2 - Extrait de l'’INTRODUCTION - Wolfgang LAADE
Attività altre
Extrait de l’INTRODUCTION
Le chant populaire corse
Wolfgang LAADE
Tome 3 – Catalogue des enregistrements et textes
En 1975, Wolfgang Laade m’a confié pour la première fois la tâche de mettre au propre les paroles de plus de 450 chants transcrites par Mathieu Ciavatti à Bastia, dont la plupart étaient manuscrits. Après avoir terminé la copie, j'en ai apporté un exemplaire à M. Ciavatti à Bastia pour qu’il la révise encore une fois. Ensuite, tous les textes devaient être envoyés à l’éditeur sous forme dactylographiée pour duplication et publication. Toutefois, cette dernière n'a pas pu avoir lieu à l'époque. Les travaux de recherche de Laade, et par la suite son examen pour obtenir la licence à l'université, puis encore d'autres activités l’ont empêché temporairement de poursuivre son travail sur le matériel corse.
Onze ans plus tard, pouvait être terminé ce qui avait été commencé. L’intention initiale de publier le matériel dans son intégralité et sans un traitement éditorial ultérieur a été abandonnée. Compte tenu de l'ampleur du matériel, il a semblé plus opportun, dans un premier temps, de ne résumer que les textes des morceaux qui ont été abordés dans le volume II et dont les notations musicales sont reproduites en annexe de ce même volume. Toutefois, afin de permettre des études comparatives, toutes les variantes existantes ont été annexées à ces textes. Les textes des chants dont les couplets sont identiques aux versions sur lesquelles est basée la notation musicale sont mentionnés (ainsi que toute modification mineure qui leur a été apportée), mais ne sont pas reproduits dans leur intégralité. Le catalogue des enregistrements a également été révisé en profondeur entre-temps, de sorte que les deux peuvent désormais être inclus ensemble dans ce troisième volume. Finalement, il a été décidé de copier et d'imprimer à nouveau l'ensemble du matériel avec une technologie améliorée, c'est-à-dire selon un processus informatisé, afin de fournir à l'éditeur une copie propre et facilement reproductible.
Dès que j'ai écrit les premiers textes, j’ai remarqué l'étonnant manque d’unité de l'orthographe dans l'original, d’autant plus étonnant que les enregistrements provenaient presque tous de la même main. Que faire: suivre l’orthographe incohérente utilisée par M. Ciavatti ou essayer d'obtenir une uniformité à l’aide de dictionnaires? Pour des raisons compréhensibles, cette dernière semblait non seulement souhaitable, mais en fait nécessaire.
Il s'est avéré que le lexique publié par M. Ciavatti lui-même et un groupe de travail, n’était pas disponible dans la bibliothèque locale faisant autorité, malgré une requête formulée en 1973. Une demande de prêt, faite par la même bibliothèque auprès la Bibliothèque nationale de Paris a donné lieu à toutes sortes de sollicitations en retour pour des raisons inexplicables, et n’a pas abouti à ce jour. Les deux volumes que M. Ciavatti lui-même nous a envoyés récemment sont arrivés trop tard ; le premier volume de l'ouvrage manquait encore. Avant cela, nous avons déjà tenté de travailler à l'aide d'un Dictionnaire Corse-Français rédigé par Mathieu Ceccaldi, mais celui-ci était basé sur le dialecte d’Evisa et ne convenait pas à nos besoins. En fin de compte, cela n'a pas suffi à résoudre le problème.
Lorsque j'ai ensuite commencé à inclure dans la collection des textes individuels provenant de sources déjà publiées, je me suis trouvé devant des nombreuses autres orthographes possibles pour les mêmes mots. Cette diversité orthographique ne peut se produire que dans des langues qui ne sont soumises à aucune fixation écrite contraignante. Mais le plus étonnant dans tout cela, c'est que non seulement avec un seul et même auteur, mais même dans un seul et même texte, l'orthographe pouvait changer, même dans des sources comme ceux de Jean-Baptiste Marcaggi ou Edith Southwell-Colucci. Ce constat a finalement conduit à la décision de s’abstenir de tout nouvel effort d'unification des textes, ce que les Corses eux-mêmes n'ont manifestement pas réussi à faire jusqu’à ce jour, et de reproduire, au contraire, tous les textes inchangés rapport aux originaux, qu’il s'agisse des notes de M. Ciavatti ou des sources imprimées, dictées.
L'incohérence orthographique concerne principalement les mots commençant par un son comparable au « gi » ou « ge » italien, par exemple le mot pour « jour », qui s'écrit encore le plus souvent « ghjornu », mais qui apparaît également dans pas moins de quatre autres variantes :
Joseph Canteloupe1 écrit dans le chant n° 28 : « jornu » dans strophe 1, ligne 1, par contre « ghjornu » dans strophe 2, ligne 1; ou dans le chant n° 29 : « jornu » strophe 5, ligne 1, mais « ghjornu »dans strophe.2, ligne 6.
Edith Southwell-Colucci2 écrit dans le chant n° 33 : « iorni » strophe 2, ligne 1 ; dans le chant n° 243 : « giorni » strophe 14, ligne 6.
1 Joseph Canteloube: Anthologie des Chants Populaires Français, groupés et présentés par Pays ou Provinces; La Corse, Paris: Dirand & Cie. Éditeurs. 1951
2 Edith Southwell-Colucci : Canti populari Corsi. Livourne : Casa Editrice Raffaello Giusti. 1933
Jean-Baptiste Marcaggi3 écrit dans le chant n° 76 : « iornu » dans la strophe 13, ligne 1, mais « giornu » dans la strophe 19, ligne 7 et « ghiornu » dans la strophe 22, ligne 4.
Mathieu Ciavatti écrit dans le chant n° 88.1 : « iornu » dans la strophe 1, ligne 1 et « ghiornu » dans la même la strophe, ligne 2; puis dans le chant n° 87, « di jorn’ in ghiornu » dans la strophe 6, ligne 2. Cette même phrase apparaît également dans son Lexique Français-Corse à la page 188.
Il ne fait aucun doute que les différences d'orthographe reflètent non seulement les habitudes et les irrégularités de l'orthographe des auteurs, mais aussi les particularités linguistiques, à savoir les disparités régionales et individuelles dans la prononciation du son en question.
En outre « v » et « b » sont interchangés de différentes manières. Par exemple, J-B. Marcaggi écrit dans le chant N° 35 : « vabbu » dans la strophe 8, Ligne 5 ; mais « babbu » dans le chant n° 76, strophe 5, ligne 1 ; dans le chant n° 26, on lit dans la strophe 3, ligne 6 « bindetta », mais « vindetta » dans la strophe 4, ligne 1 de ce même chant. Dans presque tous les textes, les voyelles « e »/ « i" » et « o » / « u » sont interchangées sans aucune règle reconnaissable. Cette interchangeabilité est courante dans la langue parlée, mais sous la forme écrite, elle est irritante.
L’emploi de l'accent s’avère aussi peu systématique que l‘orthographe des mots individuels. Dans les sources disponibles, il existe trois accents différents : les accents de mise en évidence, les accents de séparation (dans le cas de voyelles successives pour indiquer qu’il ne s’agit pas de diphtongues) et les accents de distinction. Ce dernier accent différencie deux mots écrits de la même manière, par exemple « un » et « ù ». Dans le premier cas, il s’agit de l'article masculin indéfini, dans le second, de la conjonction négative. Mais là aussi, il faut généralement partir du contenu du texte pour pouvoir déterminer avec certitude si un « un » signifie l'un ou l’autre, car souvent il n’y a pas d’accent du tout dans les textes originaux. Parfois, on semble mettre des accents sans signification particulière, car ils ne soulignent pas, ne séparent pas et ne distinguent pas. La langue, qui n’est pas fixée par écrit, laisse évidemment place à de nombreuses possibilités.
L'un des objectifs de ce volume de textes est d'enregistrer un riche trésor de chants populaires, qui seront peut-être oubliées dans un avenir proche. Mais, il entend aussi reproduire cette partie des traditions orales de la Corse inaltérée par des interventions éditoriales du type de celles que l’on trouve dans tous les recueils publiés précédemment, sous la forme où elle était encore à documenter sur l’île dans les années 1950 et au début des années 1970. Les textes reflètent donc l’état de la collection de chansons telle qu’elle était au moment de la documentation.
Gioia Weber-Pazmiño
3 Jcan-Baptiste Marcaggi : Lamenti, voceri, chansons populaires de la Corse. Ajaccio : Sem Rombateli, Éditeur. 1926