In memoria di Petru Guelfucci

In memoria di Petru Guelfucci,

                            Le duende de Petru

Santu, le berger, gardait la bouche close.
Ghjuvan Francescu, le poète, se taisait aussi.
Maria s’enveloppa dans son châle de soie verte.
Et Paulu, qu'on appelait le gitan, restait la tête basse.
On leur servit à boire.
Un alcool qui brûle la gorge et dessèche les lèvres.
Ils l’avalèrent d’un seul coup.
Le chanteur était assis, la tête dans les mains.
Il se redressa à peine.
Il prit son souffle.
Il ferma les yeux.
Il mit la main à son oreille.
Il attaqua le chant.
D’abord, ce ne fut qu’un murmure.
Paulu leva la tête.
Ils étaient tous à l’affût.
Ils entendirent alors les appels des bergers et l’écho des montagnes,
La plainte des vents glacés et de l’amour perdu
Le déchirement des départs
Le sang et les larmes des femmes
Les guerres gagnées et perdues
Le corps transi d’amour de désir et de peur
La fatigue des marches dans les sentiers pierreux
La fraîcheur des fontaines sous les soleils de midi
Et le sommeil, qui vient trop vite, comme la mort.
La voix se tarissait et sa musique aussi.
Eux, assis et raides, buvaient sec.
Quand le chant s'acheva, ils se levèrent
Et saluèrent le sombre génie
qui l’avait inspiré
en tapant dans leurs mains
comme sur des cymbales.

 

(Marie FERRANTI: «Una puesia ch'avia scrittu per ellu, cum’ella mi venia, anni fà...»)