Nausicaa - Dimítris Anagnostópoulos

 

 

Nausicaa

 

Sò vechja

N’aghju vistu passà

Zitelli

(È) C’u focu à l’ochji

D’a maraviglia Oriente

 

Sò vechja

N’aghju intesu cantà

Sirene

Ed altre volte

Callipso di l’alloppiu

 

Sò vechja

N’aghju vistu vultà

Battelli

À li diserti porti

Carchi di tanta pena

 

Ma zitella sò sempre

Nausicaa ch’aspetta

A vela d’un Ulisse

Eternu

 

Nausicaa

 

Je suis vieille,

j’ai souvent vu passer

de ces enfants

aux yeux émerveillés

qui brûlaient pour l’Orient.

 

Je suis vieille,

j’ai entendu chanter

tant de sirènes

et parfois

Calypso, la puissante.

 

Je suis vieille,

j’ai vu rentrer au port

tant de navires

pour décharger leur peine

sur les quais désertés.

 

Je suis restée l’enfant,

Nausicaa qui guette

la voile d’un Ulysse

éternel.

 

Athènes, le 2 octobre 2013

 

 

Cher Monsieur Thiers

 

Tout d’abord, je me présente : Je m’appelle Dimítris Anagnostópoulos, je suis Grec, jeune parolier et traducteur de la langue française. Je voue un amour particulier pour la langue, la musique et le paysage corse, sans savoir vraiment d’où ça me vient. Je n’ai jamais eu la chance de visiter la Corse, mais je me plonge souvent dans les mots et les images que je découvre à travers les chansons et la poésie. Mon premier contact avec vos poèmes date de quelques années déjà, lorsque j’ai commandé sur internet et dévoré une collection des Éditions PHI, intitulée A Filetta / La Fougère. Onze poètes corses contemporains. Bien sûr, la traduction en français m’a énormément aidé à saisir les nuances subtiles de la langue corse qui autrement m’auraient sûrement échappé, puisque je ne connais pas vraiment le corse. Mais, ça a toujours été un grand plaisir de lire d’abord le texte corse et puis m’imaginer ce que cela pourrait donner en français ou en grec. C’était donc question de temps avant de m’aventurer à traduire quelques-uns de vos poèmes ; notamment Nausicaa, extrait de L’arretta bianca, recueil que j’ai découvert plus tard sur internet.

 

En fait, c’est au sujet de ce poème-là que je vous écris cette lettre. J’en ai fait une traduction assez fidèle à l’original corse, et même en vers, et ensuite je l’ai montrée à un compositeur grec dont j’admire beaucoup le talent. Il s’appelle Yórgos Kayalíkos. Quant à lui, il a été tout à fait séduit par le thème et les images du poème, au point de le revêtir aussitôt d’une très belle mélodie (à vous d’en juger en écoutant la maquette que je vous envoie, où il chante lui-même).

Actuellement, il prépare son deuxième album de chansons – une autoproduction à petit tirage, mais faite sous le regard d’un autre, très grand compositeur grec, monsieur Níkos Kypourgós. Le résultat sera ainsi de qualité, même si le budget investi ne peut pas être très élevé. Naturellement, notre but n’est pas lucratif non plus. Si vous êtes d’accord et si l’on a votre autorisation d’utiliser votre poème (chanté en grec, mais avec l’original corse écrit aussi dans le livret du disque), monsieur Kypourgós nous aiderait à proposer la chanson à une très grande interprète grecque, María Farantoúri, qui compte 50 ans de carrière cette année et qui a travaillé avec quelques-uns des plus considérables compositeurs de la chanson grecque, tels Míkis Theodorákis et Eléni Karaïndrou entre autres. Nous trouvons qu’elle est la mieux placée pour interpréter le personnage de la vieille Nausicaa.

 

Si vous êtes d’accord, alors, ce sera pour le compositeur et pour moi une très grande joie, car nous avons beaucoup rêvé à la réalisation de cette chanson. Et surtout pour moi, en tant que jeune traducteur-parolier, ce sera vraiment un honneur et une grande fierté d’avoir traduit vos mots, avec votre consentement.

 

 

 

 

 

Voici donc votre Nausicaa, en grec :

 

 

 

Ναυσικά

 

Γερασμένη τώρα πια,

εγώ κι αν είδα να περνούν

παιδιά με φλόγα μες στα μάτια

για της Ανατολής το θαύμα…

 

Γερασμένη τώρα πια,

κι αν έχω ακούσει εγώ φωνές:

Σειρήνες τόσες, ή ακόμα

την Καλυψώ αφιονισμένη…

 

Μα μένω εκείνο το κορίτσι:

η Ναυσικά που περιμένει…

Η Ναυσικά που περιμένει να φανεί

ενός αιώνιου Οδυσσέα το πανί.

 

Γερασμένη τώρα πια,

εγώ κι αν είδα να γυρνούν

τα πλοία σ’ έρημα λιμάνια·

να ξεφορτώνουν μαύρο κλάμα…

 

 

Nausicaa

 

Vieillie maintenant,

n’ai-je pas vu des gamins,

la flamme dans leurs yeux

pour le miracle de l’Orient…

 

Vieillie maintenant,

n’ai-je pas entendu des voix :

tant de Sirènes, ou même

Calypso exaltée…

 

Mais, je reste cette fille-là :

Nausicaa qui attend…

Nausicaa qui attend voir

la voile d’un Ulysse éternel.

 

Vieillie maintenant,

n’ai-je pas vu retourner

les bateaux dans des ports déserts,

déchargeant des pleurs amers.

 

 

Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, Monsieur Thiers, l’expression de mes salutations distinguées.

 

Dimítris Anagnostópoulos