Mythopoeia
Cunferenze
Scontri di 15.04.2014« I think that fairy story has its own mode of reflecting ‘truth’, different from allegory or sustained satire, or ‘realism’, and in some ways more powerful ».
JRR Tolkien
Lorsque JRR Tolkien écrit le poème « Mythopoeia » en 1931 après une nuit de discussion collégiale sur la part de vérité convoyée par les créations littéraires à caractère mythographique, il vient s’insérer, peut-être malgré lui à l’époque, dans le grand débat ontologique qui agite l’écriture fictionnelle depuis son apparition aux temps homériques : Tolkien prend alors le parti de travailler en considérant comme acquis que les mythes participent d’un acte de fondation sans cesse renouvelée qui consiste à susciter la vérité du monde, sous divers aspects, précisément par le biais d’un processus de création, la mythopoièse.
Le poème « Mythopoeia » est donc une porte d’entrée dans l’univers critique et théorique de JRRT mais aussi un substrat thématique contenant en puissance les grands principes régissant la création consciente de mythes et de mythologies personnels dans les œuvres littéraires : la subcreation d’un monde imaginaire, à l’imitation de la Création biblique, tisse un lien de continuité entre le monde fictif et le nôtre, soit par une chronologie réinventée, soit par une cartographie inédite mais rationnelle, en somme par un enchantement renouvelé qui procure le plaisir du merveilleux mais sur des bases précises et claires.
Dès lors, à partir de ces sources documentaires réalistes, la mythopoièse, comme on peut le voir chez JRRT mais aussi chez RE Howard ou HP Lovecraft, nous fait voir le réel sous des dehors inhabituels mais quasi palpables parce qu’ils sont cohérents tout en étant fantastiques. Il s’agit de fabriquer de la vérité, de concevoir un univers conséquent qui apaise notre soif de merveilleux mais qui s’adresse aussi à notre capacité de compréhension des constructions logiques et normées. Comme le dit Strabon au sujet des fables homériques, ces textes procurent un passe-temps qui n’est pas indigne de l’homme libre (διαγωγὴν δ᾽ ὅμως πορίζοι ἂν οὐκ ἀνελεύθερον, Géographie, I, 1, 19).