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Francese

3 – La peinture corse du XVIIIe siècle

   Au siècle des Lumières, contrairement à une vision caricaturale généralement admise, les Corses ne se sont pas uniquement préoccupés de politique, de guerres et de révolutions. Certes, les élites insulaires se sont enflammées et passionnées pour les idées et les luttes du temps. Toutefois, malgré un contexte politique en ébullition, la Corse du XVIIIe siècle reste attachée à la plupart de ses valeurs traditionnelles. Les Corses sont extrêmement religieux. Ils ont pour la religion un feu et une passion qui les poussent à s’imposer bien des sacrifices matériels, afin d’orner leurs lieux de culte le plus dignement possible. Ainsi, même si l’île ne dispose pas de possibilités financières considérables, les artistes prospèrent sur son sol. Une multitude de peintres, de sculpteurs, de marbriers, de stucateurs, de menuisiers-ébenistes sillonnent infatigablement les routes et les chemins pour embellir églises, chapelles et couvents.

   L’école bastiaise du XVIIIe siècle s’essouffle par rapport au siècle précédent. La conjoncture politico-économique évolue radicalement et entraîne une diminution de l’activité des peintres bastiais. Tout au long du siècle, le nombre des ateliers en activité dans la ville va se maintenir au nombre de deux ou trois, guère plus. A cette époque, Bastia connaît un état de plus en plus artificiel de «ville génoise», capitale d’un territoire corse de plus en plus frondeur et indépendant. Ce retranchement progressif de la ville par rapport à l’intérieur de l’île ne sera pas propice à son rayonnement artistique.

   Au XVIIIe siècle, un nouveau pôle de création picturale émerge et vient concurrencer sérieusement les deux pôles traditionnels constitués par les villes de Bastia et d’Ajaccio. Ce troisième pôle présente deux originalités : il n’est ni citadin, ni centralisé. De caractère rural, il fédère plusieurs ateliers d’artistes éparpillés sur un territoire couvrant la Castagniccia et la Balagne. Soulignons que ces régions vont devenir, notamment grâce au régime instauré par Pascal Paoli, des centres importants dans les domaines politique, administratif et économique. Ceci contribuera à rendre florissante l’activité des artistes. Une quinzaine de peintres est recensée au sein de ce qu’il convient d’appeler l’école castano-balanine.