Reforme du Capes de Corse : "une attaque frontale"

Reforme du Capes de Corse : "une attaque frontale"

Par: Véronique Emmanuelli

Publié le: 16 février 2021 à 19:15

Dans: Education

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Représentants du STC Education et du Snalc de Corse ainsi qu'acteurs associatifs ont organisé hier matin un point presse devant le rectorat de Corse pour dénoncer une évolution qu'ils estiment inacceptable. D'autres dossiers linguistiques étaient aussi sur la table 

Basta cusi !'' "Halte aux agressions !", "Trop c'est trop". Jean-Pierre Luciani, secrétaire national STC Éducation, Ghjiseppu Turchini, pour l'association des enseignants en langue et culture corses -AILCC-, Denis Luciani, président de l'Associu di i parenti corsi, Pierre-Dominique Ramacciotti, vice-président du Snalc de Corse, ainsi que des représentants de Parlemu Corsu, réunis en collectif, avaient déployé les banderoles de leurs organisations respectives, hier matin devant le rectorat de Corse, sur le boulevard Lantivy à Ajaccio.

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Le temps de participer à une conférence de presse consacrée à la nouvelle version du concours de recrutement des enseignants de corse du second degré - le Capes de Corse - et d'exprimer leur colère sur le sujet. Et c'est une révision à la hausse des coefficients des épreuves en langue française, perçue comme "une attaque frontale", qui constitue le point de crispation majeur.

Les élus et la population

Même si les tensions couvaient depuis un moment. Selon les représentants syndicaux, elles se sont manifestées, tout au long des mois et des années écoulées sous la forme des " réformes du collège, du lycée, de la suppression des premiers demi-postes langue et culture corses au lycée, de la réduction sensible de la dotation horaire globale, c'est-à-dire l'enveloppe d'heures octroyées, au sein des établissements scolaires", énumèrent-ils.

Désormais, une étape de plus serait franchie dans le processus enclenché, alors que "le ministère porte un nouveau coup létal à la langue corse en modifiant de manière éhontée le Capes monovalent", insistent les membres du collectif.

Et, pour les représentants syndicaux, le problème doit être posé dans sa dimension globale. L'étau se resserre sur la langue corse mais pas seulement. La refonte nationale des modalités du concours aura les mêmes effets " nocifs et dévastateurs dans toutes les académies de France où existe un enseignement en langue régionale" même si la "section langue corse constitue une section à part entière. Le basque, le breton, le catalan, le créole, l'occitan - langue d'Oc figurent au sein de la même section langues régionales", détaille-t-on.

L'hostilité affirmée au projet est fédératrice. "Nos collègues du continent sont mobilisés. Nous les avons rejoints au sein d'un collectif qui a interpellé l'Assemblée nationale, le Sénat, le gouvernement et le ministère de l'Éducation nationale. Cette dynamique suit son cours", insistent les syndicalistes.

Dans l'île, ils comptent bien prolonger et amplifier la démarche. Cette perspective fait appel au surgissement d'une prise de conscience populaire et politique. " Nous en appelons à l'opinion publique et aux élus. L'heure est grave et il est grand temps de réagir collectivement". Le front doit s'élargir. La sphère de la contestation aussi. Car, en toile de fond du Capes se jouent bien d'autres problématiques. 

"Concertation apaisée"

C'est certain, de l'avis du collectif, "il faut à tout prix rétablir le modèle initial s'agissant des coefficients et, au-delà, donner à la langue et à la culture corse le statut valorisant qu'elle mérite tout au long du parcours scolaire".

Dans leur cahier revendicatif, les syndicalistes placent l'accent sur la nécessité de garantir un enseignement bilingue à tous les niveaux pour "déboucher sur une société épanouie dans son bilinguisme, propice à l'avènement d'un plurilinguisme. Il ne faut pas oublier que nous sommes au cœur de la Méditerranée". 

Ce qui, aux dires du collectif, induit une structuration bien précise du projet pédagogique insulaire. "Notre langue est une langue identitaire qui renvoie à la culture de notre pays. Elle est langue véhiculaire pour donner accès à 1,2 milliard de locuteurs à travers l'espagnol, le portugais et l'italien. Les enjeux sont là aussi". 

Ils recoupent également "la mise en œuvre d'un grand plan de formation dans le secondaire, assorti de moyens de remplacement sur le modèle de ce qui existe en primaire", la création d'un "dispositif d'animation pédagogique dans le second degré afin d'assurer le suivi qualitatif et quantitatif de l'enseignement en langue et culture corses".

À l'ordre du jour syndical aussi, figure encore l'émergence d'"un réseau de pôles de formation pour faire le lien entre chaque établissement de l'île". Les syndicalistes disent vouloir en finir ainsi "avec un dispositif au rabais qui plus est, rogné de jour en jour".

En attendant, ils plaident pour une "concertation apaisée" entre l'ensemble des acteurs concernés. Celle-ci a débuté dès hier avec Julie Benetti, rectrice de l'académie de Corse. A l'issue "d'un échange ferme, franc mais sans tension", la responsable académique s'est engagée à faire remonter au ministère les doléances syndicales concernant le Capes. Les discussions se poursuivront au mois de mars s'agissant des autres dossiers. À cet égard, le STC Éducation relève déjà des "avancées dont nous ne pouvons nous satisfaire". Il n'empêche, l'espace de dialogue est ouvert.