Finatarri
Puesia
Écrire
Se fait entre le noir
Et la lumière.
Guillevic.
Mon poème se prolonge
dans la chair de la table.
Il est fait de la sève
qui monte en sa carcasse.
Fraîchement écorcée
la voilà vibrante.
Comme si elle exprimait le suc de la terre
que la ville ne saurait étouffer tout à fait.
Mon poème s'enracine
au cœur de la ville.
Exilé dans la ville
je suis resté l'enfant
qui cherchait des tortues
le long des murets
qui bornaient le maquis.
Au fil des rues je poursuis
d'autres carapaces.
Sans cesse je contemple leur nudité
dans l'impatience
qu'elles me révèlent leur secret.
De quel secret la terre était-elle grosse
sous la grille qui entourait le marronnier
de la cour de récréation ?
Y collant l'oreille
je sentais la patience de laves
qui attendaient la fin du monde.
Était-ce la ville ou bien la terre ?
Laquelle était la prisonnière de l'autre ?
Longtemps je crus
que c'était la ville.
Nul coq ne chante dans ma ville.
Qui salue les rougeurs du soleil ?
A sept heures dans l'immeuble d'en face
la stridence d'un réveille-matin.
Mon horizon se lave
s'habille
et ferme la porte.
J'ouvre la porte
qui donne sur le balcon.
En guise de ciel libre
une douzaine de barreaux
bornes de quel espace ?
Au-delà du béton
qui emmure nos regards
je devine la mer.
Sur les hauteurs de la ville
je cherche un horizon
qui lui ressemble.
À
Ana María Lainez Blázquez
Tout se ressemble
dans la lumière de ce matin d'avril.
L'oiseau et la branche
le linge et le pré
tes yeux et la rivière.
Mon désespoir
d'être absent de toi
penchée sur le ciel
qui ne te parle pas de moi.
Je me suis penché
au-dessus du puits.
Sur la surface
du miroir
qui se dérobe
et rêve de la verticale.
À Guillevic
Lasse de la verticale
mais pleine encore du rêve de Babel.
La ville voudrait s'étendre
jusqu'à l'océan.
Être une côte dont il lécherait
la rocaille et la terre.
Là où finit la terre
j'imagine l'océan
qui danse sur ses crêtes.
La vague.
Est-ce bien la surface en butte
à la lumière
Le fond de l'atmosphère
vacillant sur sa base
où échoue mon regard ?
Tourne ton regard vers le ciel
et vois la mer.
Ou du moins sa lumière
sa couleur
son œil.
Sais-tu que sans le ciel
la mer serait plus noire
que l'encre plus amère ?
Goût amer de la ville
noire d'asphalte et de fumées.
Grisaille de tes larmes
que je ne distingue plus de la pluie.
Tes larmes plus vastes
que mon absence dans ton regard.
Quelle absence
de n'être pas le ciel !
De ne pas étreindre comme lui
la terre
pour lui donner
la tendresse de l'atmosphère !
De n'être pas même un seul
des mille vents qui caressent ses cimes !
De n'être que dans la chute.
Je suis Icare dans sa chute
vers le soleil.
Dans l'inversion
de la gravitation.
Y a-t-il pire douleur
que d'être dans sa masse
prisonnier de la surface ?
Pas moyen de s'affranchir
même au sommet d'une montagne.