Pèlerin distrait
Puesia
Elégie pour un enfant mort avant de naître
Il est des roses qui ne s'ouvrent pas, des fruits qui se flétrissent
une heure avant la cueillette, du blé qui se couche
la veille de la moisson, des nuits à attendre
l'aube d'un soleil couché avant son lever.
Tu es une chandelle qui ne brille pas, un poème
écrit pour rien, tu es un mot d'un dictionnaire
d'une langue inconnue, une catacombe
que personne n'a foulée, une église vide,
un oiseau sans chant, de la fausse monnaie, tu es mon fils.
Dans ton continent sombre
traîné au coeur des vallées,
ballotté par les vagues des océans,
tu as attendu, attendu ton heure.
Dans une langue secrète tu m'as prononcé
ce mot de jamais, jamais,
tu m'as chanté l'élégie
d'un être humain qui n'est pas.
Je t'ai parlé et tu m'as parlé
au rythme de l'éternité,
tu as bredouillé des syllabes noires,
bible de vérité.
Ce voyage inutile de, toi,
ce jour qui ne se lève pas,
cette mélodie muette
de l'horreur, l'horreur, l'horreur.
Nous t'avons enterré sans funérailles,
nous t'avons pleuré sans une larme,
tu t'es fatigué de la marche, trop tôt.
Il veut se reposer - laissez-le !
Ne le réveillez pas car le sommeil l'a pris,
ne criez pas car vous lui feriez peur ;
n'expliquez rien, car il a déjà tout compris.
Pourquoi vouloir le rejeter ?
Tu es un pèlerin distrait qui s'est égaré,
tu es un oeillet inodore, un nom sans prénom,
et un prénom sans nom, tu n'es rien - tu es mon fils.