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Corse-Matin

 

La vie à l'Université
L'édition cerne les limites de l'écriture en langue corse
Publié le mardi 22 avril 2014 à 10h05 - 1

Guy Firroloni, directeur des éditions Albiana, est intervenu dernièrement à l'université pour évoquer la place de la langue corse dans l'édition insulaire.José Martinetti

Invité par le Centre culturel universitaire, Guy Firroloni, le patron d’Albiana a évoqué la place de la langue corse dans l’édition insulaire. Le constat n’est pas réjouissant
L'édition participe à la construction de l'image d'une région et en assure, par voie de conséquence, sa promotion. » C'est en ces termes que Guy Firroloni, directeur des éditions Albiana, entamait sa conférence à l'université. Invité par le centre culturel universitaire, il est intervenu dernièrement au spaziu Natale-Luciani pour exposer « la réalité de l'édition insulaire » et aborder la question de l'édition en langue corse. Une occasion pour l'éditeur de pointer les problématiques et enjeux de ce domaine et de rappeler la place prépondérante de l'université dans le maillage de l'édition insulaire.
« Depuis sa création, l'université a installé un rapport pertinent avec le monde de l'édition et joue encore aujourd'hui un rôle de premier ordre,estime-t-il. C'est un espace privilégié de création qui débouche sur de nombreuses publications. » Inutile de préciser que l'ensemble de la production universitaire alimente ainsi le circuit de l'édition régionale.
Mais quid de la place de la langue corse ? Aux yeux du directeur des éditions Albiana,« la question de la langue est peu ou prou toujours à l'ordre du jour à l'université. Elle s'efforce de produire mais pas seulement. Elle participe à la mise en valeur et à l'accroissement de la visibilité de cette production, notamment à travers des colloques et des présentations d'ouvrages. En ce sens, l'action de l'université influe sur l'édition ».
À ce titre, Guy Firroloni a insisté sur le travail réalisé par l'association de soutien du centre culturel universitaire, coéditeur avec Albiana de plusieurs ouvrages et de nombreuses collections en langue corse.
Histoire de rappeler que cette production a su dépasser le simple stade artisanal pour s'ancrer dans le professionnalisme. « L'édition en langue corse concerne aujourd'hui une vingtaine d'ouvrages publiés chaque année, en moyenne. » Néanmoins, sa diffusion se heurte à des limites certaines, notamment le potentiel du lectorat en langue corse. Pourtant, selon l'éditeur, « l'institution politique a pris la mesure et mis les moyens nécessaires pour l'édition en langue corse »,contribuant ainsi à l'émergence de nombreux ouvrages« qui n'auraient pas vu le jour si elle ne s'était pas impliquée».
« Éviter de faire pour faire »
Toutefois, il n'en reste pas moins fondamental de diffuser et de promouvoir ce qui est créé, « pour éviter de faire pour faire », indique-t-il. « Pour la langue corse, nous en sommes encore aux balbutiements. Tous les outils qui concernent la médiation entre celui qui produit et celui qui consomme sont en voie d'inefficacité. C'est pourquoi il faut avoir un esprit de conquête pour installer la littérature corse dans les écoles bilingues et les bibliothèques mais également en dehors de l'éducation. Pour cela tous les corps intermédiaires, notamment les enseignants, doivent jouer un rôle de relais. »
« Peut-être n'avons-nous pas conscience de ce que signifie la publication dans cette langue », lance-t-il, ne cachant pas son inquiétude. Et le directeur des éditions Albiana de poursuivre par une anecdote pour le moins significative : « Lorsque Albiana a publié, il y une trentaine d'années,E sette chjappellede Jacques Fusina il y a eu un engouement autour de cet ouvrage, si bien que la barre des mille exemplaires vendus a été franchie, ce qui est remarquable pour un livre en langue corse. Mais cela correspond à une époque où la publication d'un ouvrage en corse suscitait une ardeur identitaire et avait une certaine saveur. Mais, une quinzaine d'années plus tard nous avons publiéVersu cantarecciu, du même auteur, et seulement 112 exemplaires ont été vendus. C'est paradoxal pour une société qui s'est donné des moyens de plus en plus importants et affirme au quotidien l'importance de la langue. Mais lorsqu'on analyse le niveau de consommation de la production en langue corse on s'aperçoit que la consommation est réduite. Et c'est un euphémisme. »
De toute évidence, la faiblesse du nombre de locuteurs, conjuguée à ce qu'il est aujourd'hui coutume d'appeler « la crise de la culture » y est également pour beaucoup.