Jacques Thiers-LES MISSIONS MOURRE

Jacques Thiers-LES MISSIONS MOURRE (1818-1822)

(in: Salvatore Viale et la Toscane littéraire, actes du séminaire « Salvatore Viale et la Toscane au 19ème siècle »,

Association de Soutien du CCU-BU, U.de Corse (septembre), 1996.)

 

La question de l’éducation populaire occupe une place notable dans la correspondance de Viale. Elle reflète les discussions et les préoccupations qui sont celles des élites éclairées des pays d’Europe depuis le début de la Restauration.

Dans cette publication même, la lettre de Raffaello Lambruschini que commente Marco Cini indique quelles auraient pu être les orientations intellectuelles et culturelles de Salvatore s’il avait dû aller plus avant dans le développement d’une tradition toscane héritée des Lumières, caractérisées par des tendances modérées et rationalistes, qui trouva son foyer de diffusion dans le cercle des collaborateurs et lecteurs de « l’Antologia ». L’idée d’une morale pratique, affranchie des excès de l’abstraction et tournée vers l’amélioration du niveau intellectuel et économique des masses rencontrait immanquablement les préoccupations pédagogiques et la nécessité d’en parfaire les instruments et la réflexion. C’est dire si Viale aurait pu apporter sa contribution propre à l’oeuvre entreprise dans ces centres intellectuels originaux, protégés par la solitude de la campagne toscane, comme à San Cerbone ou au château de Brolio. Sans doute se serait-il consacré comme Lambruschini et Ricasoli, à l’agronomie et à l’éducation, en s’intéressant toujours davantage aux entreprises susceptibles de forger l’esprit public et d’élever le niveau de vie matériel et intellectuel du peuple: caisses d’épargne, réflexions pour l’amélioration des techniques agricoles, culture du vers à soie, arts et métiers, écoles d’enseignement mutuel, etc.

Cet intérêt que montre Viale pour les choses de l’éducation est partie intégrante de la culture des élites européennes. Il aurait dû assigner au magistrat bastiais une place non négligeable dans l’action qui fut engagée en Corse à la faveur de la politique éducative de la Restauration.

 

Si les tenants de l’esprit aristocratique ne manquent pas d’attribuer à l’instruction une influence dangereuse pour l’ordre social dominant, dans les milieux les plus divers on n’hésite plus à considérer l’ignorance comme l’un des plus grands fléaux de la société contemporaine. L’absence d’instruction est, dit-on, responsable de de l’abrutissement de l’esprit, de la dépravation des sentiments, de l’asservissement aux instincts, aux vices et à la paresse.

Lorsque la générosité des principes philanthropiques s’exprime au sein de la bourgoisie elle s’accompagne de considérations plus pratiques et matérielles. Les bouleversements des trente dernières années sont souvent lus à travers l’ignorance des masses qui en apparaissent comme la cause: la tyrannie, les factions, les fanatismes et les révolutions sont de ce fait le fruit de l’ignorance. Sous les nouveaux régimes, de nature constitutionnelle et tout imprégnés des idées libérales, la régénération de l’esprit public par l’instruction est d’autant plus nécessaire que la forme du système politique requiert le libre consentement des citoyens aux actes du pouvoir. Or l’adhésion au politique ne peut se faire sans la compréhension de l’action du législateur et des politiques qui s’en déduisent. Telle est la conviction fortement exprimée en France par Royer-Collard, président de la Commission de l’Instruction publique qui prend la place du Grand-Maître dans la direction de l’Université  créée par Napoléon et conservée à la Restauration.

La nécessité d’administrer le pays exige également des progrès rapides de l’instruction populaire si la Monarchie veut pouvoir étendre son action sur toute l’étendue de son territoire. Or répercuter et mettre en oeuvre les décisions venues du centre est une gajeure sans le relais des magistratures et des emplois publics exercés localement.

A cette urgence politique et administrative les esprits sensibles aux questions économiques ajoutent les idées qu’ils reprennent de Mirabeau, de Turgot, mais aussi d’Adam Smith et des économistes de leur temps. Ils mettent en évidence les théories qui lient l’enrichissement général des sociétés -en particulier dans les classes inférieures- à l’amélioration des rendements et à l’accroissement de l’activité générale. Or ces progrès ne peuvent intervenir sans la diffusion généralisée de l’instruction dans les masses laborieuses qu’elles soient paysannes ou citadines.

Pour conserver à cette instruction de base l’efficacité qu’ils lui prêtent, les philanthropes qui sont aux commandes de la politique scolaire de la Restauration ont soin d’en limiter la portée et le cours. Point d’égalitarisme dans des vues qui se démarquent des anciens principes de la Convention montagnarde. L’enseignement du peuple ne doit pas bouleverser la hiérarchisation des classes mais  permettre de conforter l’édifice politique par l’amélioration du niveau de vie et l’adhésion des individus à leur condition d’origine. Si bien que l’on verra cohabiter deux types d’enseignement (primaire et secondaire-supérieur) dont il s’agit de distinguer la nature plus nettement encore qu’autrefois tout en en améliorant l’efficacité de leurs organisations respectives.

L’enseignement populaire apparaît donc comme l’une des priorités de la France nouvelle dans les années qui suivent la chute de l’Empire. La stabilité politique et sociale du nouveau régime, la prospérité de son économie et l’acceptation par les Français des institutions qui régissent leur vie sont dans bien des esprits tributaires des progrès de l’instruction. Dans les cinq premières années de la Restauration, un effort particulier va se trouver engagé en France grâce tout d’abord à des initiatives privées qui permettront la création d’une Société pour l’instruction élémentaire et le développement de l’enseignement mutuel (1). Le succès de la première est dû tant à la personnalité de ses initiateurs, de riches philanthropes très proches des milieux gouvernementaux, qu’à l’efficacité d’initiatives qui essaimèrent sur tout le territoire une multitude de filiales de la société-mère de Paris et un nombre considérable d’écoles qui en appliquèrent les principes pédaogiques. Quant au second, il ne pouvait que submerger la France dans un mouvement qui en quelques années atteindrait à une extension universelle. Les succès de l’initiative privée conduisirent très rapidement à l’officialisation partielle puis à la généralisation de principes qui devinrent alors la doctrine de l’Etat. Des difficultés de tous ordres au premier rang desquelles se signalent l’opposition de l’Eglise et la réaction ultra provoqueront de 1824 à 1827 l’éclipse d’un mouvement original qui est à l’origine de la loi Guizot de 1833 et des développements croissants de la politique scolaire en France tout au long du 19e siècle.

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La Corse est présente dans ce mouvement qui affecte toute la société française. Elle y apparaît avec sa spécificité, ses problèmes, ses pesanteurs et les réponses singulières qu’elle apporte à la sollicitation de la politique scolaire générale. La Société d’Instruction publique fondée en 1803 par le préfet du Golo avait cessé toute activité en 1810. Ressuscitée en 1818 par le préfet De Vignolle, elle a répercuté les échos insulaires de cette nouvelle politique. Dans cette institution dont le secrétaire est alors Francesco Ottaviano Renucci et Salvadore Viale l’un des animateurs principaux auraient pu se rencontrer et s’unir deux courants également porteurs des idées nouvelles: le dynamisme des élites insulaires et la mission des fonctionnaires gouvernementaux en charge de l’instruction en Corse. L’éloignement culturel, la disparité des enjeux intellectuels et politiques, sans doute aussi la méfiance réciproque des individus provoquèrent au contraire l’espacement des réunions, puis dès 1821 l’effacement définitif des travaux de cette société littéraire. Cette disparition a provoqué l’étonnement de certains analystes de l’histoire corse. La lecture de la correspondance du premier recteur de la Corse, Antoine-Félix Mourre, nous informe sur les causes réelles de l’extinction d’une société dont les autorités ne pouvaient tolérer la concurrence, car l’Université, jalouse de son statut et de ses prérogatives, ne pouvait s’accommoder de l’indépendance culturelle et idéologique dont les élites du cercle de Viale avaient su marquer leurs travaux et leurs manifestations publiques. Elle renferme également nombre d’informations sur l’état des mentalités et des structures de la société insulaires au temps de Viale. C’est la raison pour laquelle nous avons tenu à faire figurer dans cette publication un choix de documents effectué dans l’abondante correspondance échangée entre Mourre et les autorités de l’île ou de Paris. En faisant précéder ces documents du rapport de la 5ème séance de la Commission spéciale de Corse (séance du 11 mars 1819) nous avons voulu indiquer que le choix du développement de la Corse se posait en termes d’alternative, puisque si dans ce procès-verbal la francisation de l’île est un objectif essentiel (« Ils partent corses de leur île et ils y retournent italiens. Il faut leur faire sentir l’avantage de devenir français » dit éloquemment le général Michaux) tout n’est pas subordonné à cet impératif et l’on remarquera en particulier la variété des ressources économiques qu’on envisage d’exploiter et la précision des propositions d’enseignement manuel et pratique que l’on entend développer en Corse à cet effet.

Antoine-Félix Mourre, le premier inspecteur d’académie « chargé des fonctions rectorales en Corse » était né le 19 mai 1768 à Lorgues. Il mourut le 10 septembre 1837 à Draguignan. Son père était notaire royal et procureur. Il était entré de bonne heure dans la congrégation des doctrinaires où il demeura de 1782 à 1793. Il enseigna dans divers collèges de province de 1783 à 1795. Nommé inspecteur d'académie il exerça cette fonction à Montpellier (1815-1817) puis à Aix-en-Provence de 1817 à 1819. C’est en 1818 qu’il fut chargé de faire une inspection en Corse et de rédiger un plan pour la rénovation de l’instruction dans l’île. Il est ensuite chargé des fonctions rectorales en Corse en 1820 et 1821. Il quittera l’île en février 1822 après avoir transmis ses fonctions à Louis-Magloire Cottard, qui était depuis trois mois son adjoint. Recteur de l'académie de Grenoble jusqu'au 1er octobre 1825, il assura les mêmes fonctions à Aix-en-Provence jusqu'au 30 septembre 1828. Il reçut en 1829 le titre d'Inspecteur général honoraire de l'Université et fut fait chevalier de la Légion d'honneur. Devenu recteur d'Aix, Mourre était retourné en Corse en 1827, chargé d'inspection générale.

 

Depuis les années 1816-1817 qui marquent le renouveau de la politique scolaire en France, la Corse semble être restée à l’écart de l’effort général. Le 14 janvier 1818 le recteur de l’Université d’Aix, D’Eymar, assure que tous ses inspecteurs ont refusé de visiter la Corse qui dépend de son administration. Le préfet Martin de Vignolle (en charge de la Corse du 14 mars 1818 au 15 décembre 1819) sous l’administration duquel Mourre effectue sa première inspection (le journal assure en septembre 1818 qu’il « parcourt la Corse en ce moment »), stimule l’instruction et la vie intellectuelle: il rétablit la Société d’Instruction publique de la Corse à Bastia, fonde la Société Centrale d’Agriculture à Ajaccio, et donne l’impulsion nécessaire au Journal de la Corse qui vient d’être créé à la préfecture d’Ajaccio.

Le préfet de Vignolle et plus encore son successeur, Claude-François Eymard (30 janvier 1820-9 janvier 1822) apportèrent leur appui aux projets de Mourre dont les avis et les recommandations inspirent toute réflexion sur l’instruction dans l’île depuis la fin de l’année 1818. Le 19 mars 1819, la Commission Spéciale des Affaires de Corse entend différents rapports sur l’état de l’instruction dans l’île. Quant à la Commission d’Instruction publique, elle adopte le 20 août 1820 un plan général qui suit de près toutes les recommandations de Mourre. On en retrouvera les échos loin dans la période et même après 1830 à travers les documents officiels qui reproduisent souvent trait pour trait et mot pour mot les paroles du premier recteur de l’île.

 

Le P.V.de la séance du 20 août 1820 indique nettement l’orientation suivie par la Commission qui se rend aux avis de Mourre.

1.L’Université de Corte:

Depuis 1817 différents rapports établissent la probabilité de sa réouverture et bientôt l’imminence de celle-ci (la date de novembre 1820 apparaît à plusieurs reprises). Une lettre du préfet de février 1820 porte que « Bonaparte avait décrété qu’il y aurait en Corse une académie. Il savait que les fortunes de ses compatriotes ne permettraient qu’à un petit nombre d’entre eux d’envoyer leurs enfants sur le continent et que par l’effet d’anciennes habitudes ou par des vues d’économie, ceux qui prenaient ce parti envoyaient leurs enfants en Italie plutôt qu’en France. De là une éducation qui entretient des moeurs et des idées étrangères aux nôtres. L’établissement d’une académie vraiment française aurait donc le double objet d’éclairer et de nationaliser les Corses. » (ANF1711755).

Le rapport présenté à la Société Centrale d’Instruction de la Corse par le médecin Santini en 1820 va dans le même sens (« nos jeunes gens ont continué à passer en foule à l’étranger et à y porter une partie de leurs modiques fortunes pour acquérir des connaissances et acheter des diplômes » (ANF1711755).

Or Mourre émet des doutes, quant à lui, sur l’utilité de l’établissement: Le moment « n’est pas encore arrivé ». Les obstacles sont nombreux: extrême rareté des professeurs compétents, livres introuvables dans l’île, absence de collections, faiblesse du potentiel étudiant. Dans l’état actuel des choses, on doit selon lui se borner à établir une grande école où, comme dans les collèges de l’Italie, aux enseignements habituels des collèges seraient ajoutés des enseignements complémentaires dispensés par des régents pour les études littéraires, religieuses et juridiques. Ainsi confortés dans leur formation de base, les élèves seraient tout naturellement portés à poursuivre leurs études dans les facultés françaises, car « il suffit de quelques maîtres et de quelques livres » pour leur donner le goût des sciences « en attendant que cette jeunesse puisse trouver toutes les ressources nécessaires sans sortir de son île ». On pourrait aussi créer, en lieu et place d’une faculté de médecine, « une école secondaire de médecine et de chirurgie placée dans la ville de Corse où sont situés les principaux hôpitaux ».

En outre les fonds disponibles (legs Paoli et allocation du Conseil Général) ne sont pas suffisants. 10475 francs ne pourraient couvrir l’ensemble des frais: il faudrait pour entretenir 10 professeurs de 18000 à 20000 francs auxquels on doit ajouter la dépense pour le matériel et 3000 à 4000 francs annuels pour l’achat de livres et la composition des collections. Si l’on veut par ailleurs engager des « professeurs instruits » pour l’école en projet, il faudrait permettre un cumul de la retraite et du traitement pour ces enseignants et fixer à 8 mois la durée de leurs cours: ils disposeraient ainsi de 4 mois pour aller en France ou en Italie, y constituer des collections et se tenir informés par des contacts avec les savants.

Une université ne semble donc pas viable à la commission qui prône l’ouverture d’un collège central, structure intermédiaire entre le collège royal et la faculté, un enseignement supérieur partiel, dispensé par des professeurs venus du Continent français et attirés par des avantages financiers.

 

2. L’enseignement secondaire.

Mourre a trouvé les deux collèges communaux de Bastia et d’Ajaccio dans un état pitoyable. Dans le premier « les études étaient devenues presque nulles »: exercices religieux négligés, indiscipline, manque de méthode, vacances démesurées, pédagogie défectueuse; les locaux du second étaient investis par l’aurtorité militaire et les professeurs étaient contraints de donner leurs cours chez eux. Le premier soin de Mourre est de donner un bureau d’administration à chacun de ces établissements: les gens éclairés qui le composent établiront des bases financières saines pour la réorganisation des études. Un règlement identique à celui des collèges de France viendra compléter le dispositif.

La Commission suit dans le détail les recommandations de Mourre et entend conformer les études de ces établissements à ce qu’elles sont en France. Elle se déclare en particulier vigilante sur la question de l’enseignement du latin. A travers la définition précise des limites de l’accès à l’enseignement secondaire se vérifie les dispositions des élites libérales vis-à-vis de la mobilité sociale des individus: l’empêcher ou la contenir dans l’exception.

 

3.L’enseignement primaire.

C’est indéniablement ce degré qui fixe l’attention de Mourre et de la Commission. Aux mains de desservants que l’on juge pour la plupart grossiers et ignorants, ce premier enseignement est à l’abandon. Les rivalités sont très fortes entre instituteurs laïques et ecclésiastiques.

Les comités cantonaux institués par l’ordonnance de février 1816 permettront de gérer cette situation délicate en influant sur le choix et la surveillance des instituteurs. Ils devront être associés étroitement à la gestion des « localités »: impartiaux, ils émettront à l’intention de l’inspecteur un avis motivé sur toute demande de brevet de capacité à l’enseignement et d’autorisation pour l’ouverture d’une école. Ils auront en outre à exercer leur contrôle sur toutes les écoles où le latin est enseigné et qui, de ce fait, ne se distinguent pas des écoles élémentaires (établissements qui hors des villes sont d’un degré inférieur aux collèges communaux).

 

Les mesures que conseille Mourre sont adoptées. Ce sont:

1°) l’organisation et la composition des comités cantonaux;

2°) l’extension des écoles des frères de la dochtrine chrétienne. En 1806 le cardinal Fesch en a institué une à Ajaccio qui compte 250 élèves en 1820. Une autre va s’ouvrir à Corte. Mais ces écoles coûtent 2000 francs par an et seules 5 à 6 communes peuvent soutenir une telle dépense;

3°) l’ouverture d’écoles d’enseignement mutuel. Avec 100 francs par an et une petite rétribution des élèves on peut en créer une dans chaque commune un peu peuplée. Celle qui a été ouverte à Bastia en 1818 donne de bons résultats. Transformée en école modèle, elle doit attirer tous les jeunes instituteurs qui viendront y apprendre la méthode.

4°) La surveillance du dispositif sera confiée à un inspecteur qui séjournera dans l’île pendant de longs mois.

 

Nommé inspecteur chargé des fonctions rectorales en 1820, Mourre va s’attacher à mettre en oeuvre la politique ainsi définie. Il développera les écoles des frères qui enseignent en français, dispensent un enseignement très limité et une morale chrétienne bien propre à rendre les Corses respectueux des lois. Il entend faire passer à 8 les 4 écoles en activité en 1820 (Ajaccio, Bastia, Calvi, Sartene).L’enseignement mutuel est moins cher et peut, par son système pédagogique, généraliser la discipline en même temps que la langue française. Mourre élabore un plan d’ouverture de 30 écoles cantonales de ce type. Pour financer en partie la dépense une souscription est lancée et créée une Société pour l’encouragement de l’instruction élémentaire à l’instar de celle de Paris: les maîtres de ces nouvelles écoles seront directement formés par l’inspecteur. Comme l’enseignement est aux mains du clergé corse, Mourre entend convertir les gens d’église à la pratique du français, en particulier par un examen auquel sera soumis tout candidat aux fonctions ecclésiastiques.

Ces dispositions représentent un effort sans précédent dans l’histoire de l’instruction publique en Corse. Trois sortes d’obstacles devaient se dresser contre la volonté conquérante du résolu philanthrope: le sentiment de la hiérarchie administrative qui entrave l’action d’un préfet, Eymard, pourtant acquis aux intentions de Mourre; l’attitude des élites corses, préoccupées seulement de la réouverture de l’Université de Corte, attachées à leur système traditionnel d’enseignement et réfractaires à toute imposition du Conseil Général en faveur de ce plan; les fins de non recevoir du ministère hostile à un effort financier présenté comme trop important.

Les documents retracent les étapes de cette action. Nous avons voulu les présenter au lecteur dans leur authenticité d’archives parce que leur forme narrative éclaire autant que leur teneur sémantique la grande question mise en débat dans la recherche qui justifie la présente publication (2).

 

(1) Sur ces initiatives et plus généralement sur la politique scolaire de la Restauration on se reportera à:

Maurice Gontard: L’Enseignement primaire en France de la Révolution à la loi Guizot (1789-1833), Les Belles-Lettres, Paris, 1959; Gaston Maliaret et Jean Vial (dir.): Histoire mondiale de l’éducation, tome 3: de 1815 à 1945, Presses Universitaires de France, Paris, 1981.

(2) Pour l’action scolaire menée en Corse dans la période considérée on pourra se reporter à: Jacques Thiers: Les Poitrons, l’inspecteur et le gecko, Albiana, Levie, 1993.