Neria de Giovanni en visite au CCU en 2001
Baratti
Scontri di 14.02.2001 - 15.02.2001Les Rencontres littéraires mensuelles du CCU se poursuivent.
Neria De Giovanni est professeur de littérature à l'université de Sassari (Sardaigne, directrice de la revue Salpare et des éditions NEMAPRESS d’Alghero. Experte auprès de la communauté européenne pour les nouvelles technologies de l'information et de la communication, elle est aussi présidente de l'Association Internationale des Critiques Littéraires. C’est une personnalité de culture et d’action qui a été accueillie les 14 et 15 février 2001 à Bastia et à l’Université de Corse.
Mercredi 14 février : Bastia
LE PARCO LETTERARIO GRAZIA DELEDDA :
VALORISATION DE L’ECONOMIE PAR LA LITTERATURE
La conférencière a été accueillie par Dominique Mattei et l’équipe du Centre Culturel “ Una Volta ” autour d’une table de lecture préparée par le Centre Culturel Universitaire. Plusieurs analystes et acteurs de la vie littéraire de notre île y ont participé activement, qu’il s’agisse d’écriture en langue corse ou française comme Petru Santucci ou Anne Mestersheim, ou encore de la littérature italienne bien représentée dans ce débat par Pauline Sallembien et Francis Beretti de l’Association Salvatore Viale.
La discussion a roulé sur le thème central du livre de Neria De Giovanni, “ Il Pranzo dell’ospite ”, une anthologie de l’œuvre que l’on doit à Grazia Deledda, écrivaine sarde et prix Nobel de littérature. Il faut dire que cette tentative -couronnée d’un indéniable succès- de donner ses lettres de noblesse à la culture traditionnelle de la Sardaigne profonde se fonde sur une passion et une curiosité pour le terroir et l’identité culturelle qui n’ont pas produit que des chefs-d’œuvre. Un certain “ mériméisme ” fait alors l’objet d’une discussion nourrie à propos de la littérature corse, tant il est vrai que la conférencière sait toujours rendre son propos documentaire non seulement captivant, mais aussi utile à ses interlocuteurs immédiats.
Il est vrai que l’universitaire spécialiste de communication et de nouvelles technologies de l’information manifeste sans cesse le souci de réduire la distance qui semble exister habituellement entre la littérature et la vie.
A ce sujet, elle fait état d’une réalisation exemplaire. Il s’agit du “ Parco letterario Grazia Deledda ” de Nuoro (Sardaigne) dont elle est la présidente. Cette idée qui a fait ses preuves en Italie, prend appui sur les Fonds structurels Européens dévolus à l’aide aux régions en retard de développement. De manière innovante cette démarche s’est appliquée à l'installation du Parco letterario Grazia Deledda, organisé autour de l’écrivain et du terroir qui structure toute son œuvre.
En assurant la diffusion de l’œuvre littéraire et de son contenu (ou plus généralement d’une œuvre, car il peut s’agir de films, de musique ou d’autres produits culturels), il est possible d’organiser une floraison économique autour de la renommée d'une expression explique Neria De Giovanni. On peut utiliser à cet effet non seulement les habituels séminaires et colloques savants, mais surtout les circuits de découvertes touristiques et culturelles. Il s'agit aussi de “faire revivre dans un lieu les pages d'un auteur. Mais l'auteur est aussi un point de départ vers d'autres horizons”. C’est précisément la perspective que Neria De Giovanni entend élargir précisément par le biais d'écrivains bien ancrés dans un terroir. “La littérature est un excellent moyen pour mettre en rapport des hommes de cultures et de langues différentes, une découverte féconde des différences ”. La Méditerranée et l'insularité constituent dans ce domaine des atouts : “Chaque île est un écrin pour maintenir la richesse de chaque identité culturelle,surtout à l'heure européenne. C'estune chance pour échapper à la mondialisation et à l'uniformisation ”.
A première vue paradoxale, cette idée se comprend mieux quand Neria précise que fonctionne déjà un réseau de parcs littéraires dans dix pays méditerranéens. Il n'existe pas encore en France, de telles réalisations. Neria suggère une initiative à Lyon autour de la poétesse Louise Labé.
La personnalité littéraire d’un Salvatore Viale ou l’existence d’œuvres et d’expression très enracinées ne manqueront pas de faire naître le désir de créer un parc littéraire de ce type dans notre île. En attendant la concrétisation de cette éventualité, invitation est faite pour tisser des échanges avec la Sardaigne voisine. Neria De Giovanni propose à ses interlocuteurs et en particulier aux élèves et étudiants des échanges concrets avec la Sardaigne, hors saison touristique, en partenariat avec des professionnels du tourisme. Ce sera une excellente manière de concrétiser la culture de l'hospitalité et de l’accueil, traditionnelle dans les deux îles.
Jeudi 15 février : Corti
CHARME ET TALENT DE LA LITTERATURE SARDE
Neria de Giovanni, directrice de la revue culturelle “ Salpare ”, membre de jurys littéraires et présidente de l’Association internationale des Critiques Littéraires (AICL), était jeudi 15 février l’invitée de notre Université dans le cadre du cycle des “ Rencontres littéraires mensuelles du CCU ” pour évoquer quelques aspects de l’œuvre de Grazia Deledda, femme écrivain sarde, prix Nobel de littérature en 1926.
L’assistance, nombreuse, éréunissait en particulier des étudiants en études corses, en langue et civilisation italienne, SRC et Sciences de l’éducation, conduits par les enseignants de ces filières.
Le Lycée Pasquale Paoli, voisin et partenaire de l’Université dans cette opération, était lui aussi bien représenté avec des classes de lycéens qui ont fait grande impression par la richesse et la pertinence des commentaires et des questions. Ils s’exprimaient à propos de “ Il Pranzo dell’ospite ”, l’œuvre présentée par la conférencière et étudiée en cours sous la direction des professeurs Anne-Marie Peraldi et Marie-Noëlle Sorrentino.
Empruntant tour à tour aux textes de Grazia Deledda ou à ses propres études critiques, qui font référence dans nombre d’universités italiennes et européennes, Neria De Giovanni permit à des auditeurs immédiatement captivés, de mieux découvrir et cerner la marque de la culture et de la langue sardes dans une œuvre qui fut l’objet de quelques controverses. On a évoqué à propos de Deledda diverses influences, celle de Verga, mais aussi celle de Dostoievsky, que la romancière ne voulut jamais reconnaître. Peut-être tout fut-il d’abord contenu dans l’expérience d’une vie, passée dans l’austère Nuoro d’abord, puis à Rome. Neria de Giovanni cita le mot fameux de Balzac : “ Si tu veux être universel, parle de ton village. ” Voilà qui dissolvait sans doute le reproche de “ régionalisme ” que l’on accola, en Italie même, à Grazia Deledda Quelques anecdotes, contées avec humour par Neria de Giovanni, illustrèrent l’étonnant paradoxe de la femme-écrivain sarde, internationalement reconnue, et objet, dans son propre pays, d’une méfiance un rien dédaigneuse.
Neria de Giovanni sut mettre dans son propos une simplicité, une conviction qui permirent très vite un échange nourri et fructueux avec le public. L’œuvre littéraire, toujours un rien sacralisée, et en cela peut-être un peu lointaine pour ceux qui en abordent l’étude, est devenue, par la grâce de la conférencière, quelque chose de vivant, d’actuel. Des ponts étaient jetés entre le passé et le présent, entre la Corse et la Sardaigne, entre l’imaginaire et le quotidien, le réel et la fiction. La littérature n’était plus matière scolaire mais lieu de rencontres, d’échanges, de questionnements. Signe qui ne trompe pas : la conférence était achevée qu’autour de Neria de Giovanni, toujours souriante, se pressaient encore ceux qui voulaient poser une dernière question, avoir une dernière précision.
Remercions la conférencière d’avoir su témoigner, avec talent, que le savoir peut être aimable, séduisant, et l’analyse la plus subtile comprise par chacun, pour peu que l’on aille vers le public avec des brassées d’intentions généreuses et une volonté de faire aimer ce que l’on aime.
Un des grands mérites de Neria de Giovanni est d’avoir montré que nulle exégèse n’épuise jamais le sens d’une œuvre, et que celle-ci garde son irréductible part de mystère. Grazia Deledda, dont l’écriture, dans son dépouillement, va d’un trait, jusqu’au cœur des choses, nous laisse des textes encore ouverts aux investigations et à la recherche. Le rôle de la critique n’est-il pas aussi de ressusciter, de donner à connaître, ce que, souvent par paresse, on a définitivement enfoui sous quelques définitives formules ?
Le prochain invité du CCU sera Draûen Katunariº, philosophe, critique et poète croate. Qui donc disait qu’apprendre c’est frotter sa cervelle à la cervelle d’autrui ? C’est en tout cas l’ambitieux programme du CCU, et il est remarquable qu’il soit si précisément élaboré et suivi.
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Cette initiative est soutenue par la CTC, la DRAC, le Rectorat et “ La Maison des Ecrivains ”. Elle développe un cycle régulier de rencontres avec des écrivains du Sud de l'Europe et propose à Corti de devenir lieu de rencontre des écritures littéraires et d’échanges interrégionaux en Méditerranée.
Le rendez-vous mensuel se poursuivra donc en mars avec le poète croate Drazen Katunaric puis le dramaturge et romancier sarde Antoni Arca ; Casimiro de Brito, poète et président du Pen Club portugais et José Maria Alvarez, de la Province espagnole de Murcia, organisateur du festival international de poésie d’Alicante.
Les internautes peuvent retrouver les invités de ces Rencontres littéraires du CCU sur le site www.interromania.com. Différentes œuvres y sont disponibles, dont Camionabile 451 d’Alberto Pozzolini. Le texte est en version française (traducteur : Jean Chiorboli) et catalane (traduction de Jaume Corbera, publiée aux éditions de l’Université des Iles Baléares (UIB).