PROJET ODISSEA
Attività altre
CCU Réalisation 1997
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Le projet
Plusieurs raisons militent pour l’élaboration d’un projet d’échanges et de coopération Corse-Sardaigne-Sicile dans le domaine de la dramaturgie et du théâtre. L’essoufflement qui affecte les théâtres « institués » rend indispensable le renouvellement des contenus et des langages de la scène. Dans cette réévaluation de la modernité dramatique, les identités culturelles, hier rejetées aux marges de l’art dramatique, sont de ce fait investies d’une importance nouvelle qu’elles partagent avec d’autres ressources thématiques et formelles.
Des échanges réguliers effectués opérés depuis une quinzaine d’années entre les Universités de Sassari et de Corte, la réalisation de divers projets dans le cadre du programme INTERREG I, l’existence de nombreuses initiatives culturelles corso-sardes, le projet « Etude comparée des théâtralités de Corse et de Sardaigne présenté dans le cadre d’INTERREG II par L.Sole (U.de Sassari) et J.Thiers (U.de Corse) offrent un cadre favorable à l’élaboration d’actions concrètes dans le domaine du théâtre.
Il est cependant utile d’inscrire ces premières actions dans un cadre cohérent et doté de perspectives de développement.
Le colloque tenu le 18 décembre 1995 à Sassari (Thème: « Etnia e teatralità ») et le séminaire du 25 janvier 1996 à Bastia ont permis de jeter les bases du projet ODISSEA qui répond à cet objectif. Les contacts permanents sont permanents et les échanges de spectacle deviennent réguliers: à titre d'exemple on citera la compagnie corse U Teatrinu qui a été programmée pour la 2e fois au festival de novembre 1996 à Porto Torres et la troupe sarde Compagnia Teatro Sassari , qui s'est déjà produite en Corse, notamment lors des rencontres « Littératures et diglossies » (Corte, 1994) et « Langage dramatique et langues minorées » (Bastia, 1995).
Les groupes ci-dessous désignés se sont associés pour l’élaboration et la réalisation du projet ODISSEA. Les contractants se sont engagés à rechercher les voies d’une collaboration avec les collectivités (Assessorati alla cultura de Palerme et Sassari, CTC de Corse) et compagnies des trois îles.
Sardaigne: Teatro Sassari (dir: Mario Lobino) et Teatro Sperimentale Universitario (dir: Leonardo Sole)
Sicile: Laboratorio Teatrale Femmine d’Ombra (dir: Franco Scaldati, Palerme)
Corse: Centre Culturel Universitaire:(dir.J.Thiers)..
Le projet comprend trois volets:
1) développement de l’étude critique des formes populaires et savantes de la théâtralité des trois îles méditerranéennes: analyses de textes et spectacles, diffusion de l’information, séminaires et rencontres. On s’appuiera essentiellement sur le projet précité « Etude comparée des théâtralités de Corse et de Sardaigne » présenté dans le cadre d’INTERREG II.
2) création conjointe de textes et de spectacles, travail en commun des acteurs (stages de formation, résidences, distributions). On prévoit en outre pour un même spectacle, la rotation de metteurs en scène corses, sardes et siciliens.
3) mise en place d’un circuit interinsulaire de diffusion des oeuvres: la première phase sera la mise en place d’un festival théâtral itinérant sur les trois îles. Le Centro sperimentale per il teatro di etnia, gestionnaire du théâtre Olimpia et organisateur du festival annuel (novembre) de Porto-Torres-Sassari s’offre à servir de base pour ce festival itinérant.
La première action du projet ODISSEA prévoit:
- la conception et l’écriture conjointe d’un texte dramatique sur le thème du Même et de l’Autre traité à partir de la transposition d’un épisodedu cycle de l’Odyssée . Les périgrinations de l’Ulysse d’Homère fourniront la trame générale destinée à figurer un itinéraire de réappropriation critique des thèmes culturels et du thème du langage que recouvre la notion d’identité. Les différents aspects de l’écriture dramatique souligneront le caractère très problématique des tentatives de reconquête de l’identité perdue du faits des profondes mutations constitutives de la modernité. Ulysse reviendra enfin sur le rocher d’Ithaque que chantent les poètes et qui aura habité si longtemps sa nostalgie, mais il n’y retrouvera ni le langage ni les valeurs d’antan. Une nouvelle odyssée commence, sans doute plus périlleuse que l’autre puisqu’elle lui commande de vaincre les monstres qu’il porte en lui s’il veut voir un jour se profiler à la proue de son navire une nouvelle Ithaque qu’il lui faut inventer (Cf.Synopsis ci-dessous)
Auteurs: F.Scaldati, L.Sole et J.Thiers.
Conseil scientifique et artistique: , L.Sole et J.Thiers.
- la mise en scène d’un spectacle qui tienne le plus grand compte de thèmes culturels profonds, du langage et des formes de la théâtralité populaire et savante susceptibles de se relier directement aux réalités corse, sarde et sicilienne. La mise en scène sera précédée et suivie de séances réunissant les différents opérateurs: auteurs, metteurs en scènes, acteurs, scénographes...).
La distribution comprendra vraisemblablement deux comédiens corses, deux sardes et deux siciliens.
Calendrier de l’opération
-1ère phase (mars-avril 1997): études documentaires, élaboration et écriture conjointe du texte;
-2ème phase (mai-septembre 1997): mise en scène à Sassari / Porto-Torrès / Corse / Palerme.
-Création à Corte en octobre 1997.
Synopsis
L’Ulysse auquel nous songeons est une personne qui retourne dans son pays après une très longue absence (bien plus longue que les vingt ans du récit homérique). Or son Ithaque n’est plus Ithaque. Est survenu un événement qui a tout transformé: l’époque, les gens, la culture... Un cataclysme? Peut-être...
De cette manière le voyage de notre Ulysse devient l’itinéraire d’un homme qui cherche vainement à reconstruire son identité personnelle et l’unité du monde. L’histoire d’Ulysse est la nôtre : toujours un peu plus...
Les divers événements et références qui servent de base pour l’écriture du texte sont tirés du chant XI de l’Odyssée. Nous nous appuyons fortement sur ce « dialogue avec les morts », mais en transformant très largement les circonstances et leur portée. La modification la plus notable est, avec la multitude des personnages, la présence déterminante de Circé. La longue période qui s’est écoulée entre le départ et le retour est figurée par les différences de langage entre ce que parle Ulysse et les personnages qu’il rencontre.
I.1. On découvre l’intérieur d’un édifice étrange, entre la grotte et le palais royal. L’extérieur est de marbre, sur les côtés, deux colonnes élancées. L’intérieur est une immense caverne naturelle. Sur le flanc de la bâtisse on entrevoit un pan de décor naturel: une plage, des arbustes, des genévriers et tout au fond, la mer. Un homme est étendu sur le sable. A côté de lui, les débris d’une embarcation. Ses vêtements sont lacérés.
Mais voici qu’il il se réveille et regarde tout autour de lui, étonné. Il se lève, crie un appel, puis considère les environs...Il coupe une branche de genévrier et la hume. Il respire l’air ambiant à pleins poumons, il tombe à genoux, prend une poignée de sable qu’il porte à ses lèvres et s’écrie: « Ithaque! Ithaque! ».
Puis il voit une traînée noirâtre sur la grève, il s’approche: c’est du goudron. Il s’aperçoit alors que ses pieds sont tout noirs jusqu’aux chevilles. Il regarde mieux et se rend compte que même la végétation est malade: les arbustes sont desséchés et rabougris. Ulysse pénètre dans la caverne. Il croit reconnaître la demeure de son père Laërte. « Où peut donc se trouver mon vieux père? » dit-il.
I.2. Il regarde autour de lui. Personne. Une vieille table, des outils agricoles, quelques chiffons. Ulysse ramasse une chemise maculée et élimée, un pantalon en lambeaux. Il craint qu’il ne soit arrivé quelque malheur au vieil homme. Il caresse longuement ces haillons et se remémore un épisode de son enfance, quand son père le conduisait jusqu’au verger: Laerte lui avait offert des plants d’arbres fruitiers et dévoilé bien des secrets des choses de la nature.
Tout d’un coup une bourrasque, une porte qui claque. Entre une vieille femme. Ulysse croit reconnaître la vieille servante sicilienne de Laerte... Mais non, c’est Euryclée. Il l’appelle. Elle ne répond pas. Il tente de la saisir par le bras. La vieille s’évanouit dans le décor comme un fantôme. Ulysse veut la suivre. Il sort de la maison, regarde tout autour. Il ne voit rien ni personne. Seul un vieux chien qui passe en aboyant.
II.1.On découvre à nouveau l’intérieur de la grotte, tout à fait métamorphosée. Elle regorge d’objets précieux, de tapisseries, de brocarts et de lampes. Sur la gauche se présente Circé, armée d’une baguette dorée, qui pousse devant elle un troupeau de porcs. Elle crie des ordres pour les faire pénétrer dans l’enclos. Derrière elle paraît Ulysse, l’air absent, attentif aux appels d’un appel venu d’ailleurs. Il ne tarde pas à reconnaître la voix de son compagnon Elpénor, mort sans sépulture. Il entre dans la demeure, croit reconnaître dans cette silhouette féminine sa femme Pénélope. Il l’appelle, Circé se retourne. Ulysse s’écrie: « Encore toi? Où est Pénélope? Lui as-tu jeté un sort? » Il la secoue avec rage, menaçant. Circé sourit: « C’est donc ainsi que tu me prends dans tes bras! » Ulysse desserre l’étreinte et la regarde plein de stupeur. Alors Circé: « Reste ici, Ulysse; Ithaque n’existe pas. » Ulysse refuse: « Non, non, j’ai vu Pénélope! Je l’ai vue! » Circé s’éloigne vers la gauche; sur ses lèvres erre un sourire étrange. Elle fait un geste: soudain, sur la droite apparaît Pénélope. Ulysse tente de l’enlacer, mais ses bras n’étreignent que l’air. « Me voilà revenu aux Enfers » pense-t-il. « Tous ceux que j’aimais sont morts ». Circé réapparaît, avec aux lèvres le même sourire mystérieux. Elle l’enlace, le conduit à l’extérieur. Ulysse la suit docilement.
II.2. Ulysse bâtit un grand radeau. Circé tente de le dissuader en répétant les mêmes mots: « Reste ici. Ithaque n’existe pas ». Les silhouettes que tu as vues ne sont que les ombres du passé ». Ulysse la repousse et met le radeau à l’eau.
Le lendemain matin, la mer rejette les débris du radeau.
II.3. Ulysse construit un autre radeau, puis un autre. A chaque fois la mer emporte l’embarcation dont elle rejette les débris sur la plage, peu après. Ulysse se laisse aller au désespoir. Circé lui prend la main: « La véritable Ithaque n’est pas celle de tes souvenirs, mais celle-ci! ». Bien des années se sont écoulées. Une catastrophe est arrivée. Ithaque n’est plus Itrhaque. Ulysse supplie Circé: « Je veux les revoir unez dernière fois. Je veux revoir Télémaque ». Circé entend sa prière: apparaît un vieillard sombre et squelettique. C’est Télémaque: « Père, tu ne me reconnais pas? ». Et voici que défilent tous les personnages de son passé: Eumée, Fémios, les Prétendants dont le corps est percé de flèches, de coups de lance et d’épée. Voici enfin Pénélope: « Quand retourneras-tu, Ulysse? » Mais Ulysse a du mal à déchiffrer ces paroles. On dirait qu’ils lui parlent tous dans une langue presque étrangère et qu’il ne comprend guère. On entend des grognements: quelques porcs entrent sur la gauche et traversent la scène. Il lui semble que tous parlent la même langue, sauf lui. Il tombe à terre, en larmes.