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Francese

LES MAUVAIS SUJETS

-Michèle Corrotti et Philippe Peretti Editions Alain Piazzola 2016


    Comment présenter ce roman historique écrit à deux mains par Michèle Corrotti et Philippe Peretti? Dire en premier qu'il faut remercier Michèle Corrotti pour la rédaction de l'ouvrage et le ton romanesque qu'elle a su lui insuffler. Philippe Peretti, en historien accompli, a parcouru les archives et fonds anciens des bibliothèques, étudiant minutieusement les vieux documents et mémoires de personnes célèbres (Mirabeau, Lauzun, Dumouriez...) ayant séjourné en Corse en cette seconde moitié du 18ème siècle.
Si le livre s'appuie sur des faits historiques incontestables et personnages réels (Daniel Marc Antoine Chardon, Intendant de Corse, et sa jeune épouse Marie Anne Adélaïde de Maupassant Wardancher), Michèle Corrotti a invité des intervenants fictifs (le notaire Bastiais Orlando Questa). Michèle Corrotti avoue d'ailleurs bien volontiers qu'appréciant énormément les romans, en tant que lectrice, elle ne pouvait écrire que ce genre littéraire et en aucun cas un essai historique.

Le sujet du livre pourrait être Mirabeau à Bastia. Un Mirabeau jeune, tombé en disgrâce auprès de son père, écarté par sa famille, contraint à faire ses preuves et à porter un autre nom : Gabriel Riquetti de Pierre Buffière. Un Mirabeau fort laid, à visage de gargouille, mais grand coureur de jupons et d'après ses dires amant redoutable, il écrira d'ailleurs : "Les champs de bataille où je me suis illustré en Corse ont compté plus d'édredons que de fortins."
La ville de Bastia joue aussi naturellement un grand rôle dans ce roman, puisque l'Intendant de Corse, missionné par Louis XV, y réside, et où est présente une importante garnison d'officiers Français fringants et aristocrates de la pointe de la botte à la perruque poudrée. Ce roman va évoquer le départ des pères Jésuites, grands érudits, chassés de Corse par le nouveau pouvoir, il va introduire le lecteur dans l'intimité de familles Bastiaises de renom qui espèrent obtenir des titres de noblesse du nouveau maître de la Corse, Louis XV. Le lecteur va aussi se promener dans la ville et ses nombreux lieux de culte encore très familiers de nos jours (Saint-Roch, Sainte-Marie, Saint-Jean-Baptiste...) où les dames de la bonne société vont à confesse après s'être adonnée à l'adultère avec les élégants officiers français. Oui, car en ces années 1768 - 1769, les Bastiais suivent toutes les modes importées de Versailles, vestimentaires bien sûr mais aussi libertines qu'ils pratiquent avec conviction dans les salons et boudoirs.
La politique et la guerre sont naturellement présentes, car la période est trouble, avec les Bastiais qui restent proches de la République de Gênes, ceux qui sont fidèles au patriote Pasquale Paoli, et les derniers éblouis par les lumières de Versailles et les avantages qu'ils pourraient en tirer. La terrible défaite de Ponte Novo est aussi une réalité... Là, le lecteur pourra se remémorer le célèbre tableau de Henry Benbridge exposé à Morosaglia : "Pasquale Paoli à la bataille de Ponte Novo".

Mais malgré ces tragédies, ces pages sombres de l'Histoire de la Corse accompagnées de l'odeur de la poudre,du bruit des canons et du sang des patriotes teintant les eaux tumultueuses du Golo, ou encore les règlements de comptes dans les ruelles de la cité, le roman historique accorde une large place à la coquetterie, au badinage, à l'aventure. Le ton est léger, coquin contenant souvent un zeste d'érotisme, mais tout cela écrit avec justesse et élégance.

    Un roman historique savoureux et qui se mérite, rédigé dans le plus pur esprit du Siècle des Lumières

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Odile de Petriconi, Juin 2016
Musanostra