Chjama è rispondi in Pigna cun A.C.Santucci
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Anna Catalina Santucci : "Le chjam'è rispondi peut être un outil d'apprentissage"
Par: Propos recueillis par Marie Stouvenot
Publié le: 05 janvier 2022 à 16:45
Dans: Société / Patrimoine
Anna Catalina Santucci était présente à Pigna le 28 décembre dernier pour présenter sa thèse sur les chjam'è rispondi en Corse. / 1
Anna Catalina Santucci est doctorante à l'université de Corse.
Dans quelques mois, elle soutiendra sa thèse " Chjam'è rispondi en Corse : un art en mutation ", dirigée par Alain Di Meglio.
La semaine dernière, elle était invitée par le centre musical Voce à l'occasion de leur soirée annuelle dédiée à cet art.
Après la présentation de sa thèse, l'assemblée a interrogé Anna Catalina Santucci sur les problématiques liées à l'utilisation de la langue corse.
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Comment faire vivre cet art si le nombre de locuteurs ne fait que décroître ? Justement, dans la dernière partie de sa thèse, Anna-Catalina propose d'utiliser les chjam'è rispondi pour enseigner la langue corse.
Quelles "mutations" avez-vous identifiées dans votre thèse ?
L'analyse des joutes a été effectuée sur 70 ans environ, entre 1948 et 2017. Les mutations se concentrent sur trois facteurs. D'abord sur leur forme, les chjam'è rispondi sur scène ont connu un essor ces dernières années grâce à des rencontres comme celle de Pigna qui est organisée régulièrement, tous les ans ou grâce à des premières parties de concerts. Ici, la pratique des chjam'è rispondi ne se fait plus parmi le public, mais devant le public. Puis, on constate une évolution dans la façon dont l'art est pratiqué. L'apparition du "scrivi è rispondi" au début des années 2000 a permis de constater l'éclosion de talents qui sont ensuite passés à la pratique orale. Enfin, il y a une mutation dans le domaine de la symbolique : les dictons et proverbes dans un tercet semblent avoir moins de place que dans les joutes passées.
Les chjam'è rispondi sont-ils toujours connus du grand public ?
Le nom est très connu. Il revient souvent dans les médias, notamment pour évoquer un vif échange argumenté, dans le domaine de la politique par exemple. La majorité connaît le terme donc mais n'a jamais vraiment assisté à une soirée comme à Pigna.
Et les nouvelles générations ?
Les jeunes peuvent être très intéressés par des chants ou des expressions artistiques qui se rapprochent du chjam'è rispondi mais qui n'en sont pas. En exemple nous pourrions parler du rap dans lequel on retrouve la notion de " battle ", l'idée de jouer avec les mots, les références culturelles, les proverbes. Et bien sûr il y a les rimes. Mais ce que nous pourrions rapprocher le plus du chjam'è rispondi c'est la pratique du slam qui devient de plus en plus populaire. À Pigna nous avions déjà reçu des slameurs et ça fonctionne très bien avec les chjam'è rispondi. Pour amorcer leur apprentissage dans les salles de classe nous pourrions peut-être établir avec un lien avec ces disciplines qu'ils connaissent déjà.
D'autant que des textes de rap et de slam sont aujourd'hui étudiés à l'école.
Oui mais au-delà d'une simple étude de texte, je montre dans ma thèse qu'utiliser le chjam'è rispondi pourrait permettre à la fois d'enseigner la langue corse mais aussi de développer d'autres compétences comme l'oral en public, les capacités d'improvisation, l'argumentation, enrichir son langage, maîtriser la syntaxe... ce qui correspond en tout point aux attentes des programmes scolaires de l'Éducation nationale.
Ce qui permettrait à la fois de promouvoir la langue corse et populariser la pratique du chjam'è rispondi ?
Exactement. Le tout à travers des sessions d'apprentissage très ludiques. Il ne faut pas oublier que c'est avant tout un jeu théâtral avec parfois beaucoup d'humour. En apprenant les règles du chjam'è rispondi, les rimes et tout ce qui caractérise cet art ça permettrait de mieux le comprendre, de l'apprécier à sa juste valeur. Dans le même temps, les enfants s'exerceraient en langue corse. Des ateliers sont proposés par des associations mais je pense qu'il serait possible de systématiser l'enseignement ou de le proposer comme un nouvel outil aux professeurs de corse. Je suis convaincue du fait que le chjam'è rispondi a toute sa place à l'école.