créations. Ce premier numéro est consacré au théâtre de Filippu Guerrini et Paulu Desanti, joué par « I Stroncheghjetta ». Avec simplicité et conviction, les deux auteurs présentent leur travail, disent leur plaisir de créer, s’expliquent sur l’importance qu’ils accordent au texte et à la langue corse. Cet exposé suscite un intérêt manifeste et permet à ceux qui le souhaitent de définir leurs propres options linguistiques, esthétiques, culturelles. Les prises de parole sont nombreuses et animées. On compare les expériences, on confronte les points de vue, on précise les positions. L’évidence s’impose au fil des échanges, d’une grande diversité d’expression, de styles, de vécus. Le théâtre corse est pluriel : nous le savions, mais il n’est pas inutile de se l’entendre redire formellement. L’accord est unanime pour évacuer les faux-débats, dissiper les a priori ou malentendus idéologiques. On précise les positions, on dissipe les craintes ou les soupçons. C’est utile, profitable et sain, notamment à propos de l’expression en langue corse, de la question de l’identité ou des « chasseurs de prime » attirés par les subventions de la CTC alors qu’ils ne sont pas corses (comprendre « qu’ils n’investissent ici qu’une adresse, une domiciliation bancaire »). Sur ces trois points, pour aller à l’essentiel et faire court :
- La langue : pas de précellence, mais la normalité, en Corse, d’un travail en langue corse et sur la langue corse, le plaisir particulier - perçu entre analyse claire et sentiment de plénitude- d’entrer en dialogue avec une tradition et tout ensemble d’innover, de faire rendre à la langue tous ses possibles. La jubilation linguistique ne présente-t-elle pas l’obstacle d’une célébration purement linguistique au détriment du théâtral ? Objection balayée : la pierre de touche est dans le plaisir de tisser le texte, de le jouer, de l’entendre perçu, reçu, apprécié.
- L’identité : en réponse à la proposition/provocation d’un « théâtre de l’identité », un témoignage passionné et douloureux met en garde l’assistance contre les connotations d’exclusion que peut prendre le terme d’identité. Réactions passionnées, naturellement, en particulier du côté de ceux qui mettent en avant la défense et l’illustration de l’identité culturelle. On s’explique, on dialogue, on discute, ça fait du bien ! C’est plaisant car on s’écoute. L’identité en question apparaît alors telle qu’elle est réellement et telle qu’on s’accorde ici à en vouloir la promotion: diverse, multiple et problématique, fragile et séduisante, incontournable et si labile, délicieuse et douloureuse. En dépit de tous les discours que l’on peut tenir en son nom, elle apparaît d’abord comme le sentiment fort d’être au monde et d’y relier avec force le singulier et le collectif, avec un sentiment de plénitude d’autant plus étonnant qu’il accepte conjointement similitude et différence. Le Même et l’Autre en un seul : une contradiction viable ? On n’ira pas plus loin, parce qu’on est venu parler théâtre. On lira donc un passage du numéro 1 de Quaterni Teatrini, ça tombe à pic ! La lecture d’un passage de Tranxène et metafisica n’est pourtant pas qu’une pirouette. On y entend un personnage s’écrier :
« ...L’idintità, o ghjenti ! Ma quali hè chì ci entri ? Da chì hè ? Chì cumedia… Ùn viditi ch’edda cambia d’ora in ora, l’idintità ? Ùn viditi chì dumani ùn sareti ciò ch’è vo seti à mumenti? Ùn viditi ch’è dopu dumani, à chì li piaci u tianu di fasgioli li piaciarà u sciuscì sgiappunesu, è ch’eddu sarà u stessu è mai u stessu, com’eddu dici quiddu?...”
- Les “chasseurs de prime” ? S’il en existe, ils n’ont qu’à bien se tenir, car tout le monde est désormais averti. La proposition d’un comité d’experts pour la désignation des œuvres candidates à la subvention est retirée sitôt que formulée. Trop contestable.
Après l’intervention du représentant du président Baggioni, les organisateurs clôtureront les travaux de la journée. Michel Rossi revient en substance sur les différentes questions évoquées lors de la journée.
- Il souligne l’intérêt de la CTC pour ces réflexions et ces débats, la disponibilité des services et des agents, la vigilance des uns et des autres sur la régularité de l’attribution des aides.
- Il rappelle également la détermination engagée à mener de pair l’action en faveur des objectifs généraux et l’effort pour l’épanouissement de l’identité culturelle corse.
- Au cours de la journée est née l’idée de rencontres de ce type avec une périodicité annoncée : Michel Rossi en reprend le projet. La formule sur laquelle on s’accorde est celle d’une demi-journée consacrée au travail d’une compagnie et clôturée par une de ses créations. Le CCU fera une proposition de programme. Les services compétents de la CTC aideront à la réalisation et l’Outil culturel apportera son concours.