Lise Gauvin, « L’écrivain francophone et ses publics »

Quelques exemples :

 

Michel Tremblay, La grosse femme d’à côté est enceinte, Montréal, Leméac, 1978.

« Elle regarda longuement Edouard. "J'aimais pas ben ben ça... mais j'voulais un autre enfant pis j'savais que c'était le temps..." Edouard avait baissé les yeux. C'était la première fois qu'il entendait sa mère faire allusion au sexe et cela le gênait. Victoire continua son histoire en ramenant son regard vers le bosquet. "Là, y m'a demandé : "Y'a'tu du danger, ces jours-citte?" J'y ai dit non. Y voulait pus d'enfants, j'ai jamais su pourquoi... Y m'a répond : Tant mieux!" Pis on t'a faite" Elle entra dans le bosquet sans s'occuper des branches qui s'accrochaient à sa robe. Elle se pencha un peu. "Juste icitte". (p.82)

 

Patrick Chamoiseau, Texaco, Gallimard, 1992.

« Il en resta estébécoué, transi par tant de rage et par si tant d’amour. »  (p.52)          

«  Kouman ou pa an travay, tu ne travailles pas?…  s’étonnait grand-manman. Man ka bat an djoumbak. Je n’ai pas quitté mon travail, rétorquait-il en ouvrant les paupières à l’entoure de ses yeux. »(T,50)

Ou  cette fois sans traduction  littérale:

« Mais (saki pa bon pou zwa pa pé bon pou kanna) ils avaient quand même à comprendre que la liberté n’étant pas divisible, la leur allait en  grappes  avec celle des nèg-terre et l’engeance pleine  des malheureux.»  (T,108)

 

Patrick Chamoiseau,  Biblique des derniers gestes, Gallimard, 2001.

Notes :

« Une attaque de diablesse en graines-sel et piments » de Patrick Chamoiseau, manuscrit inédit, 788 page, 7 disquettes, CD-rom A et B, Écomusée de Rivière-Pilote, Martinique, octobre 2001. Chamoiseau, Biblique des derniers gestes, 2001, p234.

«  Souvenirs de combats _ Les exploits d’un grand martiniquais : M. Balthazar Bodule-Jules, Radio Lévé Doubout, Martinique, 1990. » (B,204)

barda :

« Livres fétiches, coutelas, couteau-jambette, cordes, une  calebasse, pistolets et munitions, quelques photos, cartes diverses, plans de villes, poste récepteur-émetteur de fortune, mappemonde, passeports de nègre marron, sachets d’herbe à tous maux… » (B,204)

 

Réjean Ducharme, L’hiver de force,  Gallimard, 1973

Monde ordinaire    note : cheap people

I want to get off    note : arrêtez la terre je veux descendre

Anyway                 note : ennéoué

                

 

France Daigle, Pour sûr,  Montréal (2011), Boréal compact, 2013.

« C’est supposé qu’y en avait du temps de Molière qui trouviont que son français était  trop populaire, pas assez raffiné.

-Denne höw cöme qu’y disont tout le temps la langue de Molière, comme si  qu’y était le kingpin du français?

-Probablement parce qu’y a venu fâmous. C’était peut-être le premier Français a venir fämous.

-Ça c’est weird.   Je croyais qu’on descendait de Rabelais nous autres. »(Chiac détail, p.32).    

 

« Puisque le français acadien regorge  de mots anciens et de tournures désuètes, c’est sans doute la forte et souvent insidieuse présence de l’anglais qui donne au chiac son caractère propre, et la prononciation tout à fait anglaise de ces mots pèse lourdement dans la balance. Un Français peut bien dire « parquigne », l’Acadien, lui, aura l’impression de faire du théâtre s’il  doit en dire autant. Il dira donc tout naturellement « parking », comme il l’entend de la bouche des milliers d’anglophones qui l’entourent. »  (Chiac,p.44)

en note :  « L’orthographe de ces mots est en flottement, en attente de révision par la GIRAFE  (Grande instance rastafarienne-acadienne pour un français éventuel. »(p.93)

 

« Parler chiac, c’est plus dur que ça paraît »  ( à propos de « je vas retourner bäck au magasin » ) p.209)