RESUCONTU DI A VISITA DI JAUME PONT (CATALOGNA)

Scontri di 11.03.2002

Un vol de cendres

On consomme du format court, des enchantements brefs, des mètres standardisés. Bon. Pourquoi pas ? Qu’on n’attende pas de nous un ennième gémissement, ni même un froncement de sourcils. On n’est pas là pour morigéner, mais proposer, faire connaître, introduire la diversité comme proposition alternative à l’uniformisation. Alors, bien entendu les poètes sont les bienvenus. Les troubadours et les trouvères aussi. Si on en trouve.

Poésie essentielle que celle de Jaume PONT. Dans de petits poèmes ramassés sur la notation d’une sensation, le poète construit l’arc d’une méditation qui nous renvoie au rapport primordial –et si souvent méconnu tant nos « vacations sont farcesques »- que l’existence humaine entretient avec ce qui l’entoure, mais surtout et avant tout, avec sa précarité. Aucune plainte cependant, ni d’admonition : le poète n’est pas censeur. Il se voudrait plutôt, comme l’autre, voleur de feu. Mais l’homme doit, une fois encore, charger sur ses épaules le fardeau de l’humilité : le moindre bruissement, la terre qui sonne vide, la larme du moribond et les silences du maquis sont autant d’échappées vers la connaissance.
La vie n’est sans doute que le titre d’un recueil de poèmes profonds et inspirés… un vol de cendres. Qui sera bientôt transformé en « Volu di cennari » par la virtuosité de Francescu Micheli Durazzo, ami et traducteur de Jaume Pont :
« Non ridere, non lugere, neque destestari, sed
intellegere : cusì la vulia Spinoza. Compii a risa, i lamenta ed a malidizzioni, solu ferma à capiscia u misteru di a pietata nicissità di mora. Annantu à a morti di l'Altru, aghju scrittu issi puema : a parta da l'Altru, chì socu dinò eiu. Ùn mi ni ferma più nissun dubitu : quistu libru hè d'amori. »

Jaume Pont est né en 1947 à Lérida où il occupe, depuis 1990, une chaire de Littérature espagnole moderne et contemporaine à l'Université de Lérida, l'Estudi general. Il fait des études de filología hispánica à l'Université de Barcelone de 1966 à 1971. L'année où il obtient la licence, il devient dans cette même université, professeur assistant et il commence à donner des cours de littérature sur le Siècle d'Or, sous la direction de José Manuel Blecua ; En 1972, Il entreprend une thèse qu'il soutiendra en 1977 sur la poésie de Carlos Edmundo de Ory. Son titre est El Postismo, Un movimiento estético de vanguardia, et elle paraît en 1987 aux "Libres del Mall".
Le jeune Jaume Pont est avide de découvrir d'autres horizons, de connaître d'autres langues. Et paradoxalement, de l'aveu même du poète, c'est à Poitiers qu'il découvre le catalan, grâce à un couple de professeurs catalans tous deux enseignants à Poitiers ? C'est alors que le choix du catalan s'impose à lui comme langue poétique. Il n'écrira plus qu'en catalan, après quelques tentatives en castillan vite oubliées, mais qui avaient été tout de même présentées à un concours de poésie en 1972.
Le premier poème de Limit(s), son premier livre, qu'il qualifie de « retrobament emocionat amb la meva llengua » est écrit à Poitiers. En 1976, c'est le retour à Lérida, la ville natale, où il enseigne puis passe un an en Italie, comme professeur à l'Université de Naples. Cette expérience est déterminante pour deux raisons : d'une part le concept de méditerranée comme espace, comme culture, d'autre part la proximité des lieux hantés par le souvenir de Leopardi. Il habite alors à Herculanum, près de Torre del Greco. On en trouvera une trace dans le poème de Raó d'Atzar dédié à Leopardi. Il y fréquente Josep Piera qui écrira à propos de Naples Un Bellisim cadàver barroc. Enfin son œuvre prend deux directions complémentaires et qui s'influencent l'une l'autre : d'une part la critique sur la poésie espagnole et catalane de l'Après-guerre jusqu'à aujourd'hui, et il collabore en effet avec de nombreuses revues et publie des essais, l'un des plus intéressants étant celui écrit avec Joaquim Marco sur La Nova poesía catalana, plus précisément celle des années cinquante et soixante; d'autre part la poésie dont un premier ensemble a été publié sous le titre général de Raó d'Atzar, titre de l'un de ses recueils : Cet ensemble regroupe les livres suivants : Limit(s) (1974-1976), Els Vels de l'éclipse (1977-1979), Jardí Bàrbar (1979-1980), Divan (1980-1982), Raó d'Atzar (1983-1989), à quoi Il faut ajouter une plaquette intitulée Vol de cendres qui reçoit le prestigieux prix de poésie Serra d'or (précisons qu'elle était en compétition avec un recueil de Pere Gimferrer) et Llibre de la Frontera (2000) récemment couronné par le plus important prix de poésie décerné à un recueil de poème en Espagne, Le Prix de la critique, livre dans lequel l'auteur prête sa voix à d'imaginaires poètes arabes du Moyen-Age ayant vécu en Catalogne.
Bien qu'il ait entretenu des relations suivies avec les poètes catalans de sa génération et de plus jeunes, notamment ses anciens élèves, et qu'il ait subi des influences principalement de l'extérieur de la sphère catalane, comme Juan de la Cruz, Georges Bataille, Wallace Stevens, Baudelaire, Commings, Eliot ou Pound et ce sont précisément les auteurs que lisaient au début des années 70 les novíssimos, Jaume Pont s'est toujours refusé à s'enfermer dans un courant et n'a pas de maître à penser en poésie. Il reconnaît l'influence du surréalisme sur son premier livre mais renonce aussitôt après à la technique de l'image surréaliste. Le courant dans lequel il puise encore aujourd'hui certains éléments de sa poétique est le symbolisme en ce qu'il le relie au baroque. L'esthétique baroque —goût prononcé des figures de mots, des parallélismes et des antithèses, et en même temps refus de la perfection classique—convient assez bien à sa conception de la poésie : pour Jaume Pont, la baroque ne se limite pas à ses aspects formels « c'est l'essence même de la contradiction de l'existence humaine (…) et le langage ne fait pas autre chose que de refléter cette contradiction. » Cela se traduit par une poésie volontiers hermétique dans les premiers livres, conceptuelle et métaphysique qui exprime la tension entre « l'aspiration métaphysique de l'homme et l'éros » entre l'amour et la mort.