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Corsu

"In Corpu à Bastia" - Critica da Flavia Arrustipuci

In corpu à Bastia

In corpu à Bastia

In corpu à Bastia, le dernier roman en langue corse de Jacques Thiers, vient de paraître aux éditions Albiana.

Si vous vous laissez guider par le titre ou si vous connaissez déjà l’auteur vous vous direz : « Encore un roman sur la ville et le quartier de la fontaine neuve ! »…

Vous aurez raison car la ville de Bastia est omniprésente même si dans ce dernier roman ce n’est pas une énième facette de la cité qui est offerte mais bien une nouvelle peinture aux reflets parfois fantastiques conviant le lecteur à une plongée dans les égouts de la ville pour y découvrir l’envers d’un monde peuplé d’ombres mystérieuses et inquiétantes, métaphore de Bastia, de ses vices et de ses travers, de ses manquements historiques sans doute…

Vous pourrez vous interroger aussi sur l’époque qui sert de cadre au roman. Jacques Thiers a-t-il opté pour une période qui lui est chère, celle qui correspond aux années qui suivent la deuxième guerre mondiale ? La réponse est là aussi positive car le temps du roman coule entre 1943 et 2000, de la ville de Bastia occupée et bombardée jusqu’à sa libération, sa reconstruction et jusqu’à nous. Nostalgie de l’enfance et de l’adolescence ? C’est probable, mais ce ressassement, cette insistance sur une époque riche en événements, en « ouvertures » de la culture locale vers l’extérieur -immigrations, déplacements de populations, question et conflits européens, mondiaux même- ne revêtent-ils pas une signification plus collective, plus sociopolitique ? Qu’en dit l’auteur ?

Dévidant le fil de ces années, Maria Petracusciotti, la narratrice, assure la cohésion de In corpu à Bastia en racontant comment son mari William est jugé pour le meurtre d’un certain Hans Spitz, plus connu dans la ville à la fin de la guerre sous le nom de Monsieur Richard, allemand déserteur qui avait été aidé et caché par les parents de l’accusé.

Tout au long du roman, le texte cède à de fréquents retours en arrière -ou comme on dit des analepses- qui rappellent par exemple la vie des parents de William ou encore la confusion lors de la libération de la Corse (l’errance de centaines de personnes sur la Serra di Pigno à l’automne 1943 s’insère dans la fiction) évitant ainsi une trop grande linéarité au récit qui couvre une cinquantaine d’années. De la même manière, les récits enchâssés ajoutent des touches particulières à l’intrigue principale, touche poétique parfois, créée par le Roman d’Antar dont M’Barka, l’ouvrier arabe qui fréquente le soir le café des Petracusciotti, livre des passages au gré de ses rêveries.

Véritable rhapsodie, le nouveau roman de Jacques Thiers allie dans un effort de construction littéraire, fiction et réalité de l’Histoire de la Corse en une période trouble, anecdotes savoureuses sur un Bastia aujourd’hui révolu, en cédant parfois non sans autodérision à la mise en abyme de l’écriture…

Laissez vous entraîner, et vous découvrirez, peut-être, qui a tué Monsieur Richard…